2021
Vayelekh, ou le tombeau des vanités
Vayelekh est la parasha la plus courte de l’ensemble de la Torah : dans les années qui ne comptent pas assez de semaines pour une lecture de toutes les parashiot, on la lit en même temps que Nitzavim. Pourtant, elle n’est pas sans intérêt par elle-même et mérite qu’on s’y arrête.
Vayelekh en quelques mots
Nous voici parvenus quasiment au terme de l’errance dans le désert. Le voyage vers la Terre Promise n’en finit pas de finir mais les Israélites savent qu’ils touchent au but. Moïse, lui, sait que sa vie s’achèvera bientôt et qu’il mourra sans avoir vu le Peuple franchir le Jourdain.
Il se rend devant l’assemblée d’Israël (et c’est d’ailleurs de ce mouvement : Vayelekh, il alla, que vient le titre de la parasha), et tient un discours d’encouragement, dans lequel il promet au Peuple que son D.ieu ne l’abandonnera pas. Rachi fait remarquer que l’expression yarpekha, présente au verset 6 et généralement traduite par « Il (l’Eternel) ne t’affaiblira point » peut aussi être entendue comme « Il ne te donnera pas de relâchement ». Dès lors, on est en droit de se demander s’il s’agit d’un encouragement ou d’une menace. Probablement des deux. Rachi continue d’ailleurs en soulignant que quand l’Eternel dit à Josué qu’il mènera le Peuple au-delà du Jourdain, il faut entendre qu’il l’y mènera de gré ou de force. Une sourde menace pèse donc sur la parasha. Et elle ne va pas tarder à s’exprimer de manière plus claire.
Après son discours, Moïse se retire, parachève la rédaction de la Torah et ordonne que tous les sept ans, l’ensemble du texte soit lu publiquement, lors de la fête de Souccot. Il insiste sur le fait que cette lecture doit concerner tout le monde, hommes et femmes, et même les étrangers vivant parmi la tribu. Puis l’Eternel parle à Moïse et lui confirme que ses jours s’achèvent. Il révèle également à Moïse et à Josué que, quoi qu’il arrive, le Peuple ne demeurera pas fidèle éternellement et qu’il finira par violer l’Alliance. Alors, l’Eternel se détournera d’Israël. Mais D.ieu enseigne également un cantique à Moïse et Josué, et indique que tant que ces paroles se feront entendre, Il saura que l’Alliance n’a pas tout à fait été oubliée. Moïse confie la Torah, désormais complétée du cantique, aux Lévites, qui la placent dans l’Arche. Fin de la parasha, et quasi fin du récit du Deutéronome, puisque la parasha suivante sera consacrée au cantique en question, et celle d’après à la mort de Moïse.
De Lekh Lekha à Vayelekh
Plusieurs remarques peuvent être formulées. Tout d’abord, sur le titre de cette parasha. Nous sommes à la fin d’un cycle. Non seulement celui de l’errance dans le désert, mais aussi, plus généralement, au terme du long arc narratif qui concerne l’histoire spécifique d’Israël. On peut en effet diviser la Torah en deux grandes parties : la première concerne l’ensemble de l’humanité, et va de Berechit à la tour de Babel ; elle sert en quelque sorte de prologue et de mise en contexte à la seconde, bien plus vaste, qui constitue les récits des origines d’Israël. Or cette partie-là, qui commence avec le départ d’Abram de Mésopotamie, s’ouvre sur la parasha Lekh Lekha. Nous allons donc d’un lekh à un autre : le jeune Abram part en marchant droit devant lui, sans savoir où il va ; le vieux Moïse sort de sa tente pour se tourner vers le Peuple. Le jeune Abram doit aller « vers lui-même » ou « pour lui-même » mais ignore ce que cela veut dire, le vieux Moïse fait face à Josué, à l’Eternel, au Peuple, et sait que sa route est achevée. Le Peuple qui lui fait face n’est plus celui qui a quitté l’Egypte : la génération du Veau d’Or est morte dans le désert et ceux à qui Moïse s’adresse ont été élevés dans la crainte de l’Eternel. Il est la manifestation de la promesse faite à Abraham que sa descendance sera aussi nombreuse que les étoiles et vivra dans le pays entre les deux eaux.
Et pourtant, on n’arrivera pas en Terre Promise. Pas dans le cycle de lecture de la Torah, en tout cas. Et on sait qu’après la mort de Moïse, le Peuple retombera dans l’idolâtrie. Bientôt, donc, on va achever la lecture sur un espoir à l’abord de la Terre Promise mais on sait d’ores et déjà que cet espoir va être déçu ; que tous les itinéraires, toutes les errances seront à refaire. Bientôt, toutes les erreurs seront à nouveau devant nous. Il y aurait de quoi désespérer. D’ailleurs Moïse n’est pas loin de désespérer. Il vient, dans Nitzavim, d’être annoncé que l’on a le choix entre la vie et la mort, et de toute évidence, à brève échéance, le Peuple, ou en tout cas une partie du Peuple, choisira la mort.
La parasha le laisse entendre : ce royaume idéal, cette utopie dont l’Eternel vient, au cours des quatre dernières décennies, de dessiner avec Moïse la constitution, n’existera jamais vraiment. Le royaume de chair et de sang, ou plutôt de pierre et de sable, ne sera jamais à la hauteur des espérances qu’on y place, parce que les hommes qui le composent ne seront jamais, non plus, à la hauteur de l’idéal qu’on leur assigne. L’humain est condamné à décevoir et à se décevoir.
Il y a cependant dans ces quelques versets des éléments qui évoquent l’essence-même du judaïsme. Car on y présente un rapport à l’Eternel compliqué, fait à la fois de fascination et de défiance. Un rapport parfois douloureux et jamais facile. Un rapport parfois conflictuel, voire tragique. On y prédit la tentation de se détourner, d’aller vers d’autres choses et d’autres cieux. Mais la possibilité, éternellement, perpétuellement, de revenir. D.ieu ne demande pas beaucoup : un cantique Lui suffit. Un signe, un petit signe, que l’on n’a pas oublié. Quelques paroles, quelques gestes pour affirmer que l’Alliance n’est pas lettre morte. Ki eshmera shabbat, El yishmereni.
Cette affirmation confirme bien que ce que l’Eternel attend, ça n’est pas forcément une observation stricte et méticuleuse de chacun des commandements précédemment édictés. Ce que l’Eternel veut, c’est qu’on ne souvienne de l’Alliance. Et les moments d’oubli seront aussi des moments où l’Eternel se retire, dans un mouvement de va-et-vient qui n’est pas sans évoquer celui du tsim-tsoum : l’Eternel laisse, quand il le faut, de la place à l’Homme, l’abandonnant à lui-même et à ses souffrances, car ce n’est que grâce à ce champ, cet espace à sa disposition, que l’Homme peut revenir vers Lui. On serait en droit de trouver cela compliqué, voire inutilement douloureux. Mais il ne faut pas perdre de vue que la relation unissant Israël à l’Eternel est une relation d’amour ; or, on le sait, les histoires d’amour ne peuvent que mal se terminer : celles qui ne se finissent pas par une séparation se finissent par un deuil. Ça n’est pas une raison pour ne pas les vivre. Et le discours de l’Eternel, ici, n’est pas si différent de celui d’un amant prévoyant qu’un jour ou l’autre, celle qu’il adore se dérobera. If it be your will that I speak no more…
Un royaume pour un cantique
Mais il y a également dans tout cela quelque chose de presque rassurant, ou, du moins de rassurant pour nous. Moïse l’affirme : lui, le plus grand prophète d’Israël (Lo-kam be-Israel ke-Moshe od navi ou-mabit et temounato), ne sera parvenu à garder le Peuple dans le droit chemin que le temps d’une petite génération. Et pas plus que le plus simple des mortels, il n’a de prise sur ce qui adviendra après lui. Cela peut et doit nous encourager à nous montrer modestes dans nos espoirs comme dans nos ambitions : nous pouvons espérer, comme Moïse, arpenter notre route, nous souvenir de l’Alliance, la transmettre à la génération suivante et achever notre voyage. Mais nous ne pouvons ni former l’espoir de voir par nous-même une Terre à jamais promise (car Jérusalem, la vraie, la promise, c’est toujours pour l’an prochain), ni croire que ceux qui viennent après nous n’auront pas à parcourir le même chemin tortueux que nous. Tout ce que nous pouvons espérer, c’est transmettre la Torah, et donc transmettre, tout à la fois, l’Alliance et l’errance. Et laisser à ceux qui nous succèdent le soin de s’en dépêtrer à leur tour, imparfaitement, maladroitement. Israël se nomme Israël parce que le rapport à l’Eternel n’est jamais simple, et toujours un combat. L’Alliance conclue avec nos pères n’est pas un socle inébranlable : c’est une tapisserie de Pénélope, perpétuellement tissée, détissée, retissée, violée et réparée, oubliée et retrouvée.
Il y a dans Va, vis et deviens, le beau film de Radu Mihailenu, une scène dans laquelle le vieil Amrah, prêtre éthiopien (car les Beta Israel d’Ethiopie n’ont pas de rabbins : ils ont des prêtres, appelés qes), raconte à Shlomo sa fuite d’Ethiopie. Il lui raconte le deuil et la perte. Ses fils et ses filles sont morts en chemin, ses petits-enfants aussi. Puis il ouvre une pauvre armoire, dont on se rend compte qu’elle est en réalité son aron ha kodesh, et il montre au jeune homme son Sefer Torah. Amrah est en exil, il a tout perdu. Mais il a gardé la Torah. Et il en transmet l’enseignement.
Et au fond, c’est cela, l’essence du judaïsme, et que rappelle Vayelekh : se trouver éternellement en exil, éternellement en chemin, même quand on vit en Eretz Israel. En exil d’un monde qui pourrait être mais n’est pas encore, nostalgique d’un lieu qui n’a jamais été. Et éternellement tenté d’oublier l’Alliance, et pourtant éternellement rappelé, rattrapé par elle. Et en cela, la condition d’Israël se confond, de manière plus vaste, avec la condition de l’Homme, éternellement exilé d’Eden, et devant, à chaque génération, reprendre un chemin qui ne le mènera qu’au trépas ; et au soir de sa vie, partir avec la certitude que certes, on a fait ce que l’on a pu, mais que rien de ce que l’on a accompli ne durera. Rien ne demeurera de nos œuvres. Rien, sinon ce que l’on a transmis, ledor vador, et qui va au-delà, bien au-delà, de nos vies médiocres, de nos douleurs communes et de nos drames minuscules.
Le dernier point qu’il convient de souligner, et il n’est pas des moindres, est que Vayelekh nous dit qu’au fond, l’Eternel se contente de très peu. Nous avons un ensemble liturgique riche, complexe, profond. Mais cette liturgie, aussi fascinante soit-elle, ça n’est pas pour Lui. C’est pour nous. Pour la puissance du rituel, pour l’affirmation de la communauté. Lui, en réalité, demande beaucoup moins. Il lui suffit d’un cantique.
2020
Bereshit: commencer, re-commencer
Par Bonnie Buckner
Il y a peu, nous étions sur le point d’entrer en Terre promise. Maintenant, nous faisons rouler le parchemin pour commencer. A nouveau.
Il me semble que nous sommes un peuple créateur. Notre Torah – notre Guide – ne s’intéresse pas à ce qui se passe en Terre promise, mais au cheminement qui a créé un peuple digne d’elle. Avant d’arriver, on recommence. Peut-être que le cadeau n’est pas le paradis, mais la capacité de recréer. Nous les personnes qui sommes issues de notre ancêtre Abraham, le centenaire qui a donné naissance à un fils – recommencer, à la fin.
Le cadeau n’est pas le paradis mais la capacité de recréer
Dans Bereshit, nous ouvrons dans le drame du chaos et du vide. Elohim, planant au-dessus des profondeurs des possibles. Cela pourrait être n’importe quoi. Ou rien. La création commence par la déclaration du choix. Elohim, choisissant la lumière, la concrétisant avec la voix, en parlant : « Que la lumière soit !’ Et il y eut de la lumière » (Genèse 1:3).
Tout au long du premier chapitre de la Genèse, la création est parlée dans l’existence. Séparer – hivdil – une possibilité d’une autre. Choisir et dire, et c’était ainsi. Au chapitre deux, notre Créateur prend Adam, le premier humain, et le place devant les êtres oiseaux et les êtres animaux pour « voir comment il les appellerait » (Genèse 2:19). Enseigner à nous, humains, le pouvoir créateur de distinguer, de déclarer, de faire naître quelque chose. « … tout ce que l’homme, en tant que personnalité vivante, l’appelle, c’est son nom (Genèse 2:19). » L’humain, organisant et créant le monde dans lequel il est placé. En choisissant, l’homme découvre à nouveau la possibilité – « il n’a trouvé aucune aide appropriée pour un homme (Genèse 2:20). » Être capable de distinguer « pas ceux-là » crée un espace pour « ceux-ci ».
Choisir et parler. Appeler – qui consiste à nous rapprocher de quelque chose (1). Comme l’Adam, nous mettons de l’ordre dans le chaos de nos propres vies, créant nos mondes personnels en choisissant, en nommant, en appelant. « Ce sont ceux que j’aime » crée un Partenaire, les Enfants, la Famille. Ma communauté.
Entre ces deux événements – la création du monde et la nomination et la création par Adam du sien – se trouve l’instruction de l’Arbre « l’Arbre de Vie au milieu du jardin et aussi un Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal (Genèse 2 :9). » De toute la multiplicité du Jardin – « toute espèce d’arbre à pousser du sol, agréable à voir et bon à manger (Genèse 2:9) » – il nous est dit de choisir judicieusement. Choisir crée un monde – soit se reposer dans un jardin, soit se sentir exilé ; le bien ou le mal, ou la vie.
A l’autre bout du rouleau – ce long cercle du serpent mangeant sa queue, les commencements devenant les fins devenant les commencements –, on nous dit la même chose. Debout à ce bord de la Terre promise, Moïse nous rappelle : « J’ai mis la vie et la mort devant vous, la bénédiction et la malédiction. Choisissez la vie, afin que vous puissiez vivre – vous et vos descendants (Deutéronome 30 :19). »
Choisir crée un monde
Nous connaissons tous le pouvoir créateur de la parole. Avec un mot, nous pouvons créer un ami. Avec un autre, un ennemi. Une seule phrase peut diviser une communauté ; un autre peut en créer une. Les mots créent des mondes et les détruisent. Abondance ou manque ? Bénédiction ou malédiction ? Lequel choisissons-nous ? Je suis. Je suis quoi? Je suis épouse, père, professeur, ami ? Je suis paisible. Je suis capable. Je suis courageuse. Que pouvons-nous nous déclarer ?
Le Talmud (Berakhot 55b) nous dit comment transformer un cauchemar (hatavat chalom) : Nous devrions amener trois personnes et leur dire « J’ai vu un bon rêve. Ils répondent : C’est bon, et que ce soit bon, que Dieu le rende bon. Puissent-ils décréter sept fois sur vous du haut du ciel que ce sera bien, et ce sera bien. » Après, récitez trois versets de la transformation du mal en bien, trois versets de rédemption et trois versets qui mentionnent la paix.
Ne déclarez pas un cauchemar, mais un bon rêve. Le dire ainsi, et le faire ainsi.
Et le rêve de nos vies ? En choisissant, en parlant, pouvons-nous recréer, transformer nos cauchemars personnels en rêves de paix ? Comme Abraham, recommencer juste au moment où nous pensons que quelque chose est fini ?
Notre liturgie du matin nous dit que Dieu, chaque jour, dans sa bonté, renouvelle les œuvres de la création. Rashi, dans son commentaire de Bereshit 1:1, nous dit que « le texte n’enseigne rien sur la séquence antérieure ou postérieure des actes de la Création ». Rashi, cite Rabbi Isaac : « La Torah, qui est le livre de la Loi d’Israël, aurait dû commencer par le verset ‘Ce mois sera pour toi le premier des mois’ (Exode 12:2) qui est le premier commandement donné à Israël . « Pourquoi, alors, commencer la Torah avec Bereshit ?
Je trouve en Bereshit le fondement de toute vie – pas seulement la création profonde de La Création, mais le potentiel créatif d’une vie humaine individuelle. En choisissant « ceci, pour moi », mais pas « cela », en traçant le chemin à travers une succession de déclarations. En peuplant chaque vie de ce que nous appelons près de nous – cet amour, ce bonheur, cette communauté. Par le don de création continuelle – la capacité de recréer lorsque le chemin devient étroit ou sombre, de transformer les cauchemars en bien. En choisissant la vie, en créant la vie.
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Hirsch, dans son commentaire à Bereshit 2:19 : la racine qof-reish-aleph « appeler » « appeler un autre à venir à nous, à nous rencontrer… d'où, aussi, « nommer ». En nommant une personne ou une chose, ou en l'appelant par son nom, je me l'appelle ou l'évoque dans mon esprit… La traduction du Pentateuque commentée, Samson Raphael Hirsch, traduite en anglais par Gertrude Hirschler, Judaica Press.
Version anglophone
Begin, again.
Moments ago we stood on the edge of entering the Promised Land. Now we roll the scroll to begin. Again.
It strikes me that we are a people of creating. Our Torah – our Guide – is interested not in what happens in the Promised Land, but in the journey that created a people worthy of it. Before we arrive, we start over. Perhaps the gift is not paradise, but the ability to re-create. We people who spring from our ancestor Abraham, the centenarian who gave birth – starting over, at the end.
The gift is not paradise, but the ability to re-create
In Bereshit we open in the drama of chaos and void. Eloheim, hovering over the depths of possibility. It could be anything. Or nothing. Creation begins with declaring choice. Eloheim, choosing light, speaking it into being: “’Let there be light!’ And there was light (Genesis 1:3).”
Throughout the first chapter of Genesis creation is spoken into existence. Separating – hivdil – one possibility from another. Choosing and saying, and so it was. In chapter two, our Creator takes the Adam, the first human, and sets him before the bird and animal beings to “see what he would call them” (Genesis 2:19). Teaching us, humans, the creative power of distinguishing, declaring, speaking something into being. “…everything that man, as a living personality, calls it, that is its name (Genesis 2:19).” The human, organizing and creating the world that he is placed in. By choosing, man discovers again possibility – “he found no helper fitting for a man (Genesis 2:20).” Being able to distinguish ‘not those’ creates a space for ‘this’.
Choosing and speaking. Calling – which is to bring something near to us (1). Like the Adam, we bring the chaos of our own lives into order, making our personal worlds by choosing, naming, calling. “These are the ones I love” creates Partner, Children, Family. My community.
Between these two events – the creation of the world, and the Adam’s naming and creating of his – lies the instruction of the Tree “the Tree of Life in the middle of the garden and also a Tree of Knowledge of Good and Evil (Genesis 2:9).” Of all the multiplicity of the Garden – “every kind of tree to grow from the soil, delightful to the sight and good for food (Genesis 2:9)” – we are told to choose wisely. Choosing creates a world – either resting in a garden, or feeling exiled from it; good or evil, or life.
At the other end of the scroll – this long circle of the snake eating its tail, beginnings becoming endings becoming beginnings – we are told the same thing. Standing at this edge to the Promised Land Moses reminds us: “I have set life and death before you, blessing and curse. Choose life, so that you may live – you, and your descendants (Deuteronomy 30:19).”
Choosing creates a world
All of us know the creative power of speech. With one word we can create a friend. With another, an enemy. A single sentence can split a community; another can create one. Words create worlds and destroy them. Abundance, or lack? Blessing or curse? Which do we choose? I am. I am – what? I am wife, father, teacher, friend? I am peaceful. I am capable. I am courageous. What can we declare ourselves to be?
The Talmud (Berakhot 55b) tells us how to transform a nightmare (hatavat chalom): We should bring three people and say to them “I saw a good dream.” They reply: It is good, and let it be good, may Gd make it good. May they decree upon you from heaven seven times that it will be good, and it will be good.” After, recite three versus of transformation from bad to good, three verses of redemption, and three verses which mention peace.
Declare not a nightmare, but a good dream. Saying it so, and making it so.
What about the dream of our lives? Through choosing, speaking can we re-create, transforming our personal nightmares to dreams of peace? Like Abraham, beginning again just when we think something is at an end?
Our morning liturgy tells us that Gd, everyday, in His goodness, renews the works of creation. Rashi, in his commentary to Bereshit 1:1, tells us the “text teaches nothing about the earlier or later sequence of the acts of Creation.” Rashi, qotes Rabbi Isaac: “The Torah, which is the Law book of Israel should have commenced with the verse ‘This month shall be unto you the first of the months’ (Exodus 12:2) which is the first commandment given to Israel.” Why, then, begin the Torah with Bereshit?
I find in Bereshit the foundation for all life – not just the profound creation of Creation, but the creative potential of an individual human life. By choosing ‘this, for me’, but not ‘that’ – drawing the path through a succession of declarations. By populating each life with what we call near to us – this love, this happiness, this community. By the gift of continual creation – the ability to re-create when the path becomes narrow or dark, to transform nightmares to good. By choosing life, creating life.
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Hirsch, in his commentary to Bereshit 2:19: the root qof-reish-aleph ‘to call’ “to summon another to come to us, to meet… hence, also, ‘to name’. By naming a person or thing, or by calling it by its name, I call it to myself or evoke it in my mind … The Pentateuch translation with commentary, Samson Raphael Hirsch, translated into English by Gertrude Hirschler, Judaica Press.
2020
Parasha Vayelekh, l’enseignement pour lutter contre l’infidélité
Gérard Feldman
La paracha Vayelekh est très courte. Elle comprend un seul chapitre de trente versets. Son propos peut se résumer ainsi : ha Shem enjoint Moshe de passer le flambeau à Iéhoshouah qui aura la responsabilité de la conquête de Kenaan.
Egalité devant la loi
Moshe, comme toute la génération du désert, est condamné à y mourir. Son seul « privilège » sera de pouvoir contempler « la terre donnée » (et non pas promise) du haut du Mont Nevo. Il va devoir rejoindre ses pères, comme son frère Aharon, comme sa sœur Myriam. On le sait, dans cette génération, seuls Iéhoshouah et Calev vont pouvoir entrer en Kenaan. Seuls, ils sont restés confiants dans leur Elohim après avoir exploré la terre. (paracha שלח לך – slakh lekha Livre “Bemidbar” – c.13 -1 à 15 -41.)
On peut noter que, durant cet épisode, Moshe lui-même, submergé par la révolte populaire, n’est pas intervenu pour dissuader les Hébreux d’abandonner. Aharon et lui se sont contentés de « tomber sur leurs faces « ( c. 14 – 5). Moshe a certes supplié à nouveau ha Shem de ne pas exterminer tout Israël à cause de sa rébellion. Ce n’est pas mal, c’est même beaucoup de se battre pour la survie de son peuple, mais c’est tout. Aucun appel de sa part à la conquête de la terre que ha Shem a donné aux Hébreux.
On peut donc penser qu’aux yeux de ha Shem, il n’a pas, en cette occasion, plus de mérite que les autres Hébreux qui voulaient retourner en Mitsraïm.
Certes la paracha suivante haazinou précisera (ch. 32 – v. 51) que la faute explicitement reprochée à Moshe concerne son comportement à propos des eaux amères de Meriva. Mais on peut se demander si cet épisode lui-même ne renvoie pas en réalité aux explorateurs. Meriva signifie la querelle, et c’est bien une terrible querelle que le peuple – sans opposition explicite de Moshe – a fait contre ha Shem dans la paracha שלח לך (slakh lekha) qui relate l’épisode des explorateurs.
La mort de Moshe, sans qu’il puisse entrer en Kenaan, pourrait donc s’interpréter comme un signe d’égalité entre tous les Hébreux devant la Loi. Même Moshe, le plus grand prophète d’Israël n’a pas droit à un traitement de faveur puisque lui-même ne s’est pas spécialement distingué, en ce moment précis, par son enthousiasme.
Israël contre ha Shem ?
La deuxième question traitée par cette paracha est celle de l’infidélité d’Israël vis-à-vis de ha Shem. Il est dit explicitement au verset 16 : « (ce peuple) m’abandonnera et renversera l’Alliance que j’ai tranchée avec lui. » Et ha Shem poursuit, et c’est terrible. Il annonce qu’Il ne reviendra pas parmi eux (v. 18). Même quand ils se rendront compte que leurs malheurs viennent de ce que je ne suis plus au milieu d’eux, Je ne reviendrai pas parce qu’ils auront servi d’autres Elohims.
Ce passage a été exploité par les ennemis des juifs pour montrer combien ils sont mauvais, puisqu’ils ne reconnaissent même pas leur propre Elohim comme ils n’ont pas reconnu ni Jésus, ni Allah ou Mohamed. Bien sûr ces ennemis n’ont pas voulu comprendre que ce texte relevait au contraire d’une capacité d’introspection hors du commun.
Pour les Juifs eux-mêmes, il soulève une des plus grandes questions auxquelles ils sont confrontés tout au long de leur histoire. Et encore plus avec la Shoah. Où était ha Shem alors ? Lui-même dit, dans cette paracha, qu’Il n’était pas là. Volontairement. Il a laissé les humains se débrouiller entre eux. Y compris son propre peuple.
Certains courants minoritaires du judaïsme, dits « orthodoxes », enfoncent le clou. Il n’y aurait pas eu de Shoah, disent-ils si le peuple juif ne s’était laissé distraire par l’émancipation et s’il était resté fidèle aux mitsvot. Malheureusement pour eux, ces mêmes « religieux » ont été les premières victimes des nazis ! Ha Shem les aurait donc aussi abandonnés malgré leur confiance absolue en Lui ? Comment cela a-t-il pu se produire alors qu’il a même accepté de sauver des idolâtres lors du veau d’or ?
D’autres condamnent la barbarie. Certes, comment ne pas la condamner ? Mais reste la question : pourquoi cette barbarie a-t-elle eu – momentanément – la force de vaincre et de commettre un génocide ?
Une piste possible est celle de l’affaiblissement du peuple juif dans son ensemble après des siècles et des siècles d’exil. La shekhina (שכינה ou présence de ha Shem) étant en exil, comment pouvait-elle sauvegarder Son peuple ? Cet affaiblissement s’est traduit pratiquement par les conversions au christianisme ou à l’Islam, par l’assimilation complète ou par la transformation du judaïsme en simple religion. Il était devenu, pour beaucoup, une sorte de monothéisme comme les autres !
Georges Bensoussan note dans son livre Histoire intellectuelle et politique du sionisme combien des personnalités comme Ahad Haam (1856-1927 – initiateur du sionisme culturel, grand critique de Herzl) ou l’historien Simon Doubnov (1860 -1941) dénoncent « la servilité interne » du juif assimilé. Beaucoup avaient même fermé les yeux sur les pogroms d’Europe de l’Est pour sauvegarder leur rôle de médiateur entre les autorités et les Juifs.
Le peuple juif s’est ainsi dispersé, y compris dans sa propre diaspora ! Il s’est atomisé en individus isolés. Pas étonnant qu’il se soit trouvé ainsi affaibli, livré à ses persécuteurs. C’est cela l’abandon de « ha Shem » en termes profanes.
Mais la paracha vayelekh ne nous laisse pas sur cette note ultra pessimiste et même mortelle.
Il y a une issue : la rédaction du Cantique haazinou. C’est par leurs textes, et leur enseignement, que les Juifs peuvent se retrouver comme peuple et retrouver ha Shem en leur sein.
Le cantique ou le texte comme forme de régénération
Jonathan Sandler (voir son livre Pour plus de Lumières) montre que selon nos Sages, a chaque fois que le peuple hébreu a été presque exterminé ce sont des textes qui l’ont relevé et reconstitué comme peuple :
– le Livre d’Esther lié aux persécutions d’Aman a donné la fête de Pourim qui a donné plus de cohésion au peuple.
– la Michna et la clôture des Talmud de Jérusalem et de Babylone ont répondu à l’extermination romaine et regroupé le peuple dispersé. C’est la voie indiquée par rabban Yohanan ben Zakkaï après la destruction du Temple en 70 et la création de l’Ecole de Yavné.
– le Choulkhan Aroukh’ a été publié en 1565, en pleine période d’inquisition et après l’expulsion d’Espagne… Il a unifié les pratiques du peuple en un moment crucial.
– Après la Shoah la déclaration d’Indépendance d’ Israël a donné une perspective inespérée au peuple pour se reconstituer.
Le Cantique « Haazinou » est inséparable de la paracha « Vayelekh »
Il montre qu’aux pires moments le peuple d’Israël peut renaître à la manière de cet oiseau particulier que Noa’h aurait retrouvé dans son arche en plein déluge selon Rachi. Je veux parler du phénix qui renait de ses cendres, Cet oiseau n’aurait pas mangé du fruit de l’arbre défendu, seul parmi les vivants selon le Midrash rabba bereshit 19 – 5 – école de rabbi Yannaï qui cite : « comme le phénix j’aurai des jours nombreux (Iov – 29 -18). C’est pourquoi le phénix se dit חול (hol) en hébreu comme le sable infini et on peut aussi le rapprocher de יחל ( i’hal) qui signifie : espérer. Ce phénix serait selon Jonathan Sandler une métaphore du peuple juif.
Quoiqu’il en soit le psaume 89 v. 35 le dit très clairement : « je ne profanerai pas mon alliance et ce qui est sorti de mes lèvres, je ne changerai pas » : לֹא-אֲחַלֵּל בְּרִיתִי; וּמוֹצָא שְׂפָתַי, לֹא אֲשַׁנֶּה.
Vayelekh dit que l’assemblée d’Israël regroupe hommes, femmes enfants et étrangers résidant (v.12). La haftarah de cette paracha qui est יְשַׁעְיָהוּ (Isaïe, 55,6-56,8) le confirme, en l’étendant à tous ceux qui retrouvent le chemin de ha Shem, y compris les étrangers non résidents (הנחר – ha na’har) et aussi les eunuques (הסריס ).
Photo : Levi Meir Clancy – Unsplash