2021
Les sept semaines de Pessah (ou le décompte de l’Omer)
Nous avons désormais réintégré le Hamets (nourriture à bases de céréales fermentés) dans nos repas. Le Hamets est une représentation symbolique d’un certain orgueil qui peut facilement se transformer en arrogance et ignorance de l’autre. Cependant, Pessah n’est pas vraiment terminé, comme il serait facile de croire. Nous sommes censés ne pas réintégrer ce levain dans nos esprits de façon abrupte, mais doucement et par petites doses, de façon à ne pas en perdre la maîtrise. Cette réintégration progressive, une sorte de rééducation, se fait par le décompte progressif de l’Omer, qui relie Pessah à Shavouot.
La Tora dit: « YHVH parle à Moché pour dire : ‘Parle aux enfants d’Israël, dis-leur: Quand vous viendrez sur la terre que je vous donne, moissonnez sa moisson et apportez la gerbe [Omer], début de votre moisson, au prêtre. Il balancera la gerbe face à YHVH, pour votre agrément. Le prêtre la balancera au lendemain du Chabbat.[…] Comptez pour vous, à partir du lendemain du Chabbat, du jour où vous apportez la gerbe du balancement, sept semaines, qui seront pleines. Jusqu’au lendemain de la septième semaines comptez cinquante jours et présentez une offrande nouvelle à YHVH. De vos demeures, vous apporterez deux pains du balancement; ils seront de deux dixièmes de semoule. Ils seront panifiés de ferment, prémices pour YHVH. » (Lévitique 23 : 9-17)
Maîtrise du temps comme signe de liberté
Pendant les sept semaines qui séparent Pessah de Shavouot, la Torah demande donc de compter rituellement le nombre de jours et de semaines. Cela nous rappelle que cette période est une sorte d’amplification de la fête de Pessah, dont la durée est étendue à sept semaines, à la place des sept jours habituellement considérés. Cela montre bien que Chavouot représente la conclusion de Pessah, et pour cette raison elle est appelée dans la littérature rabbinique Atséreth, « clôture ».
Le fait que cette période du Omer soit distinguée par un décompte du temps n’est pas anodin. La maîtrise du temps est le signe de la liberté. C’est à cause de cela que le pain de Pessah, la matsa, n’est rien d’autre que du Hamets «avorté », auquel on a pas permis de fermenter, par le fait de le cuire immédiatement après avoir été pétri. Or cette action demande une maîtrise absolue du facteur temps, maîtrise que l’esclave ne peut pas avoir, puisque sa priorité est celle de satisfaire les exigences de son maître. A partir du deuxième jour de Péssah, cette maitrise du temps est donc mise à l’épreuve par ce décompte de sept semaines qui mènent à la fête de Chavouot. Le don de la Tora demande une maîtrise profonde du temps, car dans le judaïsme le temps est source constante de responsabilité. Le juif qui veut être présent à son judaïsme ne peut donc pas être dominé par le temps, mais au contraire il doit savoir le modeler et donc en avoir une certaine maîtrise. Cela montre bien l’épaisseur spirituelle de ce décompte du Omer.
Le mot Omer est souvent traduit par «gerbe» car à la base indique une quantité de grain suffisamment grande pour exiger le regroupement, et devient ensuite une unité de poids. Mais la racine dont le mot signifie « amoncèlement », et dans sa forme réfléchie (hit’amer) a le sens de « maltraiter» ou « opprimer » (cf. Deutéronome 21 :14 ; ibid. 24 :7). Probablement parce qu’à l’origine, la racine indique le fait de compacter des choses ensemble, ce qui exerce une forme de poids et de pression. Pour mieux comprendre cet aspect nous devons réaliser que la sortie d’Egypte ne constitue pas une libération, mais plutôt la création d’un peuple d’esclaves privés de leur maitre, donc désorientés sans encore de direction. Un peuple qui ne sait pas quoi faire de sa nouvelles condition, au point où, à plusieurs reprises il souhaite retourner en Egypte, car l’état de dépendance est désagréable mais commode, tandis que l’autonomie et la responsabilité sont des états agréables mais lourds de conséquences. Or nous ne devons jamais oublier que le calendrier juif évoque des moments de l’expérience collective du peuple, mais qui concernent personnellement chaque individu en chaque génération. Le décompte de l’Omer couvre exactement le temps entre la sortie d’Egypte et le don de la Torah, un rendez-vous auquel le peuple devra se présenter dans un état d’éveil, ayant mûri suffisamment pour pouvoir donner un sens véritable à cette libération.
C’est donc un temps où le décompte des jours et des semaines accompagne un processus de lente réintégration de nos acquis, de notre orgueil, de notre assurance. Cela constitue une richesse, une capitalisation, un « amoncèlement », dans le sens de la constitution d’un patrimoine. Mais si le processus n’est pas maîtrisé parfaitement, maîtrise qui est symbolisée par la supputation précise de chaque jour et semaine, cette « capitalisation » tournée sur nous-mêmes (le sens réfléchi, hit’amer) peut devenir une violence, une force destructrice et aliénatrice. Compter chaque jour signifie lui donner pleine dignité, conjuguer chaque moment du chemin au présent, se libérant ainsi de l’esclavage du passé, mais aussi de l’avenir.
La dimension spirituelle du décompte de l’Omer
Un aspect intéressant de ce décompte est d’ailleurs le fait que dans le Omer nous ne comptons pas les jours qui manquent, mais ceux qui sont déjà passés, depuis le début. D’ailleurs nous connaissons bien l’impatience typique des enfants et cette façon incessante qu’ils ont de demander : « Quand est-ce qu’on arrive? ». Un premier signe de maturité est, au contraire, de savoir que toute chose qui a de la valeur demande du temps, et la faculté de se concentrer sur chaque étape. Pour la même raison la Halakha ne prévoit pas que l’on annonce par avance le nombre de jours qui seront comptés le soir suivant. Jusque dans le moment de la supputation rituelle, à la question « Nous en sommes à quel jour de l’ Omer ? » on répondra toujours : « Hier soir nous avons compté … ». Dans l’Omer, on garde bien l’attention concentrée sur le point de départ, Pessah, plus encore que sur le point d’arrivée, Chavouot. Peut-être pour éviter que cette ascension vers le Sinaï devienne une sorte de compétition. Peut-être aussi pour garder à l’esprit, que toute avancée doit se construire sur des bases solides et qu’un processus sérieux demande de ne pas brûler les étapes. Mais aussi pour nous éduquer à respecter les temps, à apprécier la lenteur et la gradualité. Mais surtout parce que c’est une source de consolation que de nous retourner et voir que nous avons fait ne serait-ce qu’un petit peu du chemin, sans trop nous angoisser pour ce qui nous manque afin de devenir, enfin, « grands ».
Chaque jour, chaque semaine, constituent donc des échelons dans la quête d’un équilibre difficile à trouver entre la conscience d’une dignité, dont l’esclave est dépourvu, et la nécessité que cette conscience ne se transforme pas en arrogance. C’est dans ce sens que nous devons lire aussi deux passages de la Torah qui concernent le concept de Omer.
Chavouot, « clôture » de Pessah
Le première fois où nous trouvons l’idée de Omer, bien avant même la mitsva du décompte, est dans le chapitre 16 de Chémot/Exode, où la Tora raconte du don de la manne, nourriture miraculeuse qui tombe du ciel. Le Omer constitue la quantité individuelle de référence, car de façon indépendante de la quantité récoltée, chacun se retrouvait avec un Omer de manne, une sorte de « ration K ». Le Omer est donc aussi un rappel de cet Omer de manne qui était la nourriture de nos ancêtres, premier goût de la liberté, mais aussi expression de l’état de quête spirituelle de ces esclaves soudainement privés de maître, mais à la recherche d’une identité (le nom de la manne elle-même signifie « C’est quoi ?»). Et ce pain de quête commence à tomber à la sortie d’Egypte, c’est-à-dire après Pessah, même époque où notre décompte commence.
Dans le livre de Josué (5:12), nous constatons cependant un autre fait, à savoir que la manne cessa de tomber à l’arrivée dans le pays, dès le lendemain de Pessah, et qu’à ce moment le peuple a commencé à manger le produit de la terre que haChem leur a confié. Donc le Omer évoque aussi bien le début de l’époque de la manne que sa conclusion.
Dans le premier cas, il rappelle quelque chose de miraculeux obtenu sans effort, dans le deuxième il évoque le produit du travail de l’homme, et donc sa profonde dignité de partenaire de haChem dans la gestion de la terre et du monde. Si la tombée de la manne ne fait que remplacer la dépendance vis-à-vis des Egyptiens avec la dépendance totale de haChem, l’arrivée en terre de Kénaan, et la cessation de la manne, correspondent à l’accès à la responsabilité, car à partir de ce moment tout reposera sur le travail de la terre par l’homme. Or ce passage entre ces deux réalités est profondément périlleux car c’est là que l’homme risque de devenir hautain, se croyant enfin le seul auteur de son succès et le seul maitre de sa destinée. Cette dignité et cet orgueil sont susceptibles de se transformer en arrogance. L’amoncèlement, Omer, se transformerait alors en oppression, hit’amer.
L’équilibre entre ces deux dimensions, celle du pain de la dépendance humble et celle du pain de l’autonomie responsable, se retrouvent dans les deux pains offerts au Temple lors de la fête de Chavouot, qui symbolisent la rencontre et l’harmonie entre ces deux aspects.
On comprend donc mieux pourquoi Chavouot, fête du don de la Torah, est appelée dans les textes rabbiniques Atséreth, « clôture », car elle n’est rien d’autre que la conclusion et le couronnement de Pessah. La liberté, célébrée à Pessah, doit évoluer vers la capacité d’assumer les responsabilités qu’elle comporte. Autrement la liberté elle-même, ou du moins une certaine façon de la comprendre, peut devenir parfois plus dangereuse que l’esclavage.
Par le rabbin Haim Cipriani
2021
Introduction au judaïsme
Informations et inscription Nom * Email * Téléphone Quel cours ? Message Please leave this field empty. Δ Le cours « Introduction au judaïsme » est destiné aux adultes, juifs ou non juifs, [...]2020
Cours d’hébreu biblique
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Informations et inscription
Saison 2023-2024
Pour acquérir et consolider les connaissances de base en grammaire et vocabulaire et commencer à explorer les textes bibliques, nous proposons deux ateliers :
Cours Alef-Bet débutants
Ce cours s’adresse aux débutants n’ayant pas ou peu de connaissances de l’écriture hébraïque biblique. L’objectif est d’établir un premier contact avec l’alphabet hébraïque pour permettre la lecture, la reconnaissance des mots les plus usuels, l’utilisation d’un dictionnaire.
La construction des mots à partir de racines ainsi que quelques éléments grammaticaux seront abordés afin d’appréhender la richesse et l’originalité de cette langue si singulière. En outre cela permettra de découvrir l’intérêt majeur d’une étude plus approfondie de l’hébreu pour une meilleure compréhension des textes bibliques.
Ce travail s’adresse à des personnes totalement débutantes.
Une journée de sensibilisation à l’hébreu biblique, gratuite et en présentiel est prévue pour cette initiation, le mercredi 27 septembre 2023 au Centre Culturel Juif Simone Veil 500 bd Antigone, Montpellier, de 10h à 12h et de 13h30 à 17h. La pause déjeuner se fera impérativement à l’extérieur.
Prière de faire connaître votre présence au préalable à l’adresse suivante : slm.kedem@gmail.com
L’ensemble des éléments grammaticaux seront abordés au cours d’environ quarante séances en visio tous les mardis de 19h30 à 21h. Chaque séance comprendra une présentation d’un point grammatical particulier avec la traduction de phrases dont le niveau difficulté en rapport avec la leçon. Pour une bonne assimilation, la participation à l’ensemble des séances est indispensable. Pour éviter tout décrochage, les séances seront enregistrées.
Début du cours hebdomadaire : le mardi 3 octobre 2023
Tarifs :
230 € pour l’année
150€ tarif étudiant
Inscription auprès de Mr Jean-Pierre Albernhe à l’adresse suivante
jean-pierre.albernhe@wanadoo.fr
Cours intermédiaire : traduction biblique et grammaire
Le travail que nous proposons de réaliser ensemble n’est pas une étude de l’hébreu pour l’hébreu, mais une étude de l’hébreu pour l’ouverture qu’il apporte à la lecture des textes bibliques.
La richesse de la symbolique des 22 lettres de l’alphabet, la structure des mots composés de racines primaires de 2 ou 3 consonnes, les différences de regards portés sur le monde d’une langue à l’autre, en particulier sur le rapport au temps, ouvrent un champ d’interprétations insoupçonnées, un questionnement, qu’aucune traduction, quelle que soit sa qualité, ne peut refléter.
Ces interprétations et ce questionnement appellent au dialogue, aux échanges, qui amènent à de nouvelles interprétations et à de nouvelles questions, un cheminement spirituel si essentiel à l’être humain.
Pour concrétiser cela cet enseignement comprendra 2 volets :
- Une séance en visio de 2 heures, tous les lundis de 19h à 21h consacrées à la traduction de textes . Cette année, nous traduirons le Livre de l’Exode, Shemot. Les éléments grammaticaux nécessaires à une bonne traduction seront abordés et la discussion sera ouverte à l’initiative de tous les participants sur le sens des versets et sur les questions qu’ils soulèvent.
Démarrage : lundi 11 septembre 2023
- Une séance en visio, un jeudi sur deux de 19h30 à 21h, consacrée exclusivement à un point grammatical. Cette séance sera enregistrée pour ceux qui ne sont pas disponibles. Ce cours s’adresse aux personnes étant déjà capables de lire l’hébreu et souhaitant une meilleure maîtrise du vocabulaire et des règles grammaticales indispensables pour saisir les différentes nuances du texte.
Démarrage : jeudi 21 septembre 2023
Tarifs :
230 € pour l’année
150€ tarif étudiant
Inscription auprès de Mr Jean-Pierre Albernhe à l’adresse suivante
2020
Talmud Torah
Informations et inscription
Une première découverte du judaïsme
Le Talmud Torah, littéralement « étude/enseignement de la Torah », accueille les enfants à partir de 7 ans et les accompagne jusqu’à la célébration de leur bar ou bat-mitsva.
Au Talmud Torah, les enfants découvrent, explorent et étudient les traditions et les pratiques du judaïsme ainsi que l’histoire de notre peuple. Aux côtés des parents, le Talmud Torah est un lieu incontournable d’apprentissage et de construction de l’identité juive de nos enfants.
Grands points de l’enseignement
- Apprendre à lire et écrire l’hébreu pour accéder au sens des rituels, des chants et des prières
- Découvrir la vie juive : étude des pratiques et traditions du judaïsme, mise en pratique de l’enseignement éthique du judaïsme
- Lire et questionner les textes de la tradition juive
- Découvrir l’histoire biblique et post-biblique du peuple juif
Pour combiner le temps de l’étude et celui des fêtes, le cours précédant une fête juive sera entièrement consacré à l’étude des pratiques et des sens liés à cette fête.
- Cours en visio, durée 1 h 30