Parasha Nitsavim: la Téchouva n’est pas au ciel

Par Sophie Bismut, étudiante rabbin

 

Nous lisons la parachat Nitsavim ce dernier chabbat qui précède Roch Hachana.
L’éloquence de Moïse, l’homme bègue du buisson ardent, atteint des sommets. Ce sont ses derniers
jours de vie, son dernier même selon Rachi. Moïse adresse un discours vibrant aux enfants d’Israël
qui sont dans les plaines de Moab et s’apprêtent à entrer en terre d’Israël. Il s’adresse à tous,
hommes et femmes, adultes et enfants, étrangers qui vivent avec eux, quel que soit leur fonction,
leur statut social.

Il renouvelle l’Alliance : « Vous êtes placés aujourd’hui vous tous, en présence de l’Eternel (…) afin
d’entrer dans l’alliance de l’Éternel ton Dieu ». Sûrement pressent-il les difficultés à venir. Il se
montre sévère envers ceux qui se détourneraient de Dieu et de l’Alliance mais affirme qu’il est
toujours possible à celui qui se détourne de revenir.

Son discours se termine avec ces versets magnifiques de simplicité et de force :
« Certes, ce commandement (ha-mitsva ha-zot) que je te prescris aujourd’hui n’est pas trop ardu
pour toi, ni placée trop loin. Elle n’est pas dans le ciel pour que tu dises : « Qui montera pour nous au
ciel et nous l’ira quérir, et nous la fera entendre afin que nous la fassions ? » Elle n’est pas non plus
au-delà de la mer, pour que tu dises : « Qui traversera pour nous la mer et nous l’ira quérir, et nous la
fera entendre afin que nous puissions la faire ? ». Non, la parole est tout près de toi, dans ta bouche
et dans ton cœur, pour que tu la fasses » (Dt. 30:11-14).

Quel est « ce commandement / ha-mitsva ha-zot » ? La plupart des commentateurs y voient une
référence à toute la Torah. Moïse nous rappelle ainsi que la Torah et les mitsvot sont à notre portée.
Nous savons bien que la compréhension de la Torah et l’observance des mitsvot sont difficiles, ardus.
Pour autant, ils sont possibles pour tous. La Torah n’est pas réservée à une élite d’érudits ou de
« religieux ». Elle est pour tous : hommes, femmes, adultes, enfants, quels que soient notre
profession, notre niveau de richesse, notre statut social. Nous avons tous une part dans la Torah,
nous avons tous une voix à porter dans la conversation infinie entre le ciel et la terre.
Alors que nous approchons de Roch Hachana, du « jour du jugement », il est aussi intéressant de se
tourner vers une autre lecture de ce passage. Ramban explique en effet que ces versets font
référence au commandement spécifique de la téchouva, le repentir ou plus littéralement le retour.
Les versets précédents ce passage décrivent comment Israël reviendra à Dieu et sera restaurée sur sa
terre. Selon Ramban, c’est la techouva même qui constitue « ce commandement que je te prescris
aujourd’hui ».

À la veille des « jours redoutables » qui vont de Roch Hachana à Yom Kippour, nous sommes invités à
engager un examen personnel de nos vies. Il nous faut faire le point de l’année passée, de nos
réussites et de nos faiblesses, de nos manquements et examiner ce que nous pouvons changer dans
cette année qui s’ouvre. La tâche est difficile mais, vient nous rappeler et nous encourager. La paracha
de cette semaine, nous ne devons pas la considérer trop difficile pour nous. Elle est réalisable.
La techouva n’est pas au ciel ni au-delà des mers. Ce n’est pas seulement une belle idée ou un
concept théorique, mais une entreprise à notre portée. « La parole est tout près de toi, dans ta
bouche et dans ton cœur pour que tu la fasses ». La techouva est dans nos bouches, par les mots que
nous prononcerons pour reconnaître nos manquements et nos fautes. Elle est dans nos cœurs par la
sincérité et l’engagement avec lesquels nous entrons dans ces journées du jugement. Et elle est aussi
dans nos actes par lesquels nous entreprenons de changer nos vies.

 

Photo : Fares Hamouche – Unsplash

Parasha Haazinou, un cantique comme antidote contre les tentations

Par Gérard Feldman

Du  peuple témoin au peuple conquérant

La parasha Haazinou (ch.32) est composée du Cantique de Moïse annoncé dans Vayelekh. Elle se présente comme une antidote contre les tentations – toujours présentes – des Hébreux à abandonner le chemin de ha Shem. Elle annonce aussi la mort de Moshe. Il verra la terre donnée, mais ne pourra y pénétrer en raison de la faute commise dans l’épisode des eaux de Meriva à Cadesh. Moshe et Aahron ont alors désobéi à ha Shem. Ils ont frappé par deux fois le rocher pour obtenir de l’eau alors qu’ils avaient pour consigne de lui parler.

Dans Bamidbar (Nombres, 20, 12), il est écrit : «  Mais l’Éternel dit à Moïse et à Aaron: « Puisque vous n’avez pas assez cru en moi pour me sanctifier aux yeux des enfants d’Israël, aussi ne conduirez-vous point ce peuple dans le pays que je leur ai donné. »

LE Cantique Haazinou rassemble le peuple hébreu

Dans ce dernier chant, Moshe s’adresse aux cieux et à la terre pour proclamer le Nom de ha Shem, sa force et sa justice parfaites. Même s’il y a le bien et le mal, la balance penche vers le bien. Puis le cantique rappelle que le monde a été créé en fonction des enfants d’Israël et les enfants d’Israël pour le monde. Rachi explique : « C’est selon le nombre des enfants d’Israël, qui allaient être issus de Chem, et le nombre de soixante-dix âmes des enfants d’Israël qui sont descendues en Egypte qu’Il a « fixé les limites des peuples » en soixante-dix langues, que les 70 peuples de la terre et leurs 70 langues ont été conçues à partir des 70 hébreux ». Et le cantique rappelle tous les bienfaits dont Israël a bénéficiés en conséquence. Yaacov (Jacob est « le lot de son héritage » (v.9), lui, le troisième patriarche qui synthétise les qualités des deux précédents.

Ha Shem se désole ensuite de l’inconduite de Son peuple et promet de les punir en conséquence : «J’entasserai sur eux tous les malheurs » (v.23).

Mais au verset 27,  ha Shem reprend l’argument que lui avait soufflé Moshe après l’épisode du Veau d’Or. Si ha Shem laisse les ennemis d’Israël le détruire, ceux-ci croiront que c’est grâce à leur seule puissance qu’ils ont triomphé. Il ne peut les laisser croire cela. C’est pourquoi le cantique se termine par ces mots (ha Shem) «  réhabilite sa Terre et son Peuple ».(v. 43).

Le cantique de Moïse joue un rôle fédérateur et constitutif du peuple d’Israël. Il met en garde contre les dérives. Mais surtout, il montre la voie de l’unité du peuple, sans laquelle il n’aura pas la force de résister à ses ennemis. C’est la voie de la Sagesse.

Comme nous l’avons vu à la fin de Vayelekh, il joue le même rôle que tous les textes (à commencer par la Torah et les Talmuds) qui ont rassemblé les Hébreux, puis les Juifs dans leur histoire.

La mort de Moshe : punition ou miracle ?

Moshe monte au mont Nevo pour contempler « le pays que Je donne  aux enfants d’Israël en propriété (32,49). Il n’y a aucun doute. Il ne s’agit pas d’une vague promesse mais d’un don sans condition.

La mort de Moshe ne se résume pas à une punition pour une faute commise dans l’épisode des eaux de Meriva. Celle-ci peut paraître vénielle, surtout comparée aux immenses mérites de Moshe.

Il s’agit d’un véritable renouvellement du pacte entre ha Shem et le peuple d’Israël. Comme il est écrit dans la parasha Ki Tavo (Deutéronome, 28,69) : « Ce sont là les termes du pacte que ha Shem ordonna à Moshe d’établir avec les enfants d’Israël dans le pays de Moav, indépendamment (מלבד – Milvad) du pacte qu’il avait conclu avec eux au Horeb ».

Jonathan Sandler (dans Pour plus de lumière)  s’appuie sur le Rav letton Hacohen de Dvinsk (1843 – 1926, Mechekh Hochma ) pour expliquer que Iéhoshouah (Josué) n’aurait jamais pu conquérir Kenaan sans le regard de Moshe. Il compare le regard de Moshe qui parcourt la terre de Kenaan au périple d’Avraham. Ce dernier propagea, au cours de ses différentes étapes, l’idée de la Transcendance Une. Le regard de Moshe s’inscrit dans la continuité du périple d’Avraham. La marque des deux hommes c’est le Hessed, la bonté, la compassion.

La parasha Haazinou fait référence au Hessed d’Avraham quand, au verset 32, le texte parle de Sodome et Gomorrhe. Nous nous souvenons du célèbre épisode où Avraham tente de sauver les cinq villes de l’agglomération. Ha Shem voulait les détruire à cause des horreurs commises par leurs habitants. Avraham Lui objecta : et s’il y avait cinquante justes (dix par ville) les détruirais-tu ? Et Avraham poussa le bouchon jusqu’à dix justes pour sauver au moins une ville. Et à chaque fois ha Shem acquiesça.

Une négociation qui deviendra un pacte

De la même manière, Moshe négocia à plusieurs reprises avec ha Shem pour sauver son peuple de l’extermination, après le Veau d’or ou après l’épisode des explorateurs. Le plus grand prophète d’Israël commença même sa carrière en Egypte, où il est écrit : « Moshé, ayant grandi, alla parmi ses frères et fut témoin de leurs souffrances. » (Shemot/Exode, 2,21). Rachi commente : « il s’appliqua de tous ses yeux et de tout son cœur à souffrir avec eux. »

C’est justement ce regard plein de compassion pour son peuple que Moshe porte du haut du mont Nevo sur Kenaan. Cette compassion est indispensable car elle est aussi transmission. Mais elle ne suffit plus. Il faut un autre pacte (voir Ki Tavo  28,69 cité plus haut)  qui sera marqué par la rigueur et la détermination pour entrer en Kenaan. Ce pacte n’annule pas l’autre, mais le complète.

La référence aux Eaux de Meriva le démontre bien. Ces eaux se trouvent à Cadesh. Cadesh c’est le lieu d’où sont partis les explorateurs. Ils revinrent découragés de leur exploration de Kenaan, à l’exception de Iéhoshouah et Calev. A leur retour, ces explorateurs, et tout le peuple avec eux, voulurent revenir en Egypte. Moshe ne soutint pas alors les deux chefs qui ont tenu bon. Il ne s’exprima pas explicitement. Sa seule intervention sera une nouvelle fois pour sauver son peuple de la colère de ha Shem. Il était bien dans le Hessed, mais pas dans la conquête.

Il faudra donc Iéhoshouah pour ouvrir une nouvelle période, comme il a fallu Its’haq, incarnation de la rigueur et de l’implantation en Kenaan, pour succéder à Avraham.

Photo : Karina Zhukovskaya – Pexels

 

Sur l’esprit du Musar

Par G. E. Sarfati

Si l’on veut appréhender avec quelque exactitude l’esprit du Musar, il convient d’en situer la source dans la tradition du judaïsme la plus ancienne, puisque ses thèmes principaux se rencontrent déjà dans le Livre des Proverbes[1] : « Grâce à eux (les paroles de Salomon), on apprend à connaître la sagesse et la morale (Musar), à goûter le langage de la raison, à accueillir les leçons de bon sens, la vertu, la justice et la droiture. » L’esprit du Musar s’enracine dans le Texte biblique, et, de proche en proche, irradie comme une énergie continue tout au long des principales branches de la pensée hébraïque, avec une insistance toute particulière sur les fins pratiques : Talmud, Halakha, Midrash, Kabbale, Philosophie… C’est dire que l’esprit du Musar définit peut être l’invariant le plus stable de ces textes qui appellent à la spiritualisation de notre humanité.

La raison principale de cette aspiration, qui est aussi une ambition civilisationnelle, procède d’une idée simple, aussi bien qu’excessive, au regard de la complexité de la condition humaine : l’existence d’un dieu spirituel appelle chacune et chacun à la conduite d’une vie spirituelle. La longue histoire de la prophétie d’Israël n’enseigne pas autre chose. A sa manière spécifique, le Musar peut par conséquent se comprendre comme l’un des plus anciens programmes éducatifs du genre humain. Et là réside aussi la singularité de la vocation d’Israël, mais sans doute aussi de son « élection ». En Hébreu, il est question du « choix d’Israël », mais le même mot veut aussi désigner une épreuve. Le Musar est une mise à l’épreuve, un défi lancé à la condition humaine, pour l’ouvrir à la transcendance, dans ce monde-ci. C’est aussi le paradoxe de Musar, cela même qui en fait une discipline exigeante.

Une discipline exigeante

Au-delà des premiers enseignements systématiques : Livre des Proverbes, Maximes des Pères, ce sont les philosophes du judaïsme qui dès le 10e siècle de l’ère commune, inaugurent une tradition d’écrits de Musar, qui tend à en faire une branche distincte du corpus rabbinique, de manière à dessiner une voie de transmission complémentaire de cette sagesse pratique : il en va ainsi de Saadion Gaon (dans un chapitre du Livre des croyances et des opinions) à Mendel de Satanov (dans son beau livre : Examen de conscience), selon une chaîne de transmission ininterrompue. Ainsi comprise, la tradition du Musar définit une perspective didactique, destinée à doter l’apprenant des moyens de l’autonomie, dans le domaine de sa propre croissance spirituelle. C’est ainsi que s’explique la rédaction d’un très grand nombre de courts traités – du 10e au 19e siècle -, dans toutes les sphères et les latitudes de la diaspora : orientale aussi bien qu’occidentale, à chaque époque aussi. Chacun de ces traités avance une proposition pédagogique, avec sa méthode de progression, chacun de ces traités reproduit à l’écrit les conditions d’une transmission personnelle, de maître à disciple : Les devoirs des cœurs(Ibn Paquda), Le livre de la correction des traits de caractère (S. Ibn Gavirol), Le chemin des justes (M. H. Luzzatto),  etc.

Chacun de ces courts traités, selon le style spirituel et la philosophie de son auteur identifie un cycle des vertus exposé avec un ensemble de recommandations visant en faciliter mais aussi à en permettre l’acquisition. On peut se demander pourquoi les Sages d’Israël ont éprouvé le besoin de dessiner les voies d’un enseignement distinct du Musar, alors que sa visée principe caractérise déjà l’entier de la tradition ? Cette innovation, qui se produit dès le début du haut moyen âge, s’explique par les mutations survenues dans l’organisation des communautés juives dispersées depuis un millénaire, à l’époque où elles manquaient de maîtres, où la persécution grandissait, sous toutes les latitudes, dans un contexte de crise de la transmission et d’instabilité généralisée, avec son cortège d’insécurité et de risque d’assimilation, mais aussi d’implosion psychique et spirituelle. L’invention d’une tradition de Musar didactique, fut un signe de sagacité dans une période de crise du sens, au cours de laquelle, et dans le meilleur des cas, le ritualisme menaçait de l’emporter sur le rapport vivant au Texte et le primat de l’intériorité (l’authenticité et la pureté de l’intention).

Le Musar : Ethique ou approfondissement du sentiment religieux ?

Il serait donc abusif de réduire la tradition du Musar à la seule culture d’un souci ‘’éthique’’ dans le sens ordinaire de ce terme. C’est ce que semble confirmer le philosophe israélien Y. Leibovitz [2], lorsqu’il pointe ce que cette vue a de restrictif : « J’ignore si l’on peut inclure cette orientation dans le concept d’« éthique », puisqu’il s’agit d’approfondir la pratique religieuse – et celle-ci n’est pas un concept éthique. »

Cette réserve est d’autant plus justifiée que l’histoire du Musar comporte en réalité deux époques bien différenciées : d’abord celle que l’on pourrait appeler l’époque du Musar individuel, caractérisée par l’innovation didactique que nous venons d’évoquer, et celle, beaucoup plus récente du Mouvement du Musar (Tenua’t ha Musar), qui voit le jour au cours de la seconde moitié du 19e siècle, en Lituanie, à l’initiative de Rabbi Israël Lipkin Salanter [3] (1810-1883). Ce maître itinérant, qui parcourut à pied d’est en ouest et d’ouest en est toute l’Europe, pour diffuser la pédagogie nouvelle dont il fut l’artisan, s’adressait à tout le monde, à une époque de nouveau marquée par le regain de la judéophobie (antisémitisme théocratique des tsars de Russie, antisémitisme « moderne » des nations entrées dans l’ère des ‘’Lumières’’), dans un contexte de mutations politiques, économiques, idéologiques (Révolution industrielle, révolutions politiques, Printemps des peuples, etc.). Maître de la transmission orale, il a renouvelé l’étude du Musar en préconisant la fondation de petits groupes d’études susceptibles de transmettre à leur tour.  Salanter a posé les bases d’une nouvelle institution – la maison du Musar – considérant que la pratique spirituelle devait précéder, puis nourrir, l’affiliation à la tradition aussi bien que les pratiques de vie quotidienne. En effet, comme le précise très justement  Y. Leibovitz  : « Le mouvement moral (Musar) a cherché à orienter la conscience humaine vers la pureté des intentions lors de la réalisation des mitzvot. Il s’agit donc d’intérioriser ces pratiques. »

Le Musar : une médecine spirituelle ?

Contemporain de la Haskala, ainsi que des débuts du Sionisme, sans en être l’adversaire, le Ris considère que vivre selon Israël c’est d’abord remembrer spirituellement l’Assemblée d’Israël (le Kelal Israel). L’ouverture d’esprit qui caractérise son enseignement se conçoit à l’aune de sa propre filiation culturelle : le Ris continue et élabore, en l’adaptant au plus grand nombre, la philosophie morale et la pensée cabbalistique du Rabbin Hayyim de Volozhyne[4].

Considéré sous le rapport de ce qu’il comporte de plus original, la contribution du Mouvement du Musar se conçoit comme une pédagogie active en même temps qu’une entrée critique dans la modernité : si le progrès scientifique constitue une valeur objective et collective, il ne saurait se substituer à l’effort de perfectionnement spirituel sans lequel tout accomplissement, réussite ou réalisation matérielle, menace de s’inverser en chosification de l’être humain. Ainsi compris, le musar actualise dans le champ contemporain les enjeux de toute école de sagesse : une médecine spirituelle, capable de combattre les « maladies de l’âme » (à commencer par l’enferment égoïste ou égotiste), et les horizons de sens promis à tout exercitant.

Par Georges-Elia Sarfati

Georges-Elia Sarfati est docteur en études hébraïques et juives (université de Strasbourg), fondateur de l’Université populaire de Jérusalem- Hébraïca/Retour aux Textes

- [1]Proverbes 1, 1-2
- [2]Y. Leibowitz, Israël et Judaïsme. Ma part de vérité. Entretiens avec M. Shashar, Paris, Desclée de Brouwer, préface et trad. de G. Haddad, p.91, 1993.

- [3]Rabbi Israël Lipkin de Salant, Or Israel/La lumière d’Israël, traduction française de G.-E. Sarfati, Paris, Berg International, 2014.

- [4]Rabbi H. de Volozhyn fut l’un des grands disciples du Gaon de Vilna, et le maître de Joseph Zundel, qui fut lui-même le maître de Rabbi Salanter. Cf. H. de Volozhyn, Nefesh hahayyim/L’âme de la vie, traduit par B. Gross, préface d’Emmanuel Lévinas, Paris, Verdier, 2014.

Vayelekh, ou le tombeau des vanités

Vayelekh est la parasha la plus courte de l’ensemble de la Torah : dans les années qui ne comptent pas assez de semaines pour une lecture de toutes les parashiot, on la lit en même temps que Nitzavim. Pourtant, elle n’est pas sans intérêt par elle-même et mérite qu’on s’y arrête.

Vayelekh en quelques mots

Nous voici parvenus quasiment au terme de l’errance dans le désert. Le voyage vers la Terre Promise n’en finit pas de finir mais les Israélites savent qu’ils touchent au but. Moïse, lui, sait que sa vie s’achèvera bientôt et qu’il mourra sans avoir vu le Peuple franchir le Jourdain.

Il se rend devant l’assemblée d’Israël (et c’est d’ailleurs de ce mouvement : Vayelekh, il alla, que vient le titre de la parasha), et tient un discours d’encouragement, dans lequel il promet au Peuple que son D.ieu ne l’abandonnera pas. Rachi fait remarquer que l’expression yarpekha, présente au verset 6 et généralement traduite par « Il (l’Eternel) ne t’affaiblira point » peut aussi être entendue comme « Il ne te donnera pas de relâchement ». Dès lors, on est en droit de se demander s’il s’agit d’un encouragement ou d’une menace. Probablement des deux. Rachi continue d’ailleurs en soulignant que quand l’Eternel dit à Josué qu’il mènera le Peuple au-delà du Jourdain, il faut entendre qu’il l’y mènera de gré ou de force. Une sourde menace pèse donc sur la parasha. Et elle ne va pas tarder à s’exprimer de manière plus claire.

Après son discours, Moïse se retire, parachève la rédaction de la Torah et ordonne que tous les sept ans, l’ensemble du texte soit lu publiquement, lors de la fête de Souccot. Il insiste sur le fait que cette lecture doit concerner tout le monde, hommes et femmes, et même les étrangers vivant parmi la tribu. Puis l’Eternel parle à Moïse et lui confirme que ses jours s’achèvent. Il révèle également à Moïse et à Josué que, quoi qu’il arrive, le Peuple ne demeurera pas fidèle éternellement et qu’il finira par violer l’Alliance. Alors, l’Eternel se détournera d’Israël. Mais D.ieu enseigne également un cantique à Moïse et Josué, et indique que tant que ces paroles se feront entendre, Il saura que l’Alliance n’a pas tout à fait été oubliée. Moïse confie la Torah, désormais complétée du cantique, aux Lévites, qui la placent dans l’Arche. Fin de la parasha, et quasi fin du récit du Deutéronome, puisque la parasha suivante sera consacrée au cantique en question, et celle d’après à la mort de Moïse.

De Lekh Lekha à Vayelekh

Plusieurs remarques peuvent être formulées. Tout d’abord, sur le titre de cette parasha. Nous sommes à la fin d’un cycle. Non seulement celui de l’errance dans le désert, mais aussi, plus généralement, au terme du long arc narratif qui concerne l’histoire spécifique d’Israël. On peut en effet diviser la Torah en deux grandes parties : la première concerne l’ensemble de l’humanité, et va de Berechit à la tour de Babel ; elle sert en quelque sorte de prologue et de mise en contexte à la seconde, bien plus vaste, qui constitue les récits des origines d’Israël. Or cette partie-là, qui commence avec le départ d’Abram de Mésopotamie, s’ouvre sur la parasha Lekh Lekha. Nous allons donc d’un lekh à un autre : le jeune Abram part en marchant droit devant lui, sans savoir où il va ; le vieux Moïse sort de sa tente pour se tourner vers le Peuple. Le jeune Abram doit aller « vers lui-même » ou « pour lui-même » mais ignore ce que cela veut dire, le vieux Moïse fait face à Josué, à l’Eternel, au Peuple, et sait que sa route est achevée. Le Peuple qui lui fait face n’est plus celui qui a quitté l’Egypte : la génération du Veau d’Or est morte dans le désert et ceux à qui Moïse s’adresse ont été élevés dans la crainte de l’Eternel. Il est la manifestation de la promesse faite à Abraham que sa descendance sera aussi nombreuse que les étoiles et vivra dans le pays entre les deux eaux.

Et pourtant, on n’arrivera pas en Terre Promise. Pas dans le cycle de lecture de la Torah, en tout cas. Et on sait qu’après la mort de Moïse, le Peuple retombera dans l’idolâtrie. Bientôt, donc, on va achever la lecture sur un espoir à l’abord de la Terre Promise mais on sait d’ores et déjà que cet espoir va être déçu ; que tous les itinéraires, toutes les errances seront à refaire. Bientôt, toutes les erreurs seront à nouveau devant nous. Il y aurait de quoi désespérer. D’ailleurs Moïse n’est pas loin de désespérer. Il vient, dans Nitzavim, d’être annoncé que l’on a le choix entre la vie et la mort, et de toute évidence, à brève échéance, le Peuple, ou en tout cas une partie du Peuple, choisira la mort.

La parasha le laisse entendre : ce royaume idéal, cette utopie dont l’Eternel vient, au cours des quatre dernières décennies, de dessiner avec Moïse la constitution, n’existera jamais vraiment. Le royaume de chair et de sang, ou plutôt de pierre et de sable, ne sera jamais à la hauteur des espérances qu’on y place, parce que les hommes qui le composent ne seront jamais, non plus, à la hauteur de l’idéal qu’on leur assigne. L’humain est condamné à décevoir et à se décevoir.

Il y a cependant dans ces quelques versets des éléments qui évoquent l’essence-même du judaïsme. Car on y présente un rapport à l’Eternel compliqué, fait à la fois de fascination et de défiance. Un rapport parfois douloureux et jamais facile. Un rapport parfois conflictuel, voire tragique. On y prédit la tentation de se détourner, d’aller vers d’autres choses et d’autres cieux. Mais la possibilité, éternellement, perpétuellement, de revenir. D.ieu ne demande pas beaucoup : un cantique Lui suffit. Un signe, un petit signe, que l’on n’a pas oublié. Quelques paroles, quelques gestes pour affirmer que l’Alliance n’est pas lettre morte. Ki eshmera shabbat, El yishmereni.

 

Cette affirmation confirme bien que ce que l’Eternel attend, ça n’est pas forcément une observation stricte et méticuleuse de chacun des commandements précédemment édictés. Ce que l’Eternel veut, c’est qu’on ne souvienne de l’Alliance. Et les moments d’oubli seront aussi des moments où l’Eternel se retire, dans un mouvement de va-et-vient qui n’est pas sans évoquer celui du tsim-tsoum : l’Eternel laisse, quand il le faut, de la place à l’Homme, l’abandonnant à lui-même et à ses souffrances, car ce n’est que grâce à ce champ, cet espace à sa disposition, que l’Homme peut revenir vers Lui. On serait en droit de trouver cela compliqué, voire inutilement douloureux. Mais il ne faut pas perdre de vue que la relation unissant Israël à l’Eternel est une relation d’amour ; or, on le sait, les histoires d’amour ne peuvent que mal se terminer : celles qui ne se finissent pas par une séparation se finissent par un deuil. Ça n’est pas une raison pour ne pas les vivre. Et le discours de l’Eternel, ici, n’est pas si différent de celui d’un amant prévoyant qu’un jour ou l’autre, celle qu’il adore se dérobera. If it be your will that I speak no more…

 

Un royaume pour un cantique

Mais il y a également dans tout cela quelque chose de presque rassurant, ou, du moins de rassurant pour nous. Moïse l’affirme : lui, le plus grand prophète d’Israël (Lo-kam be-Israel ke-Moshe od navi ou-mabit et temounato), ne sera parvenu à garder le Peuple dans le droit chemin que le temps d’une petite génération. Et pas plus que le plus simple des mortels, il n’a de prise sur ce qui adviendra après lui. Cela peut et doit nous encourager à nous montrer modestes dans nos espoirs comme dans nos ambitions : nous pouvons espérer, comme Moïse, arpenter notre route, nous souvenir de l’Alliance, la transmettre à la génération suivante et achever notre voyage. Mais nous ne pouvons ni former l’espoir de voir par nous-même une Terre à jamais promise (car Jérusalem, la vraie, la promise, c’est toujours pour l’an prochain), ni croire que ceux qui viennent après nous n’auront pas à parcourir le même chemin tortueux que nous. Tout ce que nous pouvons espérer, c’est transmettre la Torah, et donc transmettre, tout à la fois, l’Alliance et l’errance. Et laisser à ceux qui nous succèdent le soin de s’en dépêtrer à leur tour, imparfaitement, maladroitement. Israël se nomme Israël parce que le rapport à l’Eternel n’est jamais simple, et toujours un combat. L’Alliance conclue avec nos pères n’est pas un socle inébranlable : c’est une tapisserie de Pénélope, perpétuellement tissée, détissée, retissée, violée et réparée, oubliée et retrouvée.

Il y a dans Va, vis et deviens, le beau film de Radu Mihailenu, une scène dans laquelle le vieil Amrah, prêtre éthiopien (car les Beta Israel d’Ethiopie n’ont pas de rabbins : ils ont des prêtres, appelés qes), raconte à Shlomo sa fuite d’Ethiopie. Il lui raconte le deuil et la perte. Ses fils et ses filles sont morts en chemin, ses petits-enfants aussi. Puis il ouvre une pauvre armoire, dont on se rend compte qu’elle est en réalité son aron ha kodesh, et il montre au jeune homme son Sefer Torah. Amrah est en exil, il a tout perdu. Mais il a gardé la Torah. Et il en transmet l’enseignement.

Et au fond, c’est cela, l’essence du judaïsme, et que rappelle Vayelekh : se trouver éternellement en exil, éternellement en chemin, même quand on vit en Eretz Israel. En exil d’un monde qui pourrait être mais n’est pas encore, nostalgique d’un lieu qui n’a jamais été. Et éternellement tenté d’oublier l’Alliance, et pourtant éternellement rappelé, rattrapé par elle. Et en cela, la condition d’Israël se confond, de manière plus vaste, avec la condition de l’Homme, éternellement exilé d’Eden, et devant, à chaque génération, reprendre un chemin qui ne le mènera qu’au trépas ; et au soir de sa vie, partir avec la certitude que certes, on a fait ce que l’on a pu, mais que rien de ce que l’on a accompli ne durera. Rien ne demeurera de nos œuvres. Rien, sinon ce que l’on a transmis, ledor vador, et qui va au-delà, bien au-delà, de nos vies médiocres, de nos douleurs communes et de nos drames minuscules.

Le dernier point qu’il convient de souligner, et il n’est pas des moindres, est que Vayelekh nous dit qu’au fond, l’Eternel se contente de très peu. Nous avons un ensemble liturgique riche, complexe, profond. Mais cette liturgie, aussi fascinante soit-elle, ça n’est pas pour Lui. C’est pour nous. Pour la puissance du rituel, pour l’affirmation de la communauté. Lui, en réalité, demande beaucoup moins. Il lui suffit d’un cantique.

Lire Vayelekh sur Sefarim.

Les amis du Levant – Le Sefer Yetsirah

Les Amis de Levant vous propose à la rentrée un nouveau cycle d’étude sur le Sefer Yetsirah, Livre de la Création. Il sera animé par Michel Eckhard Elial  un dimanche par mois de 14h à 17h.

Le Sefer Yetsirah (hébreu : ספר יצירה « Livre de la Création » ou « de la Formation » ou « de l’Émanation ») , est le plus important des écrits anonymes de la Kabbale. Pour cette raison, les kabbalistes, les alchimistes et les érudits de toutes les générations ont cherché à en percer le mystère. Car cet exposé de cosmogonie hébraïque ancienne a fasciné par sa concision et sa brièveté. 
Le livre hébreu de la Formation décrit le processus de la Création du monde. Pour cela, il part de l’émanation des dix lumières divines (Séfiroth) et des vingt-deux lettres hébraïques. Cet ensemble constituant les trente-deux sentiers mystiques de la Sagesse.
C’est un des textes les plus énigmatiques  de la littérature hébraïque. En effet, on en recense plus d’une centaine de commentaires. Car la lecture du Sefer Yetsirah se déroule à plusieurs niveaux. Certains y découvrent les clés de la Création, d’autres une méthode de méditation sur les lettres hébraïques. Dans tous les cas, on le conçoit comme un système favorisant une réédification spirituelle.

Informations : Sylvie Gsell 06.09.98.52.70 gsell.sylvie@gmail.com

Rosh Hashana-Kippour : le cycle de la Téchouva

Extrait de Principes de vie juive, du rabbin Haim F. Cipriani

 

Téchouva signifie retour, et se réfère à un examen de conscience qui doit amener chacun à regretter ses erreurs au cours de l’année écoulée et à s’améliorer. Ce processus doit être accompli dans la période qui court de Rosh Hashana à Yom Kippour, moment où il doit être terminé, mais certains considèrent qu’il doit commencer pendant le mois précédent, le mois d’Eloul.

Il n’existe pas de parcours formel pour la Téchouva, mais voici certaines étapes possibles :
– on écrit ses fautes envers Hachem et envers son prochain et on y médite.
– la deuxième étape consiste à demander pardon aux personnes que nous pensons avoir blessées au cours de la dernière année, voire avant, s’il n’y a pas eu de réconciliation entre-temps.
– cette demande de pardon, qui doit être sincère, doit être faite à temps pour pouvoir être répétée à trois reprises si elle est rejetée. Après la troisième fois, s’il n’y a pas de pardon, on aura fait notre devoir.
– l’idée proposée par la tradition juive est que Hachem juge les êtres humains sur la base du degré de réparation et de «retour» à un comportement plus correct et plus noble. Si nous avons été pardonnés par les hommes, nous pouvons espérer que Hachem nous pardonnera pour nos faiblesses.
– en parallèle, il y aura aussi un temps de méditation sur nos faiblesses envers Hachem, envers qui la dynamique est différente, car nous ne saurons jamais si nous avons obtenu le pardon. L’idée est celle d’arriver à Yom Kippour avec un repentir sincère dans ce sens, et avec la résolution d’améliorer notre attention envers Hachem, tout en ayant obtenu le pardon des autres personnes que nous avions lésées. En ce cas, nous avons de bonnes chances d’être pardonnés.

Les deux temps forts de cette période sont Rosh Hashana et Yom Kippour.

Rosh hashana

C’est le début de l’année juive, mais le nom signifie «tête de l’année», et non «début de l’année». Cela se réfère au fait que le processus de Téchouva  incarne la capacité de penser l’année: celle qui se termine mais aussi celle à venir, et de concevoir dans nos têtes notre façon d’être à l’avenir. Cette idée vient du fait que Rosh Hashana est traditionnellement considéré comme l’anniversaire de la création du premier être humain. Cette récurrence est utilisée comme une base de réflexion sur les forces et les faiblesses de l’homme, et sur ce qu’il peut faire pour développer au mieux son potentiel.

Pour ce faire, il est nécessaire de se penser et de se re-penser, c’est-à-dire penser à nous-mêmes pas seulement comme nous avons été jusqu’ici, mais aussi, et surtout, comment nous pourrions ou devrions être. Au-delà du fait d’avoir été créé une première fois, l’être humain est appelé à se recréer à chaque nouvelle année à travers la Téchouva, c’est-à-dire par le fait de se penser autrement.

Le soir de la fête, il est traditionnel de consommer des aliments sucrés (pomme dans du miel, mais aussi dattes et autres) pour souhaiter une bonne et douce année à tous, et ouvrir l’année dans la joie et dans un esprit positif.

Le matin, pendant la prière à la synagogue, on sonne le shofar, dont l’écoute est une mitsva pour le juif. Le shofar est une corne de bélier qui exprime, à travers une longue série de sons (habituellement cent), deux idées principales :
– d’une part, le son du shofar est une sorte de prière sans paroles, presque un cri d’enfant, où la communauté prétend n’avoir plus de mots pour demander le pardon.
– d’autre part, c’est aussi une sorte d’alarme spirituelle pour les individus, qui doivent se rappeler qu’il est temps de faire le travail de Téchouva avant Yom Kippour, qui tombe neuf jours plus tard.

Rosh Hashana dure un jour, qui suit les lois de Yom Tov, fête solennelle.

Yom Kippour

Yom Kippour signifie « jour de couverture », parce que si la personne a fait le travail de Téchouva correctement, ses transgressions seront « couvertes », c’est-à-dire mises de côté et oubliées. C’est un jour de jeûne total, sans manger ni boire, qui dure comme tous les journées juives à partir du soir précédant jusqu’à l’obscurité du jour même. Ces abstentions sont une façon d’exprimer à Hachem notre volonté de ne pas traiter des choses matérielles mais seulement des besoins spirituels. Certes, nous ne pourrons pas continuer à le faire après Kippour avec la même intensité, mais nous devrions essayer d’étendre cette idée à la période qui suit. Il est important de se rappeler qu’il faudrait arriver à ce jour, ayant obtenu le pardon de tous ceux que nous avons offensés au cours de l’année écoulée et même avant. Pour en être sûrs, il convient de commencer ce processus avant Rosh hashana, car les quelques jours entre les deux fêtes sont rarement suffisants.

Kippour dure un jour, qui n’est pas Yom Tov, mais un vrai shabbat (plus rigoureux que Yom Tov).

En ce jour, il est préférable de passer la plupart du temps dans la synagogue en participant à des prières collectives, mais aussi en méditant sur son mode de vie et sur la façon dont nous pourrions être meilleurs au cours de l’année à venir. Yom Kippour se termine avec le son du shofar, car la période de Téchouva a été ouverte à Rosh Hashana avec le shofar, et cela a du sens qu’elle se termine de la même façon.

Inscrivez-vous aux Grandes Fêtes de Tishri 5782 !

Cette année, nous devrions avoir la grande joie de tous nous réunir pour fêter ensemble ces moments si importants que sont Rosh Hachana et Kippour. Nous aurons aussi le plaisir de les partager avec la communauté amie CJLM. Le pass sanitaire ou un test PCR seront demandés à l’entrée. Les gestes barrières seront évidemment respectés (masque obligatoire).

Fêtes de Rosh Hashana (officeS et  Seder)

Lundi 6 et mardi 7 septembre 2021

Les offices seront dirigés par l’étudiante rabbin Sophie Bismut

  • Lundi 6 septembre, 19h00 : Office du soir de Rosh Hashana
    Office suivi du Seder et d’un dîner communautaire.
  • Mardi 7 septembre, 10h00 : Office du matin de Rosh Hashana

Fêtes de Kippour 

Mercredi 15 et jeudi 16 septembre 2021

Les offices seront dirigés par le rabbin Haim Cipriani

  • Mercredi 15 septembre, 19h30 : Office du Kol Nidre
  • Jeudi 16 septembre 10h00 : Début des offices (Le détail des horaires des différents offices de la journée sera communiqué ultérieurement – Fin du jeûne à 20h49)
INSCRIPTION

Pour participer aux offices de Rosh Hashana et Yom Kippour, nous vous demandons de bien vouloir vous inscrire préalablement.
Les réservations se font en ligne. Pour s’inscrire, cliquez ici.

 

Les sept semaines de Pessah (ou le décompte de l’Omer)

Nous avons désormais réintégré le Hamets (nourriture à bases de céréales fermentés) dans nos repas. Le Hamets est une représentation symbolique d’un certain orgueil qui peut facilement se transformer en arrogance et ignorance de l’autre. Cependant, Pessah n’est pas vraiment terminé, comme il serait facile de croire. Nous sommes censés ne pas réintégrer ce levain dans nos esprits de façon abrupte, mais doucement et par petites doses, de façon à ne pas en perdre la maîtrise. Cette réintégration progressive, une sorte de rééducation, se fait par le décompte progressif de l’Omer, qui relie Pessah à Shavouot.

La Tora dit: « YHVH parle à Moché pour dire : ‘Parle aux enfants d’Israël, dis-leur: Quand vous viendrez sur la terre que je vous donne, moissonnez sa moisson et apportez la gerbe [Omer], début de votre moisson, au prêtre. Il balancera la gerbe face à YHVH, pour votre agrément. Le prêtre la balancera au lendemain du Chabbat.[…]  Comptez pour vous, à partir du lendemain du Chabbat, du jour où vous apportez la gerbe du balancement, sept semaines, qui seront pleines. Jusqu’au lendemain de la septième semaines comptez cinquante jours et présentez une offrande nouvelle à YHVH. De vos demeures, vous apporterez deux pains du balancement; ils seront de deux dixièmes de semoule. Ils seront panifiés de ferment, prémices pour YHVH. » (Lévitique 23 : 9-17)

Maîtrise du temps comme signe de liberté

Pendant les sept semaines qui séparent Pessah de Shavouot, la Torah demande donc de compter rituellement le nombre de jours et de semaines. Cela nous rappelle que cette période est une sorte d’amplification de la fête de Pessah, dont la durée est étendue à sept semaines, à la place des sept jours habituellement considérés. Cela montre bien que Chavouot représente la conclusion de Pessah, et pour cette raison elle est appelée dans la littérature rabbinique Atséreth, « clôture ».

Le fait que cette période du Omer soit distinguée par un décompte du temps n’est pas anodin. La maîtrise du temps est le signe de la liberté. C’est à cause de cela que le pain de Pessah, la matsa, n’est rien d’autre que du Hamets «avorté », auquel on a pas permis de fermenter, par le fait de le cuire immédiatement après avoir été pétri. Or cette action demande une maîtrise absolue du facteur temps, maîtrise que l’esclave ne peut pas avoir, puisque sa priorité est celle de satisfaire les exigences de son maître. A partir du deuxième jour de Péssah, cette maitrise du temps est donc mise à l’épreuve par ce décompte de sept semaines qui mènent à la fête de Chavouot. Le don de la Tora demande une maîtrise profonde du temps, car dans le judaïsme le temps est source constante de responsabilité. Le juif qui veut être présent à son judaïsme ne peut donc pas être dominé par le temps, mais au contraire il doit savoir le modeler et donc en avoir une certaine maîtrise. Cela montre bien l’épaisseur spirituelle de ce décompte du Omer.

Le mot Omer est souvent traduit par «gerbe» car à la base indique une quantité de grain suffisamment grande pour exiger le regroupement, et devient ensuite une unité de poids. Mais la racine dont le mot signifie « amoncèlement », et dans sa forme réfléchie (hit’amer) a le sens de « maltraiter» ou « opprimer » (cf. Deutéronome 21 :14 ; ibid. 24 :7). Probablement parce qu’à l’origine, la racine indique le fait de compacter des choses ensemble, ce qui exerce une forme de poids et de pression. Pour mieux comprendre cet aspect nous devons réaliser que la sortie d’Egypte ne constitue pas une libération, mais plutôt la création d’un peuple d’esclaves privés de leur maitre, donc désorientés sans encore de direction. Un peuple qui ne sait pas quoi faire de sa nouvelles condition, au point où, à plusieurs reprises il souhaite retourner en Egypte, car l’état de dépendance est désagréable mais commode, tandis que l’autonomie et la responsabilité sont des états agréables mais lourds de conséquences. Or nous ne devons jamais oublier que le calendrier juif évoque des moments de l’expérience collective du peuple, mais qui concernent personnellement chaque individu en chaque génération. Le décompte de l’Omer couvre exactement le temps entre la sortie d’Egypte et le don de la Torah, un rendez-vous auquel le peuple devra se présenter dans un état d’éveil, ayant mûri suffisamment pour pouvoir donner un sens véritable à cette libération.

C’est donc un temps où le décompte des jours et des semaines accompagne un processus de lente réintégration de nos acquis, de notre orgueil, de notre assurance. Cela constitue une richesse, une capitalisation, un « amoncèlement », dans le sens de la constitution d’un patrimoine. Mais si le processus n’est pas maîtrisé parfaitement, maîtrise qui est symbolisée par la supputation précise de chaque jour et semaine, cette « capitalisation » tournée sur nous-mêmes (le sens réfléchi, hit’amer) peut devenir une violence, une force destructrice et aliénatrice. Compter chaque jour signifie lui donner pleine dignité, conjuguer chaque moment du chemin au présent, se libérant ainsi de l’esclavage du passé, mais aussi de l’avenir.

La dimension spirituelle du décompte de l’Omer

Un aspect intéressant de ce décompte est d’ailleurs le fait que dans le Omer nous ne comptons pas les jours qui manquent, mais ceux qui sont déjà passés, depuis le début. D’ailleurs nous connaissons bien l’impatience typique des enfants et cette façon incessante qu’ils ont de demander : « Quand est-ce qu’on arrive? ». Un premier signe de maturité est, au contraire,  de savoir que toute chose qui a de la valeur demande du temps, et la faculté de se concentrer sur chaque étape. Pour la même raison la Halakha ne prévoit pas que l’on annonce par avance le nombre de jours qui seront comptés le soir suivant. Jusque dans le moment de la supputation rituelle, à la question « Nous en sommes à quel jour de l’ Omer ? » on répondra toujours : « Hier soir nous avons compté … ». Dans l’Omer, on garde bien l’attention concentrée sur le point de départ, Pessah, plus encore que sur le point d’arrivée, Chavouot. Peut-être pour éviter que cette ascension vers le Sinaï devienne une sorte de compétition. Peut-être aussi pour garder à l’esprit, que toute avancée doit se construire sur des bases solides et qu’un processus sérieux demande de ne pas brûler les étapes. Mais aussi pour nous éduquer à respecter les temps, à apprécier la lenteur et la gradualité. Mais surtout parce que c’est une source de consolation que de nous retourner et voir que nous avons fait ne serait-ce qu’un petit peu du chemin, sans trop nous angoisser pour ce qui nous manque afin de devenir, enfin, « grands ».

Chaque jour, chaque semaine, constituent donc des échelons dans la quête d’un équilibre difficile à trouver entre la conscience d’une dignité, dont l’esclave est dépourvu, et la nécessité que cette conscience ne se transforme pas en arrogance. C’est dans ce sens que nous devons lire aussi deux passages de la Torah qui concernent le concept de Omer.

Chavouot, « clôture »  de Pessah

Le première fois où nous trouvons l’idée de Omer, bien avant même la mitsva du décompte, est dans le chapitre 16 de Chémot/Exode, où la Tora raconte du don de la manne,  nourriture miraculeuse qui tombe du ciel. Le Omer constitue la quantité individuelle de référence, car de façon indépendante de la quantité récoltée, chacun se retrouvait avec un Omer de manne, une sorte de « ration K ». Le Omer est donc aussi un rappel de cet Omer de manne qui était la nourriture de nos ancêtres, premier goût de la liberté, mais aussi expression de l’état de quête spirituelle de ces esclaves soudainement privés de maître, mais à la recherche d’une identité (le nom de la manne elle-même signifie « C’est quoi ?»). Et ce pain de quête commence à tomber à la sortie d’Egypte, c’est-à-dire après Pessah, même époque où notre décompte commence.

Dans le livre de Josué (5:12), nous constatons cependant un autre fait, à savoir que la manne cessa de tomber à l’arrivée dans le pays, dès le lendemain de Pessah, et qu’à ce moment le peuple a commencé à manger le produit de la terre que haChem leur a confié. Donc le Omer évoque aussi bien le début de l’époque de la manne que sa conclusion.

Dans le premier cas, il rappelle quelque chose de miraculeux obtenu sans effort, dans le deuxième il évoque le produit du travail de l’homme, et donc sa profonde dignité de partenaire de haChem dans la gestion de la terre et du monde. Si la tombée de la manne ne fait que remplacer la dépendance vis-à-vis des Egyptiens avec la dépendance totale de haChem, l’arrivée en terre de Kénaan, et la cessation de la manne, correspondent à l’accès à la responsabilité, car à partir de ce moment tout reposera sur le travail de la terre par l’homme. Or ce passage entre ces deux réalités est profondément périlleux car c’est là que l’homme risque de devenir hautain, se croyant enfin le seul auteur de son succès et le seul maitre de sa destinée. Cette dignité et cet orgueil sont susceptibles de se transformer en arrogance. L’amoncèlement, Omer, se transformerait alors en oppression, hit’amer.

L’équilibre entre ces deux dimensions, celle du pain de la dépendance humble et celle du pain de l’autonomie responsable, se retrouvent dans les deux pains offerts au Temple lors de la fête de Chavouot, qui symbolisent la rencontre et l’harmonie entre ces deux aspects.

On comprend donc mieux pourquoi Chavouot, fête du don de la Torah, est appelée dans les textes rabbiniques Atséreth, « clôture », car elle n’est rien d’autre que la conclusion et le couronnement de Pessah. La liberté, célébrée à Pessah, doit évoluer vers la capacité d’assumer les responsabilités qu’elle comporte. Autrement la liberté elle-même, ou du moins une certaine façon de la comprendre, peut devenir parfois plus dangereuse que l’esclavage.

Par le rabbin Haim Cipriani

 www.etzhaim.eu

Soirée de Shavuot : parce l’étude est une fête !

Shavouot, soirée d’étude  et de résonances  « tissage des voix … et des papilles »

Des moments d’études suivis d’échange entre les rabbins invités et les auditeurs,  ponctués de pauses musicales interprétées par des professionnels, amis et adhérents de nos communautés.

Le programme de la soirée

17h45 -18h00 : Présentation de la soirée, des intervenants, des communautés et de leur président

Pause musicale : pièce Klezmer enregistrée lors du spectacle donné à ULIF Marseille, Basilic swing

18h00 – 18h45 : Étude « Végétarisme et judaïsme » proposée par le rabbin Haïm Casas, avec confection en direct d’un « gaspacho shavouot » (liste des ingrédients ci-dessous).

Pause musicale : chant lyrique (musique liturgique), Samuel Lison,Hazan 

19h00 – 20h00 : office de Erev Shavouot co-dirigé par l’étudiante rabbin Sophie Bismut et le rabbin Haïm Casas

20h00 – 20h45 : pause dîner

Pause musicale : réinterprétation de 2 morceaux liturgiques (Psaumes de L. Bernstein), Roman Lafitte

21h00 – 21h30 : Étude « Pirqé Avot et Shavouot » proposée par Georges Elia Sarfati

Pause musicale: chants, Carole Berrebi

21h45 – 22h15 : Étude « L’autre Révélation » proposée par Haïm Cipriani

Pause musicale : pièce au violon (musique liturgique), Haïm Cipriani

22h30 – 23h00 : Étude « histoires de hallot » proposée par Sophie Bismut

Pause musicale: Claude Bismut, pièce liturgique en tango (piano)

C’est dimanche 16 mai à partir de 17h45,  s’inscrire ici.

Ingrédients Gaspacho: 1 kilo et demi de tomates mûres,1 poivron rouge,1 concombre, 2 gousses d’ail,1 morceau de pain rassis,1 jet d’eau, huile, sel, poivre

Kabbalat shabbat du 9 avril en direct de Tel Aviv

Nous avons été nombreux à participer à cet office partagé vendredi 09 avril. Le rabbin Béni, Binyamin Minich, de la synagogue Beit Daniel de Yafo, nous a accompagné en musique et a partagé son interprétation optimiste de la paracha Chemini.

Rav Béni

En cette triste période de commémoration de Yom Hashoah et malgré le caractère sombre de la paracha Chemini, c’était un moment chaleureux, orchestré par Margot Levine, et ponctué des chants et prières des participants et du rabbin Béni à la guitare. Carole Berrebi nous a également fait la joie de nous chanter quelques prières.

Le rabbin Béni nous a invité au cours de sa drasha sur la paracha Chemini à réfléchir au sens de la disparition des deux fils d’Aaron – punition de n’avoir pas respecté une règle divine ou trop grande proximité à la divinité? Elle nous renvoie à cette question de la présence de Dieu lors de la disparition de millions de juifs dans la catastrophe de la Shoah.Chant Sim Shalom

 

 

 

Cette question inépuisable qui s’imposera au judaïsme survivant est précisément le thème du prochain cycle de conférences animé par Georges Elia Sarfati, le judaïsme contemporain depuis la Shoah  et organisé par Kehilat Kedem.