2021
La haftarah de Hayé Sara
Par Georges-Elia Sarfati
I Rois : Chap. I, 1-31
Les Sages ont choisi un passage du premier Livre des Rois (I Rois, chap.1, 1-31) pour valoriser l’un des principaux enseignements de la parasha Hayé Sara. Parmi tous les évènements qui traversent celle-ci, c’est le thème de l’intercession dans la succession qui a été mis en exergue.
Un verset de l’extrait prophétique fait directement écho à la sidra : « (I Rois, chap.1, v.2) Ses serviteurs (du roi David) lui dirent : « Que l’on cherche, pour mon seigneur le roi, une jeune fille vierge, qui se tiendra devant le roi, et aura soin de lui (…) ». Ce verset réédite, dans le contexte de la fin de vie du roi David, l’épisode de la sidra au cours duquel Abraham, parvenu au soir de sa vie, demande à son serviteur d’aller chercher une épouse parmi les siens, pour son fils Isaac (Gn. 24, 2-4).
Ces deux récits sont des récits d’intercession, fortement liés à l’élément féminin, ici comme là, garants de la continuité de la vie. Dans le cas d’Abraham, il s’agit de vérifier la promesse divine, selon laquelle sa postérité sera effective et nombreuse, tandis que dans le cas du roi David, il s’agit de s’assurer qu’il pourra demeurer en vie le temps de désigner son juste successeur. Néanmoins, dans le Livre des Rois, la figure féminine se différencie en deux occurrences : celles d’Avishag, la jeune Sunamite – au service du souverain –, et celle de sa favorite Batsheva, la mère de Salomon.
La succession d’Abraham et de David : similitudes et différences
Plusieurs similitudes thématiques permettent de rapprocher les deux textes : au-delà du motif initial, il en est d’autres qui méritent d’être signalés : chacune à sa manière, les deux épouses sont absentes (Sarah est défunte, tandis que Bethsabée, la favorite de David, est éloignée) ; le Patriarche agit relativement à ses deux fils (Ishmaël, Isaac), tout comme David est ici amené à trancher entre Adonias et Salomon. Dans l’esprit de chacun des pères, seul l’un des deux serait parfaitement digne d’hériter pleinement de lui : c’est par Isaac, mais aussi par Salomon que passe un lignage qui distinguerait une authentique filiation spirituelle – telle est la logique des engendrements (Toledot) : la véritable lignée se doit d’être fidélité à l’intégralité de l’héritage, pratique et spirituel. Or, dans les deux récits, la confirmation de l’élection du fils choisi passe par l’action d’un tiers : son serviteur Eléazar, dans le cas d’Abraham, et le prophète (nabi) Nathan, dans celui du roi David. C’est ainsi que l’élément féminin, qui marque autant la nécessité que la signification de la filiation, se trouve justifié et tout autant servi par l’action de ce tiers. C’est à deux hommes dévoués que les engendrements d’Israël doivent leur continuité.
Mais à la convergence des histoires anciennes qui nous sont rapportées ensemble s’oppose leurs différences non moins significatives, qui nous servent ici de guide pour comprendre et interpréter le présent d’Israël. Toute la question est de savoir ici ce que la Torah peut encore nous aider à saisir de la triangulation située au principe de la persistance du message d’Israël : la paternité de l’autorité, avec ses successeurs putatifs, et l’éventuelle action d’un tiers.
Un effort constant d’éducation et d’éthique
A l’époque d’Abraham, celui-ci n’exprimait pas de doute sur son bon droit, et son fidèle serviteur Eléazar (dont le nom signifie celui que Dieu aide), avait pour mission d’énoncer formellement ce droit ; à l’époque de David, la sénescence du souverain l’a conduit à s’abstraire des affaires du royaume, au risque de laisser faire une sédition, et seule la remontrance de Nathan, le ramène à la conscience de son devoir moral.
Aujourd’hui, la situation d’Israël projette dans son présent la conjonction des deux écueils du passé. Bien des choses miment encore les risques de chaque commencement (Abraham découvre le Dieu Un, tandis que David, après Saül, inaugure la souveraineté des Douze tribus d’Israël) : à l’intérieur, l’esprit schismatique d’Adonias s’exprime sans vergogne, tandis que la prétention railleuse et le plus souvent violente d’Ishmaël s’exacerbe de l’irrespect du précédent.
Le renouvellement de la souveraineté, le plein exercice de l’indépendance, appuyé sur une collectivité éduquée à la responsabilité, ne sont pas des attributs naturels. Ils résultent plutôt de l’effort constant du Musar. Sur le plan pratique, cela implique toutes les échelles de la hiérarchie, qui assurent la transmission et son maintien pratique. Il n’est nul besoin d’éclats pour cela, mais seulement de l’action discrète et attendue de ceux qui seront toujours les tiers irréprochables : ceux qui participant d’Israël, en l’aimant – tel Eléazar – et ceux qui, dans l’esprit inspiré de Nathan (dont le nom signifie Celui qui a donné), diraient à l’ensemble de la Maison d’Israël :«(I Rois, 1 : 12)- Eh bien ! Ecoute, je veux te donner un conseil, et tu sauveras ta vie… »
2021
Où est Sarah ? – Parasha Vayera
Sarah et Abraham : la suite
Vayera (« Et il apparut ») conte la deuxième partie de l’histoire d’Abraham et de Sarah. D.ieu apparaît à Abraham peu après sa circoncision. Trois hommes (ou anges) se présentent à lui et annoncent la naissance prochaine de leur fils Isaac. Puis l’Eternel fait savoir qu’Il va détruire les villes de Sodome et de Gomorrhe. Abraham tente d’infléchir la rigueur divine et obtient que les deux cités soient épargnées s’il s’y trouve dix justes. Mais seul Loth, qui demeure à Sodome, peut être considéré comme tel ; il accueille avec bienveillance les anges, empêchant la population locale de tenter de les violer. Loth et sa famille quittent la ville alors qu’une pluie de soufre et de feu s’abat sur la région. La femme de Loth s’étant retournée pour contempler la destruction, elle est changée en statue de sel. Réfugiées avec leur père dans une caverne à Sohar, les filles de Loth le font boire et s’accouplent à lui, engendrant la lignée de Moab et celle d’Ammon. Abraham, quant à lui, plante sa tente chez les Philistins, dont le roi Abimelec prend Sarah comme concubine ; mais un rêve envoyé par l’Eternel lui apprend que contrairement à ce qu’avait prétendu Abraham, Sarah est certes sa sœur, mais aussi son épouse, et qu’il doit la lui rendre. Abimelec fait alliance avec les Hébreux et leur permet de s’installer sur ses terres. Isaac naît, et peu après Sarah obtient le renvoi de sa servante Hagar et de son fils Ismaël, qu’Abraham abandonne dans le désert mais qui sont secourus par un ange. Abraham reçoit quelque temps plus tard l’ordre de l’Eternel de « faire monter » son fils Isaac. Croyant que D.ieu lui demande un sacrifice, il s’apprête à tuer un Isaac déjà attaché sur l’autel, quand un ange intervient et lui désigne un bélier à sacrifier à la place. Enfin, on annonce à Abraham la naissance de Rebecca.
Il y a bien des manières d’aborder cette parasha, qui, comme la précédente, est d’une extrême richesse et d’une très grande complexité. Il faut choisir un angle, et celui que j’ai choisi, c’est la question de Sarah : comment comprendre qu’Abraham abandonne successivement sa femme entre les mains de Pharaon (dans la parasha précédente), puis d’Abimelec ? Pourquoi une telle convoitise envers une femme qui, au moment où elle séjourne chez les Philistins, est centenaire ?
Un mariage très daté
La première chose que l’on puisse se dire sur le mariage d’Abraham et de Sarah, c’est qu’il est incestueux, puisqu’ils sont demi-frère et demi-sœur. Mais ils sont loin d’être les seuls dans ce cas : Nahor (frère d’Abraham) et sa nièce Mila, Lot et ses filles, Isaac et Rebecca, Jacob et Rachel et Lea : tous semblent suivre un modèle incestueux. On peut s’en étonner, quand on nous dit par ailleurs que les Patriarches connaissaient et observaient la Loi. Tout comme on peut s’étonner, d’ailleurs, qu’ils ne mangent pas kasher (puisque nous voyons Abraham servir un plat de veau à la crème, mélangeant donc la viande et le lait).
Si l’on prend le récit d’un point de vue historique, c’est moins étonnant. En effet, bien que le texte lui-même soit plus récent, les événements rapportés ici sont à peu près datables, et remontent à une période très archaïque, et surtout très antérieure à l’émission des lois interdisant le mariage endogamique, ou celles établissant la kasherout.
La date probable des événements peut être située aux alentours de 1700 avant l’ère commune. C’est en effet vers cette date que, comme l’a montré en 2021 un article scientifique publié dans le magazine Nature, un météore de grande taille détruisit la cité de Tall el Hamman, située près de la Mer Morte. Cette cité, prospère durant l’Age de Bronze, subit une explosion qui fit monter localement la température à plus de 2000°C, et dont la puissance devait équivaloir à plusieurs centaines de fois la bombe atomique d’Hiroshima. En d’autres termes : la pluie de soufre et de feu a bien eu lieu, entre -1650 et -1700. Cela fait de la destruction de Sodome et Gomorrhe le premier élément du récit biblique datable avec un semblant de précision.

Il faut remarquer qu’un grand nombre des divinités de cette époque, à commencer par les divinités égyptiennes, contractent des mariages incestueux. Plus loin à l’orient, les mazdéens perses estiment que le mariage entre un frère et une soeur est une “union divine”, et l’encouragent, notamment pour les membres de la caste sacerdotale. Dans tous les cas, donc, dans l’esprit du temps, il s’agit d’unions d’une nature particulière, et manifestant une forme d’élection divine.
Où est Sarah ?
Quand Sarah demande à son mari d’aller abandonner Hagar et Ismaël dans le désert, Abraham doute. Mais l’Eternel lui dit de toujours écouter la voix de sa femme. Et le terme utilisé ici n’a rien d’anodin : Il lui dit Shema. Et Rachi de commenter : « Cela nous apprend qu’il était second après Sarah dans l’ordre de la prophétie. »
Cela va à l’encontre de l’apparence du texte, qui nous présente au contraire Abraham comme le personnage principal. Sans doute faut-il mettre cette sentence en parallèle avec la déclaration d’Abimelec, qui dit d’Abraham qu’il est « comme un voile entre Sarah et quiconque l’approcherait ». Et cette phrase doit nous mettre la puce à l’oreille : elle résonne en effet particulièrement avec la question posée par les envoyés célestes, au début de la parasha : « Où est Sarah ? », demandent-ils, alors qu’elle se tient dans la tente, sous leurs yeux. C’est la question que nous devrions nous poser.

Il faut probablement comprendre que le couple Abraham-Sarah est similaire au duo Aaron-Moïse : le véritable prophète n’est pas celui qui parle aux autres, qui se confronte au monde, mais bien celui qui reste en retrait. Et à chaque fois que nous voyons agir Abraham, il nous faut nous souvenir que ce n’est pas lui qui porte le véritable fardeau de la prophétie, mais bien Sarah. Abraham est en quelque sorte un leurre : le visage que Sarah présente au monde, en un temps où il ne serait probablement pas accepté que ce soit une femme qui rapporte la parole divine. Abraham n’est pas dénué de mérites en lui-même. Mais c’est bien Sarah qui entretient avec le Divin la relation la plus proche et la plus intime. Bref : alors que nous avons l’habitude de définir Sarah comme l’épouse d’Abraham, peut-être serait-il plus approprié de penser au contraire à Abraham comme l’époux de Sarah.
Ce qui est saint est souvent caché, occulté. On peut penser au saint des saints du Temple, qui était réservé au Kohen Gadol, ou encore à la tente d’assignation, où seuls pénétraient Moïse et Aaron. Plus généralement, à tous les cultes à mystères, dans le cadre desquels s’exprimait la véritable spiritualité antique (alors que les cultes publics étaient surtout l’occasion de pratiques religieuses relevant d’une affirmation civique d’appartenance au groupe). Dans le cadre des mystères d’Isis, la statue de la déesse était recouverte de voiles, que seuls les méritants pouvaient peu à peu écarter : chaque avancée dans le parcours initiatique se manifestait par l’autorisation de soulever l’un des voiles de la statue, jusqu’à pouvoir enfin la contempler dans sa nudité. Plus près de nos traditions : que fait D.ieu, lorsqu’Il Se retire de la Création pour laisser un peu de place à l’être humain, sinon s’occulter, se dissimuler, se dérober à notre regard ? Il est toujours là. Mais Il ne nous est pas accessible.
Sarah, c’est le saint des saints, pudique, se tenant loin des regards. C’est une sainteté invisible. Et ce n’est pas un hasard si la pudeur (tzniout) est l’une des caractéristiques principales de Sarah. Car elle représente une sacralité discrète, une Sapience sans effusion ni démonstration extérieure, qu’il faut séduire et mériter pour ne serait-ce que soupçonner son existence. Mais Sarah, comme son nom l’indique, c’est aussi la princesse, c’est-à-dire la noblesse et la dignité. Une dignité qu’Abraham va choisir d’abandonner plusieurs fois.
Histoires doubles
Au cours de son histoire, Sarah vit à plusieurs reprises des répétitions des mêmes séquences. L’une de ces répétitions est le fait de devenir la concubine d’un autre homme qu’Abraham (Rebecca vivra une autre répétition de la même histoire par la suite). Lors du séjour en Egypte, elle s’était présentée comme la sœur, et non l’épouse, d’Abram, et avait été recrutée pour le harem de Pharaon. Quand la tribu arrive chez Abimelec, la même chose se reproduit. Pharaon consomme l’union et va en être maudit ; Abimelec ne va même pas pouvoir consommer l’union. L’un comme l’autre finit par comprendre que Sarah est en réalité l’épouse d’Abraham (même s’il est vrai qu’elle est aussi sa sœur) et la lui rend, avec des cadeaux et dédommagements. A la différence de Pharaon, qui ordonne au couple de partir, Abimelec va les prier de rester et de faire alliance avec lui.

Pourquoi cette répétition d’épisodes ? Seulement pour montrer que la stérilité du couple vient bien de Sarah et non d’Abraham (puisqu’il aura un fils avec Hagar) ? Sans doute pas.
Si l’on admet que Sarah est la principale prophétesse, et donc le cœur de la relation des Hébreux de cette génération avec D.ieu, on peut voir le désir libidinal qu’elle provoque chez les souverains étrangers comme une aspiration à la Sapience et à la Transcendance, de la part d’êtres qui ne sont pas prêts à les recevoir, mais qui, parce qu’ils disposent de la puissance matérielle, se croient autorisés à les convoiter. Ce désir est exactement similaire à celui des hommes de Sodome voulant violer des anges. Pharaon comme Abimelec pensent qu’on peut s’approprier la Sapience, que la relation à la dimension verticale peut être possédée (au sens matériel comme au sens sexuel du terme) sans que l’on ait à renoncer à quoi que ce soit. Ils ont en quelque sorte l’intuition que l’on se rapproche de D.ieu en passant par l’Autre mais ils pensent qu’on peut le faire par un rapport autoritaire à cette Autre. Car après tout, c’est sans doute le seul type de rapport que ces rois connaissent. Mais seul Abraham est capable d’entrer dans une relation fertile avec Sarah. Et ce qui différencie Abraham de ses deux rivaux, c’est qu’il a réalisé l’Alliance (puisque leur union restera stérile tant qu’il n’aura pas subi la brit-milah). En d’autres termes : il a volontairement abandonné une part (physique, mais aussi et surtout symbolique) de lui-même et de sa virilité ; en cela, il a imité l’Eternel : il a retiré un peu de lui-même, et ce faisant, a créé un vide que l’altérité peut occuper. Il a accepté de moins être, pour mieux être, et surtout pour être avec les autres. On pourrait aussi dire qu’il a renoncé à une part de son identité, afin de pouvoir devenir fertile du fait de son nouveau dialogue avec le Divin.
Les deux épisodes nous présentent donc des profanes, puissants mais dénués de rapport intime au Sacré et surtout de la capacité à renoncer à leurs certitudes, s’imaginant que l’on peut prendre possession d’une relation au Transcendant par la simple autorité temporelle, puis se rendant compte avec amertume qu’il n’existe pas de raccourci dans l’initiation, ni, surtout, dans son cheminement intérieur. Pharaon, déçu, chasse ceux qui possèdent ce qu’il ne peut obtenir. Abimelec, au contraire, désire la présence des Hébreux auprès de lui, afin de le rapprocher de cette Transcendance qu’il ne parvient pas à atteindre par lui-même.
La lâcheté d’Abraham
Dans les deux cas, Abram/Abraham a amené la malédiction sur des souverains étrangers, du fait de sa propre crainte à revendiquer ce qui est sien. Dans les deux cas, cependant, sa méfiance s’est révélée mal placée, et le roi, malgré sa déconvenue, s’est montré plus juste et plus respectueux de l’institution du mariage qu’il ne l’aurait cru. Et dans les deux cas, Abraham a abandonné sa sœur/épouse entre les mains d’un homme qu’il pensait cruel ; il a manqué à ses devoirs de frère comme à ses devoirs d’époux. Mieux encore : il s’est, en quelque sorte, caché derrière sa femme en la sommant de le protéger, lui, et obligeant in fine l’Eternel à agir en personne. Ce qui, au passage, confirme le statut de prophétesse de Sarah, puisque celui qui a tenu le rôle de l’époux protecteur, c’est D.ieu.
Cette attitude est à mettre en parallèle avec le souci qu’Abraham a toujours d’autrui : il accueille avec hospitalité le voyageur égaré, tente de sauver la population de Sodome, et, plus tard, tiendra à s’assurer que le champ qu’il achète soit payé au juste prix, afin de ne pas spolier le vendeur. Mais ce souci des autres semble contrebalancé par une absence totale d’empathie envers sa propre famille : il abandonne Sarah entre les mains des puissants, laisse ses fils aller mourir au désert ou sur la montagne … bref il semble être de ce genre d’homme qui, tout pétri qu’il soit d’amour et de compassion envers la souffrance des autruis lointains, en vient à négliger l’autrui proche.
Dans le cas d’Abimelec, les prières d’Abraham ont finalement mis fin aux souffrances, mais il n’en demeure pas moins que rien ne serait arrivé s’il était resté fidèle à ses devoirs. Peut-être doit-on voir dans ces fautes à répétition la cause de l’épisode suivant de la Ligature d’Isaac : Abraham étant allé au bout de ce dont il était capable, il est temps de passer à une nouvelle génération, née dans l’Alliance. D.ieu ordonne donc à Abraham de « faire monter » son fils Isaac. Une fois encore, le vieil homme manque à ses devoirs, en comprenant tout à l’envers, et en pensant qu’il doit sacrifier son enfant, alors qu’il est question de l’élever vers la Transcendance. Faut-il y voir une incapacité inconsciente d’Abraham à se projeter au-delà de lui-même et à concevoir que son fils est appelé à le dépasser ? Peut-être.

Les deux sacrifices
La Ligature d’Isaac n’est pas le premier sacrifice d’enfant que pratique Abraham. Avant la Ligature, Ismaël subit un sort presque similaire. En effet, les deux fils d’Abraham suivent des itinéraires pratiquement identiques. La séquence est la même pour chacun des deux :
- Abraham reçoit l’ordre d’agir à l’égard de son fils (ordre de Sarah, confirmé par l’Eternel, dans le cas d’Ismaël ; ordre direct de l’Eternel dans le cas d’Isaac) ;
- Abraham amène l’enfant dans un lieu retiré (le désert dans le cas d’Ismaël, la montagne dans le cas d’Isaac) ;
- Le fils d’Abraham est supposé mourir, loin du regard de sa mère (Sarah n’est pas présente, Hagar détourne les yeux) ;
- L’intervention d’un ange sauve le fils d’Abraham, en révélant la présence d’un détail qui n’avait pas été vu jusqu’alors (la source pour Ismaël, le bélier pour Isaac).
Les similitudes entre les deux épisodes sont frappantes. Ils diffèrent cependant sur plusieurs points. Dans le cas d’Ismaël, le voyage vers le lieu isolé est horizontal (on va dans le désert) et la mère d’Ismaël survit à l’épisode. Dans le cas d’Isaac, le voyage vers le lieu isolé est vertical (élévation vers la cime de la montagne) et Sarah ne survit pas à l’épisode, puisque le début de la parasha suivante nous apprend la mort de Sarah, et que Rachi, reprenant en cela le Pirqe de Rabbi Eliezer, nous dit qu’elle meurt de chagrin en apprenant qu’Abraham a tenté de tuer leur fils.
Sarah : la vieille femme et la mort
Pourquoi Sarah meurt-elle après la Ligature, si elle est la véritable prophétesse ? De chagrin, bien entendu. Mais aussi parce que cette génération a fait son temps : Abraham ne restera plus sur terre que pour lui bâtir un tombeau et s’occuper du mariage de son fils Isaac. Des tâches matérielles, qui ne nécessitent pas d’être un prophète, seulement un chef de clan. Avec la mort de Sarah, c’est donc la fin de la période prophétique d’Abraham : elle lui est ôtée parce qu’après cette dernière erreur, cette dernière rechute dans une idolâtrie sanguinaire, sa relation à Sarah (et donc son lien à la Transcendance) est définitivement compromise. Il n’est plus digne d’être uni à elle, et leur union est donc rompue. C’est aussi que, puisque Sarah est la principale prophétesse et qu’Isaac est celui qui doit reprendre le flambeau de l’Alliance et de la prophétie, il lui est impossible de devenir celui qu’il doit être s’il demeure dans l’ombre de sa mère. Ismaël n’a pas ce souci, puisque son devenir, purement horizontal et matériel, n’est pas en contradiction avec la présence de sa mère à ses côtés. Mais les relations individuelles et intimes à D.ieu n’existent qu’en nombre limité : la Bible ne nous montre en général qu’un seul prophète véritable à chaque génération. Sarah meurt donc pour qu’Isaac vive en tant que prophète. Son décès est un ultime acte d’amour envers sa descendance. Et Abraham vit parce qu’en réalité il ne compte pas, n’a jamais vraiment compté, dans cette histoire.
Faut-il pour autant voir Abraham comme un être méprisable ? Non, certainement pas. Nous avons affaire à un homme imparfait, contradictoire, généreux avec les autres mais dur avec les siens, capable de se confronter à D.ieu mais pas de contredire sa femme, se cachant derrière elle et incapable de faire face à des hommes de pouvoir pour la défendre … bref un être humain, avec ses forces et ses faiblesses, ses grandeurs et ses petitesses. Et un être humain confronté, en la personne de l’Eternel, à des exigences morales extraordinairement élevées. Il ne saura jamais être réellement à la hauteur de ses idéaux, certes, mais après tout, nous en sommes tous là.
Photos : Dejan Durakovic – Unsplash / engin akyurt – Unsplash / Tasos Mansour – Unsplash / Javier Peñas – Unsplash / hessam nabavi – Unsplash
2021
La haftarah de Noah
Par Georges-Elia Sarfati
Haftarah: Isaïe : 54,1-55,5
Les Sages ont choisi un passage du Deutéro-Isaïe pour élaborer un thème fondamental de la sidra Noah. Ces prophéties, sans doute proférées au sortir de l’exil de Babylone, se distinguent par des formulations porteuses d’espérance et de consolation.
Deux versets évoquent directement l’épisode déterminant de l’histoire de Noah (Noah: 8, 21-22 ; 9, 11), qui permettent de forger les grandes perspectives de ce texte : « (54, 8-9) Dans un transport de colère je t’ai, un instant, dérobé ma face (istarti panaï) ; désormais, je t’aimerai d’une affection sans bornes, dit ton libérateur, l’Eternel. Certes, je ferai en cela comme pour les eaux de Noé : de même que j’ai juré que le déluge de Noé ne désolerait plus la terre, ainsi je jure de ne plus m’irriter ni diriger des menaces contre toi. »
La référence à la sauvegarde de Noah fait ici l’objet d’une mise en perspective plus spécifique : si l’humanité fut naguère capable de dévoiement, il s’avère aussi que la conduite d’Israël se caractérise, à certains moments de son histoire, par l’ambivalence à l’égard de l’enseignement du Créateur. La « colère » de Celui-ci nous apparaît constamment à la mesure des égarements de l’humanité créée. De même que l’humanité pré-diluvienne attira sur elle la catastrophe, du fait de l’iniquité (Ber. 6, 5) et de la violence (hamas) dont elle s’était rendue coupable (Ber.6, 11), Israël connut l’épreuve de la destruction et de la dispersion, pour s’être éloignée de l’Instruction reçue en héritage. C’est du moins, selon cette logique que le judaïsme antique interprétait son histoire. Cependant, à bonne distance de l’épisode lointain de Noah, la relation prophétique se particularise selon des termes qui ne trouvent d’équivalent que dans le Cantique des cantiques. La parole du prophète se colore désormais de toutes les nuances du symbolisme conjugal : « (Is., 54, 5-6) Oui, ton époux ce sera ton Créateur, qui a nom l’Eternel des Armées, ton sauveur sera le Saint d’Israël, qui s’appelle le Dieu de toute la terre. Car comme une femme abandonnée et au cœur affligé, l’Eternel t’a rappelée ; la compagne de la jeunesse peut-elle être un objet de dédain ? Ainsi parle le Seigneur. »
L’expression de réprimande, aussitôt suivie de ‘’regret’’, se traduit ici par les formule « voilement de la face » (Is., 54,10) – istarti panim : je t’ai dérobé ma face. Nous savons aujourd’hui que cette assertion, dont se déduit l’un des noms de l’Eternel, témoigne d’une fréquence historique, qui a connu des sommets d’abandon, à différents moments de la dispersion. L’Alliance à laquelle il est fait référence prolonge celle que l’Eternel avait d’abord conclue avec Noah. Elle le fut à des étapes distinctes de l’époque de transition que représente la vie de ce patriarche : d’abord passée avec Noah et sa descendance, avant le Déluge (Noah : 6, 18), puis réitérée à l’issue du Déluge (Noah : 9, 9). Au demeurant, ce pacte prit aussi différentes formes : il fut d’abord scellé comme une défense de la vie, au titre d’une assurance que l’Eternel ne causerait plus la destruction de tout vivant (Noah : 9, 11), pour finalement se matérialiser en signe de commémoration, sous la forme de la manifestation naturelle de l’arc-en-ciel (Noah : 9, 15-17).
Isaïe façonne à présent son propre discours par allusion à l’antique mémoire divine de l’humanité ; mais il le fait au moment où Israël est de nouveau en chemin vers sa Terre. Et la réitération de l’Alliance s’adresse délibérément – non plus aux trois fils de Noah – mais plus singulièrement à une fraction d’entre les fils de Sem. De surcroît, le principe de cette Alliance se trouve modifié aux dimensions d’une ‘’alliance de paix’’ (berit chalom) : « (54, 10) Que les montagnes chancellent, que les collines s’ébranlent, ma tendresse pour toi ne chancellera pas, ni mon alliance de paix ne sera ébranlée, dit Celui qui t’aime, l’Eternel ! »
A cet endroit, une remarque s’impose : il y a peu de probabilité que, dans le monde humain, la tendresse – hessed, ce mot désigne en vérité la bonté, la générosité – de l’Eternel infuse spontanément sans que l’humanité agisse pour en capter les échos. D’autre part, que signifie l’expression « alliance de paix » ? Prévenons d’emblée une mésinterprétation : saisi par l’air du temps, ne faisons pas erreur sur la véritable signification de ces deux mots (berit chalom). Ils ne sauraient désigner la formule triviale d’un pacifisme délité dans toutes les complaisances de l’esprit du temps. La fermeté du discours prophétique est aux antipodes. La paix a un prix qu’il ne faut pas méconnaître, en se payant de son seul mot, comme s’il suffisait de le proférer pour obtenir l’état qu’il désigne.
L’alliance de paix : méditer et agir
Ainsi cette Alliance, dont le Texte nous dit qu’elle est irrécusable, suffit-il seulement d’en avoir l’idée pour qu’elle demeure effective ? Ne convient-il pas aussi d’en connaître les termes pour l’incarner ? La paix dont il est ici question (chalom) suppose la plénitude (chelémout) de la présence d’Israël au message divin. Isaïe suggère en outre que la portée de l’Alliance comporte par elle-même une bénédiction qui se prolonge par-delà l’instant de son rappel. Celle-ci semble inclure deux conditions indépendamment desquelles son nom se vide de sens. La première condition serait que les enfants d’Israël assument d’en méditer les termes, mais aussi de l’agir, en repensant à chaque époque les perspectives de sa transmission : « (Is., 54, 13) Tous tes enfants seront les disciples de l’Eternel ; grande sera la concorde de tes enfants. »
La seconde condition, qui constitue le corrélat de la première, serait que les enfants d’Israël mènent une vie selon la justice révélée : « (Is., 54, 14) Tu seras affermi par ma justice : bannie toute idée d’oppression, car tu n’auras rien à craindre ; de terreur, car tu seras garantie contre elle. »
Aujourd’hui que le peuple d’Israël oscille entre deux cultures – la culture mondialisée et la culture nationale retrouvée- nous percevons et comprenons que le « déluge » de haine qui accompagne son Retour, revêt – comme par le passé – les formes d’un antagonisme radical. Mais la prophétie enseigne du même élan que l’attachement d’Israël à l’Alliance promet la défaite de ses ennemis : « (54, 15) Que si l’on se mettait contre toi, ce serait mon aveu ; quiconque se mettra contre toi succombera sur ton sol. »
Dans le même temps, l’intuition prophétique sait discerner qu’au long cours, la guerre menée contre le principe-Israël puise dans le gauchissement du langage son arme la plus affûtée : « (54, 17) Tout instrument forgé contre toi sera impuissant, toute langue qui se dressera contre toi pour t’accuser sera convaincue d’injustice ; tel est le partage des serviteurs de l’Eternel, et l’arrêt équitable qu’ils obtiennent de moi, dit l’Eternel. »
Bien que ces versets témoignent aussi de la résistance que suscite constamment l’idée de l’Alliance, ils nous assurent de ce que la haine qui poursuit Israël corrompt irréversiblement ses ennemis. Ils nous enseignent, contre toute attente, que leur échec – ‘’leur langue’’, dit Isaïe, ‘’sera convaincue d’injustice’’ – pourrait augurer de leur éveil.
2021
Berechit : le Serpent a-t-il menti ?
La figure du serpent, présente dans Berechit, est à la fois familière et très mystérieuse. Un grand nombre de mythologies de la Méditerranée orientale et du Croissant fertile présentent une opposition entre le dieu céleste et bon et une incarnation du mal ou, à tout le moins, de l’opposition, sous la forme d’un serpent : Ra et Apophis, Enki et Enlil, Mardouk et Tiamat, Apollon et Python … l’Eternel et le Serpent. Pour autant, dans la Bible, si le reptile en question semble présenté sous un jour négatif, il n’en demeure pas moins une figure prométhéenne, en cela qu’il guide l’humanité vers le savoir et en paie lui-même le prix. On pense généralement qu’il trompe Eve et l’amène à la faute. Mais est-ce vraiment le cas ? A-t-elle réellement fauté ? Et le serpent a-t-il réellement trompé la mère de l’humanité ?
Les transformations d’Adam
Si le mythe de la création du premier couple humain a, bien souvent au cours de l’histoire, servi à justifier une place secondaire accordée aux femmes dans les sociétés humaines, ce passage, comme du reste toute la Bible, est avant tout ce que l’on décide d’en faire et peut être lu de bien des manières. Ainsi, par exemple, il est à noter que, contrairement à ce que l’on croit souvent, ce n’est pas Eve (Hawa), mais bien Isha qui croque le Fruit. A l’instar de nombreux personnages de la Torah, en effet, la mère de l’humanité change de nom après un événement marquant, pour indiquer qu’elle vient de vivre une initiation ou une conversion : tout comme Abram devient Abraham, Saraï devient Sarah ou Jacob devient Israël, Isha devient Hawa après l’épisode du Fruit.
Ce changement de nom n’a rien d’anodin : il indique, très clairement, que l’absorption du Fruit marque une transformation profonde de son être. Et ces transformations, chez les patriarches et les matriarches, sont toujours positives : elles indiquent un rapprochement avec la dimension spirituelle et verticale, jamais un abaissement. Mais remontons un peu plus haut et demandons-nous qui, au juste, est Isha.
Aux origines, D.ieu crée un être humain « à Son image » : Adam Ha Rishon (« l’Adam des Commencements »), lui-même reflet d’une vision céleste antérieure à la Genèse : l’Adam Kadmon (Homme Primordial), qui constitue en quelque sorte le schéma directeur de la Création. Cet Adam Ha Rishon, dont un midrash nous assure qu’il dispose de deux visages opposés, un peu à la manière de Janus, est ensuite coupé en deux quand D.ieu prélève un côté (et non une côte !) pour former Ish et Isha. Il faut donc voir cet épisode comme une séparation de l’androgyne originel, et surtout pas comme la création d’un être inférieur à partir d’un os surnuméraire. Isha est donc une moitié d’Adam Ha Rishon : la moitié de l’image divine, la moitié du plan céleste; et elle porte en elle le devenir de toute l’humanité.
Devenir semblable à D.ieu : la promesse du Serpent
Le Serpent promet (Genese 3 :4-5) qu’après l’ingestion du Fruit, Ish et Isha seront « semblables à l’Eternel », car connaissant le Bien et le Mal. Et il semble, d’après le texte, que cette promesse emporte la décision et encourage Isha à goûter au Fruit. On peut donc supposer qu’elle portait en elle un désir de se rapprocher de l’état divin. Et sans doute son erreur se trouve-t-elle précisément ici : dans le fait de rechercher une solution extérieure à son désir de similitude avec l’Eternel. Car pour se rapprocher réellement de l’état divin, elle dispose d’un moyen, et ça n’est pas la transgression de l’interdit du Fruit. Pour devenir semblables à D.ieu, il suffit aux humains de se rapprocher l’un de l’autre : l’image divine, ça n’est ni le mâle, ni la femelle de l’espèce, mais bien cet androgyne formé par le couple mêlé dans l’étreinte. Ce qui, en ce monde de matière, ressemble le plus à D.ieu, ce n’est pas la soif de connaissance, mais bien l’amour conjugal.

Si faute d’Isha il y a, elle se trouve ici : dans le fait d’avoir cru que l’on peut se rapprocher seul du divin, que l’on peut avoir une connaissance intime de la Transcendance sans s’embarrasser des autres, ni de l’Autre. Et que l’on peut acquérir cette proximité avec le Sacré uniquement par le savoir, sans se soucier d’empathie ni d’amour. Et pourtant, les humains, après avoir goûté au Fruit, vont bel et bien se rapprocher de l’état divin…
Une étrange punition
On cherchera en vain, dans les propos de l’Eternel au moment où Il apprend que les humains ont goûté au Fruit, la moindre trace de colère : si la plupart des lecteurs partent du principe que ce qu’Il prédit comme destin à l’Homme et à la Femme est une punition, en réalité, rien dans le texte biblique ne l’indique. Et on peut ne lire tout cela que comme une simple énumération des conséquences des actes d’Ish et d’Isha : la mortalité, la douleur, la souffrance, tout cela découle de leurs propres actes. S’agit-il d’une punition divine ? Pas nécessairement. Seulement de ce qui arrive quand on choisit la connaissance, au détriment de l’obéissance. On acquiert le savoir, et avec lui une forme de pouvoir, et donc de responsabilité. Tant qu’on ignore la différence entre le bien et le mal, tant qu’on demeure dénué de toute forme de moralité, on n’est responsable de rien. Mais dès que l’on prend conscience du bien et du mal (c’est-à-dire du fait que les actes ont des conséquences), tout change.
L’humanité avait le choix : elle pouvait opter pour une bienheureuse ignorance, une éternelle enfance, une sorte de béatitude semi-animale. Mais elle a préféré choisir la connaissance, la compréhension de l’éthique et de la morale, et ce qui en découle logiquement : la responsabilité et les souffrances.
Et à travers ces souffrances, à travers ces douleurs, aussi paradoxal que cela puisse sembler, l’humanité se rapproche du Divin. Car dès l’exil à l’est d’Eden, les humains héritent du monde, et en cela ils sont bel et bien semblables à D.ieu. Ils L’ont même, en quelque sorte, chassé du monde, car désormais ce sont eux, et non plus Lui, qui sont responsables de la Création. Commence alors la longue et lente marche vers la réparation du Cosmos, ce Tikkun Olam qui est la charge et le fardeau du genre humain et qui consiste non pas à réparer un péché originel qui n’a pas nécessairement eu lieu, mais bien à rendre vivable une Création imparfaite.
Et le Serpent, alors ?
On peut donc s’interroger sur cette figure du Serpent. Est-il réellement un vil tentateur ? N’est-il pas plutôt une figure émancipatrice ? Ne devrait-on pas le considérer comme une figure certes mystérieuse, mais au fond pas si négative que cela ? Car après tout, il pousse Isha à préférer la compréhension à l’obéissance. Et ceci est, au fond, un acte authentiquement philosophique, et surtout profondément humain. A ce titre, il parachève l’œuvre créatrice en poussant les humains à acquérir une morale et un libre arbitre véritable; peut-être, dès lors, doit-il être vu comme une figure démiurgique, sans doute plus maladroite ou pragmatique que réellement maléfique.
Photos :
Jan Kopřiva – Unsplash
Dainis Graveris – Unsplash