2022
Parashah Emor par Bonnie Buckner
Parashah Emor begins with special laws pertaining to the kohanim, the kohen gadol, and the Temple service. The second part lists the festivals of the Jewish calendar. Next is a discussion of the lighting of the menorah in the Temple, and the showbread to be placed weekly on the table in the Temple. The parashah concludes with the story of the man executed for blashphemy, and penalties for injuring another person or destroying their property.
On the surface, it is difficult to find a thread linking the seemingly disparate sections of this parashah. In particular, the story that concludes it. The book of Vayikra is not a book of narratives – it is a book about the laws of the priests (the original name for the book: Torat Kohanim). There are only two narratives in the entire book: the death of two of Aaron’s sons (Nadav and Avihu) on the day the Sanctuary was consecrated, and the story in our parasha of the blashphemer. Why this story, and why here?
Parashah Emor concerns itself with the holiness of priests, the holiness of the Sanctuary, and the holiness of certain days in the calendar. In other words, the sanctity of person, place, and time. And then the narrative of the blasphemer. Rabbi Jonathan Sacks (1) argues that the narrative of the blasphemer brings our focus to the sanctity of speech. Here we pick up the thread.
At the beginning of the parashah we find the special laws pertaining to the priest in relationship to death, which require the priest to stay away from the bodies of the dead except under specific circumstances. Rabbi Samson Raphael Hirsch, in his commentary to these verses sets out that whereas other religions associate matters of God ‘where man ends’, for Judaism God is among us in our living: Hashem is the God of Life. “Judaism teaches us not how to die, but how to live so that, even in life, we may overcome death, lack of freedom, the enslavement to physical things and moral weakness (2).” The priest’s role with respect to these laws is to “keep aloft the banner of life” to make clear for us that the concept of life is “not overshadowed by thoughts of death. (3)”
In beginning, in first giving, God creates life – a world of living things, and a world for the living human to inhabit. We, the human, are created in God’s image. We are told in Deuteronomy to choose life: “I have set life and death before you, blessing and curse. Choose life, so that you may live – you and your descendants – to love God, your God (30:19).”
Exodus is a book dominated by the mighty Hand of God – plagues and miracles, the Decalogue, and the instructions for, and building of, the sanctuary. In the building of the sanctuary, we are invited to imitate God in the creating act, creating a microcosmos here – creating order from chaos – to mirror the Great Creation of God. Vayikra, the book where our current parasha sits, means He (God) called. Rashi tells us this is a term of endearment; rather than He said (Vayomer), He spoke (Vayedaber) or He commanded (Vayetzav), Vayikra is a language of “invitation, friendship, love (4).” Here, in this book, “in love, God calls the people of Israel to come close to Him…to share His quality of holiness, difference, apartness (5).” It is a detailed invitation to continue our work of ‘holiness in action (6)’ as part of our relationship with God: creation to Creator. It is God’s calling to us to ‘partner in the work of creation’.
From here the story of the blasphemer, and the penalties for injuring another person or destroying their property, are clearly understood. To blaspheme is to destroy name, meaning, and holiness; to injure another is to reverse the creating process; to destroy another’s property is again a destructive act. For a God who creates life, exhorts us to choose life, and invites us to join Him in the creating process such acts are a direct reversal, an untying of the thread of the relationship. The opposite of creating, such undoings are equivalent to death.
The world was created through speech. Through ten sayings God created the world. Speech gives us the capacity to create or destroy. One can honor another through speech, or blaspheme; create a friendship, or destroy one. Consecrating festival days is our response to Vayikra – we announce the days and we make ourselves present for them. By lighting the menorah and keeping the showbread we respond to Vayikra, bringing our own light to the space where we can meet God’s Light. By consecrating our speech we respond to Vayikra, letting our words continue the act of creation in holding God’s name apart, by honoring that Divine image in others. To our God who creates life, who calls to us in invitation, through our small efforts to honor the sanctity of person, place, time, and speech, we respond by choosing life. We respond to God loving us, by our loving God.
FRENCH VERSION
Parashah Emor
La Parasha Emor commence par des lois spéciales relatives aux kohanim (prêtres), au kohen gadol ( le grand prêtre) et au service du Temple. La deuxième partie énumère les fêtes du calendrier juif. Vient ensuite une discussion sur l’allumage de la menorah dans le Temple, et les pains de proposition (« showbread ») à placer chaque semaine sur la table dans le Temple. La parasha se termine par l’histoire de l’homme exécuté pour blasphème et par les sanctions pour avoir blessé une autre personne ou détruit sa propriété.
En surface, il est difficile de trouver un fil reliant les sections apparemment disparates de cette parasha. En particulier, l’histoire qui la conclut. Le livre de Vayikra ( Lévitique) n’est pas un livre de récits – c’est un livre sur les lois des prêtres (le nom original du livre : Torat Kohanim). Il n’y a que deux récits dans tout le livre : la mort de deux des fils d’Aaron (Nadav et Avihu) le jour où le Sanctuaire a été consacré, et l’histoire du blasphémateur dans notre parasha. Pourquoi cette histoire, et pourquoi ici ?
La parasha Emor se préoccupe de la sainteté des prêtres, de la sainteté du sanctuaire et de la sainteté de certains jours du calendrier. En d’autres termes, le caractère sacré de la personne, du lieu et du temps. Et puis, il y a le récit du blasphémateur. Le rabbin Jonathan Sacks (1) soutient que le récit du blasphémateur attire notre attention sur le caractère sacré de la parole. C’est là que nous reprenons le fil.
Au début de la parasha, nous trouvons les lois spéciales qui concernent le prêtre et la relation avec la mort : elles obligent le prêtre à rester à l’écart des corps des morts, sauf dans des circonstances spécifiques. Le rabbin Samson Raphael Hirsch, dans son commentaire sur ces versets, explique que, tandis que d’autres religions associent les questions de Dieu « là où l’homme finit », pour le judaïsme, Dieu est parmi nous dans notre vie : Hachem est le Dieu de la vie. « Le judaïsme nous enseigne non pas comment mourir, mais comment vivre pour que, même dans la vie, nous puissions vaincre la mort, le manque de liberté, l’asservissement aux choses physiques et la faiblesse morale (2). Le rôle du prêtre vis-à-vis de ces lois est de « porter haut la bannière de la vie » pour nous faire comprendre que le concept de vie n’est « pas éclipsé par des pensées de mort » (3).
Au début, dans le premier don, Dieu crée la vie – un monde d’êtres vivants et un monde habitable pour l’humain vivant. Nous, les humains, sommes créés à l’image de Dieu. Le Deutéronome nous dit de choisir la vie : « J’ai mis devant vous la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisissez la vie, afin que vous viviez – vous et vos descendants – pour aimer Dieu, votre Dieu (30:19). »
L’Exode est un livre dominé par la puissante Main de Dieu – les fléaux et les miracles, le Décalogue, les instructions et la construction du sanctuaire. Dans la construction du sanctuaire, nous sommes invités à imiter Dieu dans l’acte créateur, créant ici un microcosme – créant l’ordre à partir du chaos – pour refléter la Grande Création de Dieu. Vayikra, le livre où se trouve notre parasha Emor, signifie « Il (Dieu) a appelé ». Rashi nous dit que c’est un terme d’affection ; plutôt que « Il a dit » (Vayomer), « Il a parlé » (Vayedaber) ou « Il a commandé » (Vayetzav), Vayikra est un langage « d’invitation, d’amitié, d’amour (4) ». Ici, dans ce livre, « dans l’amour, Dieu appelle le peuple d’Israël à se rapprocher de lui… à partager sa qualité de sainteté, de différence, de séparation (5) ». C’est une invitation détaillée à poursuivre notre travail de « sainteté en action (6) » dans le cadre de notre relation avec Dieu : de la création au Créateur. C’est l’appel de Dieu pour que nous soyons « associés à l’œuvre de la création ».
La présence ici de l’histoire du blasphémateur et celle des sanctions pour avoir blessé une autre personne ou détruit sa propriété prend alors tout son sens. Blasphémer, c’est détruire le nom, le sens et la sainteté ; nuire à autrui, c’est inverser le processus de création ; détruire la propriété d’autrui est encore un acte destructeur. Pour un Dieu qui crée la vie, nous exhorte à choisir la vie et nous invite à le rejoindre dans le processus de création, de tels actes sont un renversement direct, un dénouement du fil de la relation. À l’opposé de la création, de tels méfaits équivalent à la mort.
Le monde a été créé par la parole. À travers dix paroles, Dieu a créé le monde. La parole nous donne la capacité de créer ou de détruire. On peut honorer l’autre par la parole ou le blasphémer ; créer une amitié ou en détruire une. Consacrer les jours de fête est notre réponse à Vayikra – nous annonçons les jours et nous nous rendons présents à eux. En allumant la menorah et en gardant les pains de proposition, nous répondons à Vayikra, en apportant notre propre lumière à l’espace où nous pouvons rencontrer la Lumière de Dieu. En consacrant nos paroles, nous répondons à Vayikra, en laissant nos paroles continuer l’acte de création tout en gardant le nom de Dieu à part, en honorant cette image divine chez les autres. À notre Dieu qui crée la vie, qui nous appelle et nous invite à travers de petits efforts à honorer le caractère sacré de la personne, du lieu, du temps et de la parole, nous répondons en choisissant la vie. A Dieu qui nous aime, nous répondons : aimons Dieu.
- Rabbi Jonathan Sacks (2015). Leviticus : The Book of Holiness (from Covenant and Conversation : A Weekly Reading of the Jewish Bible). Maggid Books & The Orthodox Union.
- Rabbi Samson Raphael Hirsch. The Pentateuch. Edited and printed in 1990 by Judaica Press, Inc., New York. Excerpt from commentary to the Pentateuch, page. 469. English translation from original German by Gertrude Hirschler.
- ibid.
- Rabbi Jonathan Sacks (2015). Leviticus : The Book of Holiness (from Covenant and Conversation : A Weekly Reading of the Jewish Bible). Maggid Books & The Orthodox Union. Page 5.
- ibid.
- ibid.
Illustration : Levi Grossbaum / Unsplash
2022
Parasha Emor : la science du judaïsme, par Yeshaya Dalsace
Dans la parasha Emor, l’Eternel s’adresse à Moïse et lui ordonne de donner aux kohanim des prérogatives spécifiques liées au sacerdoce, ainsi que des commandements particuliers relatifs à la pureté. D.ieu décrit ensuit les limites des offrandes, et notamment les raisons pour lesquelles une bête ne peut être sacrifiée. Sont ensuite évoqués le calendrier liturgique, les offrandes, les rites et les fêtes, ainsi que les rites quotidiens.
Illustration : Luis Gonzalez – Unsplash
2022
Parasha Ahare Mot : la justice divine est-elle aveugle ? Par Floriane Chinsky
Après la mort des fils d’Aaron, l’Eternel expose à Moïse les rites sacrificiels de Kippur et lui donne des instructions précises quant aux offrandes et aux rites relatifs au Saint des Saints. Ainsi ordonne-t-Il la désignation du bouc émissaire et son envoi à Azazel. La parasha comprend aussi des instructions relatives à la sexualité, et notamment l’interdiction de l’adultère, des rapports homosexuels masculins et de la zoophilie, ainsi que la consécration des enfants à Moloch.
Illustration : Robin GAILLOT-DREVON / Unsplash
2022
Metsorah : éloge de la solitude
Les péricopes bibliques de Tazrìa et Métsorah analysent différentes circonstances qui impliquent des situations d’impureté, une forme d’ “opacité de l’âme” qui oblige celui ou celle qui s’y trouve à s’isoler pendant un certain temps, après quoi l’individu sera réinséré dans la société, en passant par des actes rituels qui vont célébrer sa faculté renouvelée d’entrer en relation avec le sacré et avec les autres.
J’ai parlé d’opacité car le terme hébreu Tameh, généralement traduit par “impur”, semble être relié à la racine du mot Atoum, “opaque”, puisque dans ces états nous assistons à une sorte de manque de clarté et de capacité de distinction, donc une opacité.
Parfois ces états peuvent être occasionnés par des événements naturels tels que l’accouchement, parfois plutôt par des éléments extérieurs, comme dans notre parasha arrive au Métsorah, qui est affecté par des lésions cutanées mystérieuses, ou encore par des situations accidentelles comme le contact avec un corps sans vie. Le contact avec la mort constitue la plus grande des sources d’impureté, puisque dans la mort les individus perdent l’éclat qui les rend différents les uns des autres. Il s’agit donc bien d’une opacité qui se crée.
Concernant le Métsorah nous lisons:
“Il est opaque/impur, il habite solitaire, son habitation hors du camp.” [Lév. 13:46].
À première vue, il semblerait évident que la raison de cette exclusion est celle d’éviter la contagion. Mais les Maîtres on lu dans cette manifestation physique étrange du Métsorah une conséquence de son incapacité de communiquer, notamment par l’usage de la médisance. Cette lecture vient en grande partie du fait que dans le chapitre 12 des Nombres Myriam, la soeur de Moché, est frappée par cette affection après avoir parlé du frère de façon inappropriée. Là encore, nous pouvons voir dans cette “impureté” une incapacité de reconnaître dans l’autre les peculiarités qui le rendent unique, en préférant plutôt le réduire à un stereotype.
Il est de notre devoir de toujours lire les textes et les interprétations avec un œil critique, ce qui me donne l’occasion de souligner les risques de cette lecture traditionnelle, où la victime de l’affection est identifiée comme la source de son mal, dans un esprit de blaming the victim que nous devrions toujours regarder avec une certaine méfiance. En même temps, nous ne pouvons pas ignorer cette lecture des Sages, notamment en considération de la gravité du phénomène de la médisance et de sa fréquence dans le monde moderne.
Différentes sources rabbiniques, notamment dans la littérature Hassidique, suggèrent que l’isolement du Métsorah a comme but celui de réduire son égoïsme. En restant isolée, la personne qui a dit du mal d’autrui devrait se rendre compte qu’elle a besoin des autres. Elle devrait sortir de cet isolement plus disposée à tolérer les aspects des autres qu’apparemment ont induit son comportement, et à mieux accepter les inévitables imperfections humaines qui l’entourent.
En même temps la médisance est souvent le fruit d’une vision qui amplifie de façon disproportionnée les défauts des autres. La solitude peut donc être une stratégie pour encourager le responsable à contempler ses propres défauts, à regarder à l’intérieur de lui-même.
Dans cet état d’isolement il n’y a donc pas qu’une attitude punitive. Bien au contraire, nous pouvons y déceler des aspects qui visent le développement intérieur de l’individu.
De nombreux psychologues ont souligné l’importance de la capacité d’être seuls, et cela depuis l’enfance. Très souvent l’art se développe en solitude, et le poète Novalis [Allemagne, 1772-1801] écrit que “C’est intérieurement que va le chemin mystérieux”. Mais pour aller vers l’intérieur, pour parcourir ce chemin mystérieux qui est le chemin de tout être humain, il faut avoir l’espace et la solitude nécessaires.
Le traité mishnique de Pirkei Avot commence avec la phrase « Moché a reçu la Torah du Sinaï. » La question classique est: pourquoi du Sinaï ? Pourquoi ne pas simplement dire qu’il l’a reçue de la Transcendance divine? Le commentateur Yehuda Abravanel [Portugal, 1464-Italie, 1530] suggère que le Sinaï, lieu isolé du reste du monde, a donné au prophète les facultés spirituelles nécessaires pour recevoir la Torah. Moché a donc bien reçu la Torah du Sinaï, car c’est le Sinaï qui le lui a permis.
L’isolement du Métsorah peut sans dout lui paraître comme une punition. Mais comme pour toute condition, si l’individu est en mesure de l’exploiter pour grandir et méditer sur son comportement, sa condition peut se transformer en un chemin vers l’intériorité la plus pure.
Nous commençons en ce moment à sortir de la pandémie, une situation dans laquelle beaucoup d‘entre nous ont vécu plus isolés que d’habitude, La pandémie nous a entre autre montré à quel point tous les êtres humains sont connectés et reliés les uns aux autres sous un même ciel. Il serait donc extraordinaire de pouvoir constater que ce temps nous aura donné la possibilité de voyager en nous, en nous rendant plus ouverts et plus bienveillants avec les autres.
Je suppose que seul l’avenir nous le dira.
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