2022
Paracha Vayiqra
La haftarah de la paracha Vayiqra souligne son enjeu : «Ce peuple que j’ai formé pour moi, ils me feront monter, ils raconteront» ( עַם-זוּ יָצַרְתִּי לִי, תְּהִלָּתִי יְסַפֵּרוּ – Ishaï – Isaïe 43,21). Le prophète inspiré le proclame : Ha Shem veut oublier les fautes passées. Il veut élever Israël à le servir ; Il veut en faire un peuple de prêtres qui saura le faire connaître de l’humanité toute entière. C’est bien pourquoi le premier sacrifice dont il est question est appelé « עֹלה » (olah). Ce terme est communément traduit par holocauste, mais il signifie : montée, élévation. C’est d’ailleurs bien parce qu’il s’agit d’élévation que notre tradition considère que le livre de Vayiqra est la première chose à enseigner aux enfants dans leur scolarité. Il s’agit ici d’amour de ha Shem pour son peuple, et c’est aussi pourquoi le seul récepteur des sacrifices est le tétragramme (יהוה). Ce Nom assure la fonction compassionnelle de la Transcendance.
Pourquoi des sacrifices ?
Certes, la pratique des sacrifices n’était pas, en elle-même, spécifiquement hébraïque. Maïmonide (Guide des égarés C.III Livre 32 – Ed. Verdier cité par Elie Munk – La voie de la Torah) note que le contexte culturel de l’époque, favorisait leur usage. Il donnait au peuple hébreu un moyen universellement connu d’exprimer concrètement son attachement à ha Shem.
Pourtant les pratiques sacrificielles des Hébreux se différenciaient qualitativement des pratiques païennes. Pour commencer, nos anciens ne sacrifiaient pas d’humains, pas même des enfants. Quelle rupture avec le monde environnant ! Même les ingrédients les plus usuels se différenciaient, y compris dans certains détails qui avaient leur symbolique : les Hébreux utilisaient le sel (issu de la rencontre du feu et de l’eau) alors que les païens l’ignorait. Par contre, ces derniers se servaient du levain et du miel.
Les païens sacrifiaient pour obtenir des faveurs de leurs dieux ou l’apaisement de leurs colères. Les Hébreux cherchaient à mettre en œuvre un enseignement. Ce n’est pas pour rien que le Livre « vayiqra » dans son ensemble compte 247 mitsvot sur les 613 (voir A. Chouraqui – La Bible).
C’est d’ailleurs pourquoi Maïmonide ne considérait pas les sacrifices forclos. Ils reprendront, écrivait-il, à l’ère messianique, quand le 3ème Temple sera (re)construit. Ils feront alors toujours partie des mitsvot, même si leur sens restait pour lui mystérieux.
Aujourd’hui les moyens institutionnels de nous rapprocher de ha Shem sont les lieux d’étude, de prière, et aussi la terre et l’Etat d’Israël. C’est dans notre fidélité à ces lieux que réside notre capacité à rester nous-mêmes et à « faire revenir ceux qui se sont éloignés ». ( Jonathan Sandler « Pour plus de lumière – p.172»).
Celui-ci relève, à ce propos, que le mot qorban (קרבּן – sacrifice ) a pour racine qarov (קרב ) qui signifie : « être proche ». Quel objectif alors pour les mitsvot ? Se rapprocher. Le mot hébreux « qorban » le dit explicitement. Mais se rapprocher de qui ?
Rabbi Jonathan Sandler cite à ce propos Rabbi ‘Haïm ben Moché iben Atar (Salé, Maroc 1696 – Jérusalem 1743) dans le « Ohr Ha’Haïm » publié pour la première fois à Venise en 1741. Ce dernier considère le v. 2 du c.1 de Vayiqra : אָדָם כִּי-יַקְרִיב מִכֶּם קָרְבָּן, לַיהוָה . On peut le traduire littéralement par : « un homme, de parmi vous qui approchera un sacrifice pour ha Shem ». Rabbi ben Atar interprète ce verset de manière très intéressante. Pour ce Sage cela signifie : l’homme se rapprochera de son prochain.
Le Sefer ha Bahir (livre de la Cabbale de la fin du XIIe siècle de l’ère courante – parag.78) cité par Elie Munk (« La voix de la Torah » volume « Vayiqra » –p.12) élargit le propos. Il s’agit d’un rapprochement entre la sphère supérieure (céleste) et la sphère inférieure (matérielle, terrestre).
Les sacrifices aidaient donc les Hébreux à se rapprocher les uns des autres, mais aussi à rapprocher toute la communauté de ha Shem.
On peut souligner que ce rapprochement ne concerne pas seulement les enfants d’Israël mais l’humain en général puisqu’on a trouvé le mot Adam (אדם) en 1,2. Certes les enfants d’Israël sont choisis et formés par ha Shem pour servir (מכם אדם – un homme de parmi vous). Mais les hommes qui voudraient se joindre à leur action sont, naturellement, les bienvenus. Tout homme, même non Juif, pouvait sacrifier au Temple.
La référence à Adam signifie aussi que celui qui sacrifie, doit sacrifier ses biens propres. Adam ayant été seul au monde, il n’avait à offrir que ce qui lui revenait.
Transfert ?
Mais Elie Munk expose encore une autre opinion. Ibn Ezra, cité par Nahmanide émet l’idée selon laquelle les sacrifices permettent de transférer les fautes des hommes sur les animaux. « Puisque les actes des hommes sont composés de la pensée, de la parole et des actes, la Tora a ordonné d’appuyer les mains sur la tête du sacrifice ce qui correspond à l’acte, elle a exigé la confession des péchés ce qui correspond au facteur de la parole, puis la combustion des parties internes où se situe le siège de la pensée et des instincts ».
On pourrait rapprocher ces trois manières d’agir des trois principales fautes existantes dans la langue hébraïque :
– חטא (‘hata) – la faute commise par mégarde ou acte manqué (actes sans parole ni pensée). Le sacrifice expiatoire peut alors la réparer.
– עון (avon) – la faute commise par préméditation – (pensée et acte) – C’est l’holocauste (« עֹלה » (olah) qui doit en rendre compte.
– אשם ( ashem) ou faute commise par un crime de sacrilège, rébellion ou faux serment (parole et acte) Le sacrifice délictif y répond.
La définition des termes peut varier selon les interprétations, mais l’essentiel est là : il faut un sacré niveau de moralité et de spiritualité pour être capable d’une telle introspection !!!
Hypothèse moderne : l’animal jouerait ainsi le rôle du psychanalyste dans sa fonction réparatrice. Le taureau permettrait ainsi de se débarrasser d’une trop grande volonté de pouvoir, le mouton de sa passivité…
Les sacrifices d’animaux ne sont pas un besoin pour ha Shem, c’est évident. Le prophète Ishaï le rapporte nettement « Qu’ai-Je à faire de la multitude de vos sacrifices ? » dit-Il par sa bouche. On le perçoit aussi très bien avec la discussion suscitée par le verset 9 du c.1 ,11 : ריח־ניחוח ליהוה » ( trad. :une odeur agréable pour ha Shem). Cette expression revient à maintes reprises. Elle pourrait faire croire que la Transcendance se délecte des odeurs émises par les sacrifices. Ce n’est pas du tout le sujet. « L’odeur agréable » fait en réalité référence au sensible dans sa relation à la Transcendance. Elle n’a aucune valeur en lui-même, sauf s’il exprime une intention : la volonté d’être agréable à ha Shem en réparant ses fautes et en s’améliorant.
Pour la « techouva » et le pardon des fautes
Pour un peuple vivant, en pleine ascension, le tabernacle ne pouvait rester vide de vie. N’est-ce pas l’absence de Moshe, et le vide matériel qui s’ensuivit, qui fut la cause immédiate du veau d’or ?
Dans « Shemot » (L’Exode), ha Shem avait donné une carté d’identité à Israël avec les 10 paroles (paracha Yitro). Puis Il lui a donné un cadre avec le tabernacle. Avec le livre « Vayiqra » dans son ensemble Il s’attache à donne un contenu à ces paroles et à ce cadre. Ha Shem se donne un peuple vivant pour incarner Son Alliance. Et c’est bien parce que ce peuple est vivant, qu’il est toujours amené à fauter. Les sacrifices forment le processus qui conduit à la « techouva », ce retour vers le bien. C’est la condition même du pardon qui sera développée beaucoup plus tard, au plan philosophique par V. Jankelevitch (1903-1985) au regard de l’extermination des Juifs d’Europe. Cela n’est possible que pour un peuple qui a atteint ce très haut niveau de conscience et qui veut sans cesse se perfectionner. Le peuple hébreu ne peut exister que par une Ethique et par un Etat. Sans Etat l’Ethique meurt, sans Ethique l’Etat ne peut survivre. Vayiqra n’est qu’un début…
Illustration : Vlad Kiselov / Unsplash
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2022
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Parasha Ki Tissa : beauté et sainteté
Nous lisons dans le Décalogue: « Tu ne feras pour toi ni sculpture ni toute image de ce qui est dans les ciels en haut, sur la terre en bas, et dans les eaux sous terre. » [Ex. 20 :4] Mais pendant que la Transcendance communique à Moshé ces lois, les Israélites construisent le veau d’or. Généralement cet objet est considéré comme idolâtre car il est perçu comme objet de culte et d’adoration. Mais l’impulsion qui anime les Juifs n’est probablement pas d’ordre cultuel et religieux uniquement. Il y a aussi un désir de beauté. Les Israélites viennent de sortir d’Égypte, lieu où la beauté artistique est recherchée et soignée. Aujourd’hui encore, les ornithologues peuvent savoir quels types d’oiseaux il y avait en Égypte à l’époque, grâce à la qualité artistique des détails de leurs représentations. Les Juifs, peut-être inspirés par la beauté des paysages désertiques, veulent eux aussi pouvoir créer quelque chose d’artistique. Mais nous savons que la beauté peut parfois comporter des risques.
Matthew Arnold, poète et écrivain britannique du XIXe siècle, a écrit que les Grecs adoraient la sainteté de la beauté, les Juifs recherchaient la beauté de la sainteté. C’est une définition peut-être simpliste mais fascinante. Les Grecs, cependant, étaient conscients des dangers de l’expression artistique. Platon dans la République critique l’art parce qu’il exerce son charme sur la partie irrationnelle, enchante l’âme, l’exalte et la confond, enflammant les passions, et nous savons que cela est susceptible de se produire véritablement.
Le Judaïsme n’a pas toujours été très orienté vers l’art, mais l’art en a toujours fait partie. La Torah consacre quelques versets à la création du monde, mais des centaines de versets à la construction du Tabernacle. Il existe aussi un concept de Hiddour Mitsvah, beauté de la Mitsvah, selon lequel nous devrions accomplir les mitsvot de la manière la plus somptueuse et la plus élégante possible. Nous remarquerons que dans le Décalogue, il est dit : «Tu ne feras pour toi ni sculpture ni toute image … ». Je pense que l’expression « pour toi » est centrale. Si l’objet est fait « pour toi », pour nourrir l’ego et pour flatter la vanité de ceux qui le réalisent, nous sommes dans l’idolâtrie. S’il est conçu pour transcender ceux qui le réalisent et canaliser l’attention vers autre chose, c’est autre chose. L’idée juive selon laquelle il faudrait imiter la Transcendance dans ses qualités de générosité et de sollicitude pourrait et devrait aussi s’étendre à la faculté de créer la beauté. Ce n’est pas un hasard si dans la prochaine Sidra nous rencontrerons le personnage de Betsalel, qui aura les qualités artistiques qui manquent à Moshè pour créer le Tabernacle. Cela signifie que déjà à partir de l’époque biblique les artistes et l’arts ont un rôle, et que même le culte peut et doit s’exercer dans la beauté et par la beauté, sans toutefois que la beauté elle-même devienne un objet de culte. La beauté créée par l’humain doit être une force qui conduit à aller au-delà de l’humain, quelque chose qui va engendrer l’admiration pour la création divine. Ce n’est pas un hasard si le même or utilisé dans cette Sidra pour le veau sera utilisé dans la prochaine pour le Tabernacle. Symboliquement, cela signifie que les mêmes impulsions que nous pouvons utiliser pour nous glorifier et nous auto-célébrer peuvent être utilisées pour ressentir et exprimer qu’il y a quelque chose de plus grand que nous et qui nous transcende. Cela peut être réalisé avec des vertus comme la générosité, ou des valeurs comme la justice, mais aussi avec la beauté, une beauté qui ne sera pas seulement extérieure, mais qui touchera quelque chose de profond et d’intérieur dans l’être humain et dans le monde que la Transcendance a créé. C’est en prenant soin de cette beauté dans ce que nous faisons et dans la manière dont nous le faisons que nous montrerons à nous-mêmes, aux autres et à la Transcendence elle-même l’amour pour ce monde et la gratitude pour la beauté qui nous a été donnée. Le souhait pour nous tous est donc celui de pouvoir reconnaître et imiter cette beauté dans nos vies, avec l’aide de HaChem.
Liens : Etz Haim / H. F. Cipriani / H.F.Cipriani (page Facebook)
Photo de KoolShooters provenant de Pexels
2022
Parashat Teroumah : faire place à la sainteté
Les Israélites ont quitté l’Égypte, ils ont reçu la Torah au mont Sinaï, et maintenant ils sont dans le désert et ils reçoivent des instructions pour la construction du Mishkan, la demeure portable de Dieu qui accompagnera le peuple dans le désert. La paracha de cette semaine donne bien l’impression qu’elle sera mieux placée sous forme de diagramme. Les instructions très complètes (qui occupent tout notre texte) sont longues, extrêmement détaillées et précisent chaque étape de la construction. Il y a treize versets détaillant la fabrication des tissus pour le Mishkan, quinze versets différents sur les planches de bois d’acacia, six détaillant les étapes de la construction de l’autel et de ses ustensiles et dix sur l’enceinte latérale du Mishkan, chaque instruction donnée avec ses propres mesures en coudées. Terumah est, à première vue, l’une des parashot dont la pertinence pour nos vies modernes est moins évidente.
Pourquoi Dieu a-t-il besoin d’un édifice physique au milieu du peuple ? Il a porté le peuple jusqu’ici sans en avoir, et nous avons encore de nombreux livres de la bible à finir avant de parler de la construction du vrai temple à Jérusalem. La raison est que nous avons la question à l’envers, ce n’est pas que Dieu a besoin d’un espace physique mais que lui, il sait que nous en avons besoin. En faisant une place pour Dieu, nous faisons place pour Dieu. Nous avons besoin de lieux sacrés, nous sommes programmés pour avoir besoin d’espaces distincts pour les différentes composantes de notre âme. Récemment, nous avons pris conscience de la douleur de la perte de cette physicalité. À notre époque, beaucoup d’entre nous sommes contraints de réduire toutes les composantes de nos vies à des espaces singuliers qui doivent servir de salles de classe, de synagogues, des salons des proches, de clubs sociaux, de bars où l’on rencontre de vieux amis et de chambres d’hôpital où l’on fait ses adieux pour la dernière fois. La réalité de notre condition humaine est que nous sommes façonnés par les espaces que nous habitons. Il y a un pouvoir dans notre environnement, c’est pourquoi nous nous promenons en automne dans la forêt, pourquoi nous ressentons de l’admiration en regardant la mer à l’horizon, de l’émerveillement en entrant dans nos synagogues aux fêtes des Tishri, et de la nostalgie pour les lieux que nous considérons autrefois comme les nôtres. Nous sommes façonnés par notre environnement, et nous sommes donc amenés à rechercher les lieux qui nous apportent ce dont nous avons besoin. La présence d’un Mishkan dans le camp sera l’un de ces endroits pour le peuple, et ils en auront besoin.
Rashi nous dit que la chronologie de ces événements ne correspond pas à leur ordre écrit dans notre Torah, et que l’épisode du veau d’or a précédé les instructions de construction du tabernacle[1]. Avec cette chronologie, nous pouvons imaginer les Israélites dans le désert, froids, confus, craignant les conséquences suite à l’épisode du veau d’or. Il en va de notre vie spirituelle comme de notre vie sociale, nous mentons, nous décevons, nous oublions et nous trahissons. Avec le récent épisode d’idolâtrie qui pèse sur la conscience du peuple, le Mishkan peut donc être vu non seulement comme un lieu où les israélites peuvent aller pour trouver Dieu, mais comme le souligne Abravanel, comme un rappel constant qu’il ne les a pas abandonnés, qu’il est toujours avec eux. Nous pensons que Dieu veut que les Israélites lui construisent un Mishkan pour qu’il puisse y habiter, mais l’hébreu est au pluriel, בְּתוֹכָֽם, ce qui indique que ce n’est pas dans/avec « cela » [le Mishkan] qu’il habitera, mais avec « eux » – parmi le peuple.
Les instructions continuent, détaillant les ornements qui vont du bronze le plus éloigné du Mishkan, à l’argent, puis à l’or pour les ornements de l’arche. Il est surprenant de constater que dans ce lieu très saint, avec tout l’or que les Israélites pouvaient donner, il y a quelque chose d’autre que l’on met. C’est là, nous dit la Guemara, que sont conservées les tables de la loi, non seulement la deuxième paire, mais aussi la première paire que Moïse a brisée en voyant ce que les Israélites avaient fait en construisant le veau d’or[2]. Dans ce sommet de la sainteté, nous devons placer quelque chose de brisé, un élément de la perfection de la révélation, brisé par les mains de l’Homme. Le symbolisme de ce placement dans le lieu le plus saint est frappant. Car ce n’est pas dans notre état parfait que nous avons accepté la torah, et ce n’est pas en tant qu’êtres parfaits que nous sommes créés. Les tablettes brisées dans l’arche nous rappellent que ce n’est pas en tant qu’êtres parfaits que nous sommes aimés, mais en tant qu’individus brisés, faillibles, que nous sommes réellement. Leur présence dans l’arche est un rappel que non seulement Dieu est avec nous dans le camp, mais qu’il est avec nous précisément tels que nous sommes.
Nous ne sommes plus dans le monde du temple, nous ne sommes pas dans le désert, et nous n’avons pas de Mishkan dans notre camp. Le rappel visuel de la présence divine a disparu, mais le monde dans lequel nous avons été jetés reste tout aussi déroutant, ses injustices tout aussi capricieuses, et son sens toujours plus insaisissable. Notre paracha explique comment créer une espace physique pour la sainteté, mais c’est dans le midrash que nous voyons comment nous faire de la place à la sainteté en nous-mêmes. On nous dit que lorsque Moïse reçoit l’instruction de construire la ménorah en or, il ne sait pas comment, et malgré les explications répétées de son créateur, il ne peut pas comprendre comment il peut la fabriquer, et on lui dit finalement de simplement jeter l’or sur le feu, où il émergera de lui-même en tant que ménorah[3]. Le pouvoir de façonner l’objet à sa volonté était toujours là, mais ce n’est que lorsque Moïse a fait tout ce qu’il pouvait, lorsqu’il a agi le premier, jusqu’aux limites de ses capacités, que Dieu est venu à ses côtés pour l’aider à terminer ce qu’il ne pouvait faire seul. Dieu est avec nous, pas dans le camp, pas dans le Mishkan, mais là où nous choisissons de le rencontrer. Nous faisons ce que nous pouvons, nous faisons un pas vers lui, nous mettons l’or sur le feu, en retour, il fait un pas vers nous, et prend notre main tendue.
Le Mishkan d’aujourd’hui n’est pas un édifice physique, mais c’est la place que nous laissons à l’émerveillement et à la joie dans le quotidien. Comme Moïse, nous devons faire le premier pas, ce que nous faisons à travers nos actes quotidiens de dévotion, dans le sourire à l’étranger, l’étreinte d’un être cher, le réconfort du rire d’un ami, et la joie que nous éprouvons dans l’expérience improbable d’être ici.
Nous sommes pressés et nous sommes occupés, mais lorsque nous nous forçons à ralentir, nous faisons de la place pour le sentiment de sainteté dans nos vies. Car même si le rappel visuel de la présence divine a disparu, nous pouvons toujours le sentir proche de nous. L’affaiblissement spirituel et l’aliénation par notre monde matériel ne sont pas inévitables, car même si nous remplissons nos jours avec les affaires de tous les jours et que nous nous tranquillisons avec les tâches futiles, Dieu est toujours là lorsque nous tendons la main vers lui, et il attend que nous fassions le premier pas.
[1] Rashi on Exodus 31:18:1
[2] Talmud Bavli, Bava Batra 14b
[3] Midrash Tanchuma Shmini 8.2
Version Anglophone
Parshat Terumah – Making space for holiness
The Israelites have left Egypt, they have received the Torah at mount Sinai, and now they are in the desert and they receive instructions for the construction of the Mishkan, the portable dwelling place for God to accompany the people through the desert. As texts go, this one seems like it would be better suited as a diagram. The very comprehensive instructions which occupy our whole portion are lengthy, extremely detailed, and spell out each step for the construction. There are 13 verses detailing the making of the cloths for the Mishkan, 15 different verses on the acacia wood planks, 6 elaborating on the steps for building the altar and its utensils and 10 on the Mishkan’ side enclosure, each with their own cubit measurements for the subcomponents. Terumah is, at first glance, one of the portions with less obvious relevance to our modern lives.
Why does god need a physical edifice among the people? He has carried them so far without, and we are many books of the bible away from the construction of the real temple in Jerusalem. The reason is that we have it the wrong way around, it is not that god needs a physical space but that he knows we do. By making a space for god, we are making space for god. We have a need for sacred places, we are hardwired to need spaces for the different components of our soul.
Recently, we have become acutely aware of the pain of losing this physicality. In these current times many of us are constrained to have all the components of our lives reduced to singular spaces which must serve as classrooms, as synagogues, as relative’s living rooms, as the social clubs we attend, as bars we meet old friends, and as the hospital rooms where we say goodbye for the last time. The reality of our human condition is that we are shaped by the spaces we inhabit, there is power to our surroundings which is why we go for autumn walks in the forest, why we feel awe staring the sea out to the horizon, feel wonder walking into our high-holy day synagogues, and nostalgia at the places we once thought of as ours. We are shaped by our surroundings, and so are moved to seek out the places that give us what we need. The presence of a Mishkan within the camp would be one of these places for the people, and they will need it.
Rashi tells us the chronology of these events is not the same as their written order in our Torah, and that the episode of the Golden Calf preceded the instructions to construct the tabernacle[1]. With this chronology, we can imagine the Israelites in the desert, cold, confused, fearful for the consequences following the episode of the golden calf. We are with our spiritual lives, as we are with our social lives, we lie, we disappoint, we forget, and we betray. With the recent episode of idolatry weighing on the conscience of the people, the Mishkan can thus be seen not only as a place where the israelites can go to find god, but as Abravanel points out, as a constant reminder that he has not forsaken them, that he is still with them. We think of god as wanting the israelites to build him a Mishkan so that he may dwell there, but the hebrew is plural, בְּתוֹכָֽם, indicating that it is not in/with « it » [the Mishkan] that he will dwell, but with « them » – among the people.
The instructions continue, detailing the ornaments that go from bronze furthest out from the Mishkan, to silver, and then to gold for the ornaments on the ark. Surprisingly though, among this holiest of places, with all the gold the Israelites could give, there lies something else within the ark itself. Here, the Gemara tells us, are kept the stone tablets of law, not only the second pair, but the first pair which Moses smashed on seeing what the Israelites had done in building the golden calf[2]. Within this apex of holiness we are to put something broken, an element of the perfect from revelation, broken by the hands of man. The symbolism of placing this at the holiest of holiest sites is striking. Because it is not in our perfect state that we accepted torah, and it is not as perfect beings that we are created. The broken tablets in the ark are a reminder that it is not as beings of perfection that we are loved, but as the broken, fallible, individuals we actually are. Their presence in the ark is a reminder that not only is God with us in the camp, but that he is with us precisely as we are.
We are no longer in the world of the temple, we are not in the desert, and we have no Mishkan in our camp. The visual reminder of God’s presence is gone but the world into which we have been thrown remains just as confusing, its injustices just as capricious, and its meaning ever more elusive. Our parasha spells out how to create the physical space for holiness, but it is in the midrash that we see how we can create the space for holiness within ourselves. We are told that when Moses is instructed to build the gold menorah, he does not know how, and despite repeated explanations from his creator, he can not understand how he can make it, and so is told finally to simply cast the gold onto the fire, where by itself, it will emerge as the formed menorah[3]. The power to form the object to his will was always there but it was only when Moses did all he could, when he acted first, up to the limits of his abilities that God came to his side to help him finish what he could not do alone. God is with us, not in the camp, not in the Mishkan, but where we meet him. We do what we can, we take a step towards him, we put the gold on the fire, in return, he takes a step towards us, and takes our outstretched hand.
The Mishkan of today is not an edifice, but the room we leave to experience the wonder and joy in the everyday. Like Moses, we must take the first step which we do through our daily acts of devotion, in the smile at the stranger, the embrace of a loved one, the comfort of friend’s laughter, and the joy we take in the improbable experience of being here at all.
We are rushed and we are busy, but when we force ourselves to slow down, we make room for the feeling of holiness in our lives. Because although the visual reminder of God’s presence may be gone, we can still feel him with us. The spiritual deadening and alienation of the material world is not inevitable, for though we fill our lives with the business of the everyday, and we tranquilize ourselves through the trivial, God is still there when we reach out to him, and he is waiting for us to take the first step.
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