2022
Tetzavé ou le sens du sacrifice
La scène se déroule toujours sur le Sinaï. D.ieu décrit précisément à Moïse la manière de préparer l’huile pour la ménorah, ainsi que les habits sacerdotaux pour le Kohen Gadol, les rites initiatiques pour les Kohanim, les divers rituels liés au sanctuaire et les offrandes perpétuelles (sacrifice de deux moutons par jour).
Une éloquente absence
La parasha Tetzave est la seule, depuis la naissance de Moïse, à ne pas comporter le nom de celui-ci. Il est présent dans l’action, bien entendu, mais n’est pas expressément nommé. Comme si, dans cette circonstance, son identité propre était absente de la parasha. Ce fait n’est bien entendu pas passé inaperçu des commentateurs classiques et plusieurs traditions tentent de l’expliquer. L’une d’elles affirme qu’il s’agit d’une réponse a priori à une prière de Moïse, dans la parasha suivante qui, après l’épisode du Veau d’Or, dit au Seigneur : Hélas ! Ce peuple est coupable d’un grand péché, ils se sont fait un dieu d’or ; et pourtant, si tu voulais pardonner à leur faute… ! Sinon, efface-moi de la Torah. D.ieu aurait alors pardonné à Israël sa faute mais l’absence de la mention de Moïse dans une unique parasha témoignerait néanmoins du fait qu’à certains égards, Sa confiance en son Peuple demeure moindre qu’elle ne l’était auparavant. Peut-être, cependant, peut-on penser à une autre raison. Une raison en rapport avec le sujet même de la parasha. Car tous ces commandements relatifs aux Kohanim ne concernent pas Moïse.
Une récompense pour l’hérésie ?
Les prescriptions, en effet, sont essentiellement destinés Aaron et à sa descendance. Aussi contre-intuitif que cela puisse sembler au premier abord, ce n’est pas Moïse qui va devenir le grand prêtre, mais bien son frère, et ce malgré le fait qu’il participe à l’hérésie du Veau d’Or. Comment se fait-il que ce même Aaron, qui ordonne l’érection d’une idole soit celui à qui l’Eternel confie la charge de gardien de l’orthodoxie ?
L’idole en question, représentant un bovidé, peut être interprétée soit comme une statue d’Apis, soit comme une statue de Sin (le dieu babylonien de la lune et du temps, représenté avec des cornes de taureau, et dont le nom est à l’origine du terme Sinaï; Sin était le dieu tutélaire d’Ur, d’où est originaire Abraham; la tradition selon laquelle Moïse serait descendu cornu du Mont Sinaï n’est peut-être pas une simple erreur de traduction ou d’interprétation : il est très possible qu’il s’agisse, dans des versions très archaïques du récit, d’une transfiguration et d’une manifestation physique d’une proximité avec le divin Sin). Dans les deux cas, il s’agit d’un retour en arrière, que ce soit vers l’Egypte ou vers les lointaines origines mésopotamiennes des Hébreux.
Une charge pour Aaron
Premier élément de réponse possible : rien ne nous assure que le statut de Kohen Gadol, attribué à Aaron, soit une récompense. A bien des égards, il s’agit d’une charge, et qui peut être écrasante. La parasha Shemini nous montrera d’ailleurs qu’elle peut être mortelle. Être celui qui, de tous, se trouve le plus proche de l’Eternel est certes un honneur, mais un honneur terrible. Ce n’est pas sans raison.
Qui a déjà vécu une expérience religieuse authentique sait combien cet événement peut être traumatisant : en un instant, votre vision du monde s’écroule ; vous découvrez d’autres manières d’appréhender les choses, l’univers s’ouvre à vous. Mais on peut se perdre dans une telle vision; elle peut aussi bien vous illuminer que vous détruire.
Les expériences religieuses sont communes à toute l’humanité, et bien souvent décrites dans des termes à peu près similaires quelles que soient les cultures et les époques. Si nous n’avons aucune certitude quant à la nature de ces expériences, ni ce vers quoi elles ouvrent exactement, nous pouvons être certains d’une chose : notre esprit est capable de les vivre. Mais ces expériences bouleversent nos cadres de références et peuvent nous plonger dans l’angoisse et le chaos. Ça n’est pas sans raison que de nombreuses traditions voient l’initiation comme une forme de mort symbolique, une Œuvre au Noir dans laquelle il faut d’abord détruire les structures préexistantes, parce qu’on ne construit bien que sur des ruines. Reste à savoir si l’on est capable de survivre à cette destruction, et d’en tirer quelque chose de positif.
Dans son livre My Stroke of Insight (2008), la neurophysiologiste Jill Bolte Taylor décrit en détails l’intense expérience religieuse qu’elle vécut au cours d’un accident vasculaire cérébral qui toucha son cerveau gauche, et comment, après cette expérience, elle parvint, peu à peu, à reconstruire ses fonctions cérébrales. Tous ceux qui vivent une expérience religieuse ne sont pas affectés de manière aussi dramatique mais il est indéniable qu’il s’agit d’un événement de nature à altérer définitivement l’existence. Une des raisons principales pour lesquelles Jill Bolte Taylor est parvenue à maîtriser l’expérience et à aller au-delà du trauma pour en faire une est le fait qu’en tant que neurophysiologiste, elle a parfaitement compris ce qui lui arrivait : les différentes étapes de l’accident vasculaire cérébral lui étaient connues, elle n’a pas paniqué et a su, dans une certaine mesure, observer l’événement d’un œil extérieur. Bref : elle s’était préparée à cela, même si elle ne le savait pas.
Les rites d’initiation et de purification, que ce soit ceux des traditions shamaniques les plus archaïques ou ceux, bien plus sophistiqués, décrits ici pour l’initiation des Kohanim, remplissent la même fonction : préparer à la rencontre avec un événement qui dépasse, et de loin, nos capacités de compréhension. Et sans doute peut-on lire ainsi ces rituels méticuleux et précis destinés à Aaron et aux siens : il ne s’agit pas d’une récompense, mais bien de la reconnaissance de leur imperfection, et donc de la nécessité de les préparer à la rencontre avec le Divin.
Une question de pardon et de dépassement
La faute d’Aaron dans l’épisode du Veau d’Or est indéniable. Et c’est sans doute parce qu’il a commis cette faute qu’il peut effectivement devenir le Grand Prêtre.
Tout d’abord parce qu’Aaron a toujours été le visage de Moïse face aux Israélites. Il est celui qui fait face au peuple, alors que son frère fait face à D.ieu. Aussi n’est-il sans doute pas inutile qu’Aaron souffre de ce petit degré d’imperfection qui le rend plus accessible, plus compréhensible au commun des mortels. Par ailleurs, Aaron, en manifestant les racines égyptiennes et mésopotamiennes de la foi hébraïque, se montre aussi potentiellement capable de les dépasser tout en les intégrant, dans une dynamique similaire à celle de l’Aufhebung hégélienne. Mais surtout, Aaron prouve par l’exemple que le pardon divin est possible : le péché n’est pas la fin de l’existence, et même l’hérésie peut être rattrapable. A condition d’opérer les sacrifices adéquats.
Le sens du sacrifice
Le sacrifice est une pratique qui nous semble aujourd’hui primitive, brutale ou simpliste. A tort : il s’agit sans doute l’une des plus grandes inventions humaines. Aucun autre animal ne pratique un tel rituel, absurde en apparence mais en réalité d’une grande sophistication intellectuelle et dont le sens est d’une incroyable profondeur.
Outre sa fonction religieuse, le sacrifice antique a une fonction de redistribution sociale : l’animal une fois tué, sa chair est cuite, et partagée entre tous ceux qui assistent à la cérémonie. Pour les membres les plus pauvres de la société, il s’agit bien souvent de l’unique moyen de consommer de la viande. Il s’agit donc au moins en partie d’un mode d’atténuation des différences (et donc des tensions) sociales. Mais le sens du sacrifice va bien au-delà.
Le sacrifice et l’avenir
Car qu’est-ce qu’un sacrifice ? Si on le prend dans son acception la plus étroite, il s’agit de détruire quelque chose qui a une valeur immédiate (de la nourriture, du vin, un animal, parfois un être humain) pour complaire à l’Eternel, en espérant que le Divin nous soit favorable à l’avenir. L’invention du sacrifice, c’est donc l’invention de la jouissance différée : la découverte du fait qu’on peut négocier avec le monde et qu’il est possible, en renonçant à un plaisir ou même à un besoin immédiat, de s’assurer un avenir meilleur. Si l’on agit comme il convient, si l’on accepte les efforts (et souvent les souffrances) nécessaires, il est possible d’obtenir ce que l’on souhaite, à condition d’en avoir payé le prix en amont. C’est la découverte du fait que l’Homme n’est pas démuni face à l’arbitraire du monde mais qu’il peut, en en payant le prix, plier le réel à sa volonté.
Pour que cet avenir meilleur advienne, il faut cependant que le sacrifice plaise à l’Eternel. Il ne s’agit donc pas de détruire n’importe quoi : il faut sacrifier une chose précise et précieuse. Cette notion a des échos jusque dans notre vie individuelle : il est courant que nos fardeaux nous empêchent d’avancer et que la seule chose qui nous permette d’aller de l’avant est de nous alléger de certaines choses. Faire un sacrifice. Et souvent un sacrifice douloureux, puisque ce qui nous bloque, ce qui nous empêche, c’est généralement justement ce à quoi nous ne voulons pas renoncer.
La Bible nous présente le premier conflit de l’humanité, entre Abel et Caïn, comme apparaissant parce que Caïn avait jalousé son frère. Abel, en effet, avait procédé aux bons sacrifices et avait été béni, tandis que Caïn, qui avait sacrifié mais ne l’avait pas fait dans les formes, les qualités ou les proportions appropriées, n’avait pas reçu cette bénédiction. Caïn avait pensé qu’il suffirait de se séparer d’une chose sans valeur pour que la magie du sacrifice s’accomplisse ; et comme cela ne s’est pas produit, il avait cru voir de l’arbitraire et de l’injustice là où il n’y avait en réalité que la conséquence de ses actes. A bien des égards, il a tenu le raisonnement, si courant parmi les complotistes, consistant à se dire : Je n’ai pas ce que je souhaite, malgré le fait d’avoir sacrifié ; comme il m’est trop difficile de remettre en cause mes propres actes, c’est qu’une injustice me prive de ce qui me revient. Or Caïn est également le créateur des premières cités. Il est donc le père de la civilisation. D’après la Bible, la civilisation est donc basée sur la jalousie, la spoliation et le meurtre.
Dès l’origine, le sacrifice porte donc cette ambivalence : il est ce qui établit un lien avec la Transcendance, ce qui garantit l’avenir dans la matière, mais également ce qui peut attiser la jalousie et la colère des autres. Et sa pratique peut très rapidement déraper.
Etablir et réguler
Comment, dès lors, prétendre fonder un Etat et une nation qui soient autre chose qu’un système d’asservissement des êtres humains et de perpétuation du Mal de génération en génération ? Comment garantir la protection du Seigneur, c’est-à-dire la prospérité de la nation, tout en minimisant le mal et la souffrance ?
D’abord en établissant des sacrifices et en les régulant. Etablir des sacrifices, c’est faire d’Israël une nation soucieuse de son avenir et prête à renoncer à des gratifications immédiates, afin de se prolonger dans le temps et les générations. Une nation qui ne consent pas à des sacrifices uniquement de manière ponctuelle, quand elle a quelque chose à demander à D.ieu, mais tous les jours, parce que c’est bel et bien tous les jours que l’avenir se prépare. Réguler ces sacrifices, c’est s’assurer que les Hommes, toujours prompts à confondre le mot et la chose, ne croient pas que le sacrifice a une valeur magique en lui-même. Et en faisant en sorte que cette violence rituelle reste rituelle seulement, car confiée à une classe spécialisée, formée à comprendre ces notions et à se confronter au sang et à la mort. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que les fils d’Aaron mourront d’avoir voulu exécuter des sacrifices non prescrits : si pratiquer les sacrifices nécessaires pour l’avenir de la nation est indispensable, créer de la souffrance là où elle n’est ni utile ni nécessaire est en revanche criminel.
Toute l’histoire des Israélites après l’épisode du Veau d’Or est d’ailleurs une longue histoire de jouissance différée : quarante années durant, ils vont errer dans le désert, préparant l’arrivée dans une terre qu’eux-mêmes ne connaîtront jamais. Et de nombreux épisodes vont les voir contraints à renoncer à leurs pulsions immédiates, afin de comprendre et d’appréhender un projet d’ensemble plus vaste, et dépassant l’horizon d’un simple individu. En établissant des sacrifices et en les régulant, donc.
Le choix d’Aaron
Pour encadrer cette entreprise, D.ieu va choisir non pas Moïse, qui est celui qui a su réguler ses pulsions primaires pour rester dans la droiture et la doxa, mais bien Aaron : celui qui a échoué à le faire. Mais parce qu’il a échoué à le faire, cela signifie qu’il est capable d’apprendre. Car nous n’apprenons rien, ou presque, de nos succès : quand nous nous trompons, quand nous errons, quand nous échouons, nous avons une chance, pour peu que nous survivions à cette erreur, d’en sortir plus forts, plus sages et plus prudents. A l’inverse, quand nous réussissons, les raisons de notre succès ne nous sont pas toujours claires et nous apprenons souvent beaucoup moins. Ce qui est vrai sur le plan de l’apprentissage individuel l’est également sur le plan moral. Il faut lire Des hommes ordinaires, de Christopher Browning, qui décrit les membres du 101ème bataillon de réserve de la police allemande, responsables de la mort de plus de 80 000 personnes, qu’elles aient été assassinées à Jozefow ou déportées à Treblinka. Ces policiers n’étaient pas des monstres. La plupart d’entre eux étaient, comme le titre l’indique, des hommes comme les autres. Beaucoup ont obéi aux ordres sans se poser de question. Beaucoup, également, savaient que ce qu’ils faisaient était moralement inacceptable mais ils se sont conformés au groupe, ils ont suivi, ils ont imité les autres. Ce conformisme face au groupe, nous le ressentons tous, tôt ou tard, et il peut nous pousser au pire. C’est à cette pression du groupe qu’Aaron a cédé dans l’épisode du Veau d’Or.
Il est facile, quand on regarde de telles horreurs à distance, ou dans la position, éthiquement bien plus confortable, des vainqueurs et des victimes, de se dire que soi-même, on refuserait ; qu’on résisterait à la pression générale ; que de telles noirceurs ne concernent que les autres ; que ce Mal-là nous est extérieur et que, nous, nous ne ferions pas cela. Or c’est justement ceux qui se pensent incapables de commettre de telles choses qui sont les plus susceptibles de s’y livrer si l’occasion se présente. On peut ici se référer à Jung : seul celui qui a su intégrer son Ombre peut être réellement moral; seul celui qui sait qu’il pourrait devenir un monstre est réellement apte à ne pas le devenir. C’est avec les meilleures intentions du monde, et avec la conscience la plus pure, que s’accomplissent les pires horreurs. Là encore, se retrouve le thème d’une certaine Œuvre au Noir, ou encore d’une initiation orphique : avant de s’élever, il faut avoir plongé dans la nuit, au risque d’y demeurer à jamais, pour en émerger purifié. On ne construit bien que sur des ruines.
C’est la raison pour laquelle Moïse ne peut faire l’affaire : lui n’a pas écouté les sirènes de l’hérésie. Il n’a pas erré sur les chemins de la facilité. Il n’a pas cédé à la pression du groupe. Aaron l’a fait. Raison pour laquelle il peut être purifié, pardonné, élevé. Raison, également, pour laquelle il doit être préparé par le rituel, les habits sacerdotaux, les huiles saintes.
Moïse est un être exceptionnel mais tout le monde n’est pas Moïse et il n’est pas raisonnable d’établir un Etat en partant du principe que les dirigeants seront autre chose que des hommes ordinaires. La vertu ne se décrète pas. C’est justement parce qu’ils ont fauté qu’Aaron et les siens ont besoin de ces habits sacerdotaux et de ces rituels : pour leur rappeler en permanence quels sont leurs devoirs, autant que pour les préparer psychologiquement à des expériences hors du commun.
Loin d’être un catalogue abscons de pratiques d’un autre âge, Tetzave est donc le témoignage d’une forme d’ingénierie sociale d’une extrême sophistication : l’établissement d’un mode de pensée dans lequel il devient non seulement courant, mais normal et quotidien de renoncer à une partie de sa jouissance immédiate pour assurer au groupe un avenir meilleur ; dans lequel l’acte par lequel on manifeste cette pensée est lui-même un mode de régulation sociale et d’apaisement des tensions au sein du groupe ; et dans lequel les hommes qui sont chargés de ces rituels sont préparés psychologiquement à le faire, en partant du principe non pas qu’ils sont exceptionnels ou disposent d’une vertu spécifique (ce qui serait tentant dans le cadre d’une fonction héréditaire), mais au contraire qu’ils sont faillibles, et ont donc besoin, pour réaliser leur mission, d’une infrastructure symbolique, une cartographie idéologique dans laquelle se situer et agir.
Illustrations : Max Muselmann / Unsplash; Benjamin Davies / Unsplash
2022
Paracha Michpatim : une justice transcendante
Pour la Torah, la justice est transcendante. Elle vient du ciel. Et ce n’est pas une parole en l’air. Si la Justice ne venait pas du ciel comment pourrait-elle transcender les intérêts particuliers ?
Que la Loi vienne du ciel, tout l’indique. Dès la paracha Yitro, Moshe monte au Sinaï (C. 19.3). Il s’élève pour accéder à la Loi que le peuple hébreu acceptera de suivre (C.19.8). Ce seront les 10 devarim ou paroles du C.20. Elohim, en créant le monde, crée la loi qu’elle soit naturelle ou humaine (justice). Les 10 paroles sont les 10 piliers qui fondent une véritable société humaine. Le mouvement des Lumières s’en inspirera, notamment pour « la déclaration des droits de l’homme et du citoyen » du 26 août 1789, en France.
Avec la paracha Michpatim c’est toujours de Justice que nous parlons. Il s’agit d’un code civil qui prolonge dans le détail, les 10 paroles. Le titre même de la paracha et son premier verset (C.21, 1) le disent clairement. On peut aussi percevoir dans ce titre, un clin d’œil en creux au Livre des Shofatim (« Les Juges »). Pourquoi ? Ce dernier se caractérise justement par l’absence de respect des lois selon la formule qui conclue le Livre : : אִישׁ הַיָּשָׁר בְּעֵינָיו יַעֲשֶׂה בַּיָּמִים הָהֵם אֵין מֶלֶךְ בְּיִשְׂרָאֵל (« en ces jours pas de roi sur Israël et chacun, ce qui est droit à ses yeux, il fait (21, 25) » Pas de roi, pas de loi, et chacun pouvait faire ce qu’il voulait.
Avec Michpatim, il y a un Roi, c’est le Roi des rois. Pas question de déroger aux statuts qu’il révèle, et pour cause : y déroger serait (re)conduire l’humanité au chaos. Qu’il s’agisse bien de justice, et même de tribunal, la préposition לִפְנֵיהֶם (« devant eux ») l’indique : elle renvoie aux 70 Anciens d’Israël qui composent le Tribunal Suprême d’Israël, le Sanhédrin (Gittin 88b). (Voir l’enseignement de R. Tarphon dans Elie Munk « La voie de la Torah » p.320). Pour confirmer cette interprétation, on retrouve explicitement ces « Anciens » à la fin de la paracha (24,1) : « et monte vers ha Shem avec Aaron, Nadav, Avihou et les 70 anciens d’Israël… »
Une législation révolutionnaire
La plus grande partie de la paracha expose en détail les lois concernant les personnes, les biens, et la terre. Elle va du C. 21 à 23 jusqu’au v.19. Il s’agit d’un recueil de lois révolutionnaires ! Il rend chacun responsable de ses actes, tout en y introduisant la dimension très moderne des « circonstances atténuantes » (voir 21,12 et les villes refuges). La justice est bien la référence suprême sur laquelle doit s’édifier la société, mais attention ! La justice seule ne suffit pas ! Le ‘hessed (חסד – la compassion, l’amour, la charité) en est le couronnement. Sans le ‘hesed la justice perd tout son sens, et la société qu’elle est sensée maintenir s’écroule.
Pas de justice sans « ‘hessed » (compassion)
La justice exige de chaque humain qu’il se sente responsable envers l’autre, qu’il soit puissant ou faible, maître ou serviteur, homme ou femme. Même celui que tu détestes, s’il est en difficulté, tu l’aideras à retrouver son âne ou à le décharger (23, 4 et 5).
Pour la première fois dans l’antiquité, les esclaves ou serviteurs ne sont pas traités comme des biens meubles, mais comme des êtres humains. Les femmes acquièrent des droits qu’elles ne possédaient pas (même s’ils peuvent paraître dérisoires aujourd’hui) et aussi l’étranger (« guer ») qui habite avec toi… et mêmes les animaux qui bénéficient du Shabbat. Il faut lire ces lois, non comme un aboutissement mais comme le déclenchement d’une dynamique de libération qui ira beaucoup plus loin dans les textes et dans l’histoire. L’objectif est bien de « sortir de la maison de servitude » ( Yitro 20, 2) pour tout Israël, dans un premier temps, pour l’humanité toute entière à sa suite.
Pourtant, on peut s’interroger. Le ‘hessed est-il vraiment toujours présent ? Les sanctions pour les faits les plus graves (21.23 à 25) semblent relever de la loi du talion, connue dans le code Hammourabi. Mais « Le Talmud, dans le traité Baba Kama, enseigne, au nom de Rabbi Chimon Bar Yohaï : « Œil pour œil veut dire compensation financière » (Jeanine Elkouby – Actualité Juive). Cette interprétation peut s’appuyer sur le terme תחת (ta’hat) qui veut dire (à la place, mais aussi en-dessous). Cette préposition nous indique qu’il ne s’agit pas de crever un œil pour un œil – ce qui n’aurait pas de sens – mais de le compenser (financièrement).
Pas de « ‘hessed » pour les sorcières ?
Les sorcières sont vouées à la mort sans rémission (22,17). Ce verset résonne douloureusement à nos oreilles. 60 000 sorcières ont été brûlées au XVIème et au XVIIème siècles ; il y eut environ 100 000 procès avec toutes les tortures qui les accompagnent ! La Torah applaudirait-elle ce « féminicide » caractérisé ? La réponse est non car il ne fait jamais sortir un verset de son contexte historique et textuel.
Tout d’abord, on constate que ces crimes de masse contre les femmes ont été commis par les chrétiens (catholiques et surtout protestants, et aussi en Afrique animiste et musulmane). Ils ont appliqué ce verset, sans sourciller, au pied de la lettre. Pourtant, jamais les Juifs n’ont brûlé des sorcières. D’autant moins que les persécutions contre ces pauvres femmes n’étaient qu’un volet de la lutte générale contre les hérésies. Et là, les Juifs étaient concernés au premier plan, avec les sorcières.
De plus, le texte ne vise pas spécifiquement les femmes. Le Livre « devarim » ( « Deutéronome ») précise très clairement que la sorcellerie n’est pas spécifiquement féminine (voir c.17, 2). L’objectif du texte est donc, avant tout, d’éradiquer l’idolâtrie dont la sorcellerie constitue une pratique majeure. C’est le sens que lui donne Maïmonide (Guide III – 37). On voit ici à quel point une interprétation unilatérale des textes conduit aux pires atrocités.
D’ailleurs, ce verset sur les sorcières renvoie logiquement à la suite : l’éradication des 6 peuples cananéens (23,23).
Se libérer pour que les autres nations se libèrent
A partir du c. 23, 20, un messager (מלאךְ– malakh ) accompagnera les Hébreux. Ce messager c’est Metatron (מטטרון) selon Rachi. Sa valeur numérique est la même que שדי (Chadaï – 314). Sa présence est signe que les Hébreux ne respecteront pas toujours la loi. Il faut les limiter. C’est d’ailleurs pourquoi, juste avant, il est fait référence à la loi qui interdit de cuire le chevreau dans le lait de sa mère. Le chevreau, selon le Zohar II (123b – 126a), est le pseudonyme de Essav. Le lait symbolise la source de la sagesse humaine. Il ne faut donc pas mélanger la sagesse à la folie du pouvoir. C’est un avertissement.
Pour appliquer leurs lois, les Hébreux devront effacer toute trace des 6 peuples qui habitent la terre qu’Israël doit hériter. Comme le verset sur les sorcières, ce passage nous met mal à l’aise. Nettoyage ethnique ? Effacement du ‘hessed ? Pas du tout.
D’abord, les mouvements de population et les guerres mentionnées déjà à l’époque d’Avraham (Guerre des rois – bereshit – c.14) font qu’il n’y a pas de possesseurs légitimes ou naturels de la terre. La terre ne peut s’acquérir qu’au nom de la parole de la Transcendance : au nom de la justice et du ‘hessed.
Les peuples païens font le contraire : ils adorent des idoles faites en matériaux. Pire, ils leur sacrifient des humains et même leurs enfants. Chez eux, une seule loi : les forts dominent et oppriment les faibles. Les esclaves sont des objets. La soumission des hommes à d’autres hommes est la règle.
La question est : jusqu’où peut aller la tolérance ? Jusqu’à fermer les yeux sur des actes inhumains ? La question s’est posée vis-à-vis des nazis. Fallait-il les laisser faire au nom de la tolérance et/ou du pacifisme, ou fallait-il les détruire ? Les pacifistes, on le sait, se sont ralliés à la collaboration. Le judaïsme n’est clairement pas un pacifisme. Parce qu’il aime la vie, il n’aime pas la paix des cimetières. Parce qu’il a pour mission de créer les conditions d’une vie décente pour tous les peuples sur terre, le peuple hébreu se doit de détruire ceux qui pratiquent l’injustice.
Cette passion de la justice ne s’applique d’ailleurs pas qu’aux autres. Dans la haftarah de cette paracha, le grand prophète Yrmeyaou (Jérémie) au C.34 v.8 à 34.22 et 33.25 et 26 l’explique très clairement : le même sort attend les Hébreux s’ils s’alignent sur les pratiques païennes. C’est bien ce que Yirmaeyaou dénonce à son époque : les Judéens devaient libérer leurs serviteurs, mais ils ne le font pas. Certes, ils les libèrent dans un premier temps, mais finalement, ils reviennent sur leur parole et les récupèrent. Ce reniement de la loi va provoquer une catastrophe : la destruction du Temple et de Jérusalem, et l’exil des élites judéennes à Babylone en 586 avant l’ère courante.
Construire une nation
Pratiquer la justice et le ‘hessed suppose d’avoir un pays pour le faire. C’est pourquoi la paracha définit des frontières. : « de la mer des Joncs à la mer des Philistins et du désert au fleuve (Euphrate) ». Cela signifie qu’Israël ne veut pas conquérir le monde, mais juste trouver un lieu où pratiquer la Torah. Pas n’importe quel lieu : celui où justement sévissent l’idolâtrie et l’injustice.
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2022
Glissements et extensions de la manne : kouzou et milouï
Par Laurent Picard, frère d’étude (havrouta), ami de Kehilat Kedem
Cette section se situe entre les rachats des premiers-nés début du chapitre 13 et la guerre contre Amalek au chapitre 18. Dans cette parasha, se trouvent les principales péripéties de la sortie d’Egypte : colonne de fumée, colonne de feu, premières pérégrinations dans le désert face à la mer rouge, passage de la mer rouge, cantique à la gloire de l’Éternel, les eaux amères, les douze tribus et les 70 sages, le pain du ciel, l’eau du Rocher et la bataille contre Amalek.
Une péripétie attire particulièrement l’attention. C’est le passage de la manne et plus précisément le verset 16 du chapitre 16 qui est l’énonciation par Moïse du rituel de la manne.
18 MOTS, TOUT L’ALPHABET
Ce qui est remarquable, c’est tout d’abord la structure de ce verset. En regardant de plus près, on trouve l’apparition des 22 lettres de l’alphabet. En effet, le verset est composé de 18 mots et une série de 70 lettres, il contient toutes les lettres de l’alphabet.
Lors de la lecture de la Genèse, ce n’est qu’au chapitre 2 verset 11 que toutes les lettres de l’alphabet auront été présentes au moins une fois. C’est dire le « concentré d’alphabet » qu’il y a dans ce verset 16 !
LA MÉTAPHORE DE LA LETTRE
Le glanage de la Manne, annoncé par Moïse, se fait selon une règle quantitative d’un omer (une unité de volume) par tête, donc suivant le nombre de personnes par maison. Le texte hébreu utilisele mot crâne pour désigner l’individu.
La guematria simple de l’expression un « omer par crâne » (« omer lagoulgolet ») totalise en hébreu, un compte de 806. Cette valeur écrit également l’expression « les signes » (« hahotot ») au pluriel ; notre propos est de montrer comment dans ce contexte de la manne, « l’omer par crâne » s’entend comme signes alphabétiques, les lettres.
Une précision méthodologique concernant la guematria est ici nécessaire. Rappelons que la guematria simple ou cumulative (en hébreu le « raguil ») est la somme de la valeur numérique de chaque lettre qui compose un mot, une expression, une phrase, voire davantage.
Nous appelons guematria pleine, la guematria qui prend en compte le développement du nom de la lettre : ainsi la lettre aïn ע a pour valeur numérique 70 mais le développement de la lettre, sa plénitude, s’écrit Aïn+Yod+Noun עין 130. C’est ce qu’on appelle la guématria pleine : en hébreu, le « milouï ». Ici, l’aspect visible de chaque lettre c’est-à-dire, sa figure, l’initiale, cache d’autres lettres invisibles qui constituent le déploiement de son nom (épellation). Petit rappel : chaque lettre est l’initial d’un nom, ex : le signe aleph est l’initiale du mot taureau (aleph).
Revenons à notre verset 16.
Au vu de la remarque qui précède, on peut considérer que chacun des 18 mots du verset est constitué de son initiale et des lettres qui constituent le mot. Par exemple : « ich », un homme, a pour initiale aleph et comme déploiement yod et shin. Au travers de cet exemple, on est invité à penser que l’homme c’est la présence d’un commencement « yod + shin = yesh », « yesh » + aleph, il y a un initial, un début, un commencement.
Le verset est donc constitué de 18 initiales et d’autre part des lettres qui constituent le déploiement de chaque initiale.
Faisons la somme de ces 18 lettres initiales (de ces 18 mots) : la valeur cumulée totalise un compte de 838. Et 838 peut s’écrire 806 + 32.
Remarquons que 32 écrit le mot « bal », c’est-à-dire la première lettre de la Torah -le Beth ב de Berechit qui vaut 2-, et la dernière lettre de la Torah, le lamed ל (qui vaut 30) de Israël. /Berechit-Israël/ sont les 2 bornes du texte de la Torah.
Sachant que d’une part 806 renvoie aux signes, « hahotot », et d’autre part, 32 renvoie aux lettres- bornes de la Torah, c’est une façon de dire que 838 renvoie à l’ensemble des lettres de la Torah.
Parmi les 70 lettres du verset, qu’en est-il des 52 lettres restantes ? Bien sûr c’est la question qui vous démange !
La guematria de l’ensemble du verset est 5106. Par conséquent, la guematria de ces 52 lettres résulte de la différence entre 5.106 et 838 (valeur cumulative des 18 initiales), soit 4268.
Il faut ici faire une deuxième remarque.
Tout d’abord, la guematria simple de l’ensemble des 22 lettres de l’alphabet (le raguil) est égal à 1495.
La guématria pleine de l’ensemble des 22 noms des 22 lettres de l’alphabet (ou milouï : ex : aleph c’est aleph+lamed+phe ; bet c’est bet + youd + tav etc.), c’est-à-dire chaque initiale et son développement est lui égal à 4248.
LE MILOUÏ, RÉSERVE DE SENS
Nous avons vu à l’instant que 4268 correspond au milouï des initiales du verset 16. Le nombre 4268, milouï de ces initiales est comme l’alphabet et son milouÏ.
Et 4 268 peut s’écrire 20 + 4248. Pourquoi 20 ? 20 correspond à la lettre caf כ qui signifie en français « comme » ou « ainsi ». On peut donc interpréter cette valeur de 4268 ainsi : comme le milouï de l’alphabet, alphabet qui est, comme nous l’avons dit, présent dans son intégralité dans ce verset.
Ce verset renferme l’alphabet et son milouï. Le milouï de ce verset (4268) correspond à la somme de l’alphabet et son milouï.
Ce verset unique met en relation le texte de la Torah avec l’alphabet. Ce qui invite à imaginer que la Torah serait aussi un milouï de l’alphabet.
Si on a bien compté et bien suivi, on peut alors comprendre maintenant, plus clairement, l’ossature remarquable de ce verset. Il met en exergue d’une part la matérialité alphabétique de la Torah, dans toute sa dimension, et d’autre part le potentiel de sens, à travers les noms des lettres et leurs déclinaisons qui composent la Torah.
Autrement dit, le glanage de la manne, c’est-à-dire le glanage des lettres sur le sol donne à voir de nouveaux sens.
LA QUESTION DE LA MANNE
Une question essentielle demeure : pourquoi la manne est-elle porteuse de ce potentiel herméneutique?
C’est que l’apparition de la manne pose la question de la question. En effet, quand les Hébreux la découvrent au matin, ils posent la question : « qu’est-ce que c’est ?» et la réponse est « c’est du qu’est-ce que c’est ». Cette expression « c’est du qu’est-ce que c’est » se dit en hébreu /ze man/ et le mot « zman » signifie en hébreu « temps ». « Jeux de langue, jeux de mots »
Il ne s’agit pas ici de l’éternité du temps mais de la succession des instants de vie, du mouvement de la vie.
DANSE DU LANGAGE
La manne est comparée à de la rosée.
La guematria du mot rosée « tal » est 39, elle est aussi la guematria du mot « kouzou ». Ce mot « kouzou » est écrit sur le parchemin de chaque mezouzah. Il correspond au nom du Dieu Tétragramme en mouvement. Ce mouvement correspond au glissement de chaque lettre du Nom divin vers la lettre suivante dans l’ordre de l’alphabet ; le Yod devient caf, le Hé devient vav, le Vav devient zaïn et le Hé devient vav. C’est le langage en mouvement, rien n’est fixe et chaque signifiant renvoie à un autre signifiant. Ainsi se construit l’interprétation à chaque fois nouvelle elle aussi.
Développement et glissement sont deux modalités de l’action de la manne sur le monde. Développer la Manne, c’est considérer le nom de la lettre memמ et de la lettre nounנ, c’est-à-dire מם+נון soit un cumul de 186. Ce nombre 186 renvoie au maquom, lieu de la présence divine.
Le glissement ou kouzou de la manne le memמ devenant nounנ et le nounנ devenant samekh ס écrit le mot נס /nes/ le miracle.
Miracle du pain des cieux !
2022
Parasha Bo : Un monde de liberté
Par Haim Cipriani
La première mitsva/responsabilité que les enfants d’Israël reçoivent, juste avant la sortie d’Egypte, est celle de célébrer la nouvelle lune, la lune de Nissan : «Ce mois sera pour vous le premier des mois.» [Ex. 12:2].
Qu’y a-t-il dans cette mitsva qui incarne le message de la libération imminente ?
Nous ne pouvons pas violer les lois de la nature…..
Si le mois de Nissan ouvre la saison du printemps, l’année agricole naturelle commence à Tichri, le mois qui marque le début de l’automne et le début du labour et de la plantation. C’est pour cette raison que Roch Hachana a lieu à Tichri et que la Torah fait constamment référence à Tichri comme au point de départ et de conclusion du cycle annuel.
Vivre une vie définie par le calendrier agricole signifie vivre une vie dictée par les lois de la nature. Il s’agirait là d’une existence cyclique, où les gens naissent, se reproduisent et meurent, comme le dit si bien Qohélet/l’Ecclésiaste: «Une génération s’en va, et une autre génération vient ; mais la terre demeure éternellement.» [Eccl. 1:4] Un tel monde serait immuable et statique, et ce genre de vie ne servirait aucun but supérieur.
Déclarer que le mois de la libération d’Egypte sera le premier mois, c’est affirmer que nous ne vivons pas dans un monde gouverné uniquement par la nature. L’exode va engendrer non seulement une réorganisation du temps, mais surtout une nouvelle orientation de notre vision du monde et de notre conception de l’existence. Il y bien un monde naturel avec des cycles saisonniers dont il va falloir prendre conscience, mais il y a aussi un monde de l’histoire, dans lequel des changements radicaux peuvent se produire, et ces changements peuvent parfois aller au-delà des lois de la nature où le fort a toujours le dessus sur le faible. Dans ce monde de l’histoire, un peuple asservi pourra être libéré, puis conduit à la responsabilité du Sinaï, et à la construction d’une société plus juste. Vivre dans un tel monde, c’est vivre une vie d’espérance messianique, une vie de recherche et de sens.
… mais nous n’avons pas non plus à vivre sous leur tyrannie
Mais cette première mitsva va encore plus loin: selon les Sages, elle exige non seulement que Nissan soit identifié comme le premier des mois, mais que nous soyons partenaires dans le processus. Dans le traité de Roch haChana, le Talmud demande au peuple d’Israël d’établir, sur la base de l’observation de la nouvelle lune, quand le mois commence . «Ce mois sera pour vous», dit le verset. La nouvelle lune devra donc être vue, reconnue sur la base d’une série de critères, puis proclamée officiellement afin de ne pas être simplement la nouvelle lune, mais notre nouvelle lune.
Cette mitsva présente donc un monde dans lequel Israël, porteur d’un message de liberté et autodétermination, sera maître de son propre destin.
L’idée est donc que nous ne pouvons pas violer les lois de la nature, mais nous n’avons pas non plus à vivre sous leur tyrannie. Nous pouvons choisir comment nous rapporter aux réalités ainsi dites «naturelles», et déterminer si vraiment ce jour sera le premier du nouveau mois. Par ce choix, nous rejetons le déterminisme et nous pouvons enfin quitter un monde où les autres définissent notre existence, pour entrer dans un monde dans lequel nous sommes maîtres de notre temps, un monde dans lequel nous avons la possibilité et la responsabilité de décider ce que nous ferons et de déterminer l’orientation de nos vies. Un monde de liberté.
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