2021
Mikets : vaches, altérité et fraternité
Mikets nous présente Joseph, une fois de plus emprisonné. Au terme de deux années d’impuissance, il parvient soudainement, par le biais de l’interprétation des rêves de Pharaon, au sommet du pouvoir. On le voit ainsi organiser ce que l’on appellerait aujourd’hui la résilience collective de l’Egypte, face à une crise alimentaire qui menace. Et on le voit, devenu le deuxième personnage de l’Etat, traiter ses frères (qui ne l’ont pas encore reconnu) avec une apparente dureté.
Mikets : Joseph et l’Egypte
On pourrait s’interroger quant à la compétence des prêtres égyptiens (car ce sont bien des prêtres : le magicien ou le sorcier n’est jamais que le prêtre de l’Autre, de même que la superstition n’est jamais que la spiritualité de l’Autre). Car l’interprétation que donne Joseph n’a rien de particulièrement surprenante. Certes, on trouve toujours facile une énigme dont on connaît déjà la solution mais ces hommes sont supposés être des professionnels en la matière. Sans doute y a-t-il dans leur échec à interpréter le signe de quelques points de blocage.
Premier de ces points de blocage : le texte nous dit « Mais nul ne put lui en expliquer le sens ». Peut-être les prêtres égyptiens ont-ils compris le sens du rêve mais ont-ils été incapables de l’expliquer à Pharaon. Crainte de mettre en colère le monarque ? Incapacité dudit monarque à comprendre les choses ?
Deuxième point de blocage, et non des moindres : le fleuve, et, au-delà du fleuve, l’Egypte. Présent dans les deux songes de Pharaon, le fleuve ne peut être que le Nil. Or, pour un esprit égyptien, que le Nil, immuable et éternel, puisse un jour cesser de se montrer généreux envers ses enfants, voilà une notion inconcevable. Axe du monde, nourricier du Pays Noirs, le Nil est le cœur et le père de l’Egypte. Or c’est bien du Nil que viennent à la fois les vaches grasses et les vaches maigres, les épis lourds et les épis chétifs. La vision du monde de l’Egypte est une vision statique : l’univers est immuable. Même la notion de vie après la mort n’est qu’une éternelle répétition ; après son trépas, l’Egyptien continuera, dans l’outre-monde, à mener la même existence : le serviteur sera toujours un serviteur, le roi sera toujours un roi. Rien ne change jamais. Le fleuve a certes ses caprices et toutes les années ne se ressemblent pas mais imaginer qu’il puisse trahir l’Egypte sept années durant, c’est inconcevable. Et sept années de disette seraient suffisantes pour menacer l’existence-même de la nation et de l’Etat. La menace existentielle est donc réelle. Mais incompréhensible pour qui considère que la solidité de l’Etat égyptien fait partie de l’ordre du monde.
Il n’était sans doute pas concevable, pour les prêtres égyptiens, d’envisager que les songes puissent annoncer une menace à même de faire chanceler la plus puissante nation du monde connu. Ce que Joseph amène, c’est l’idée que rien n’est éternel ; que l’avenir se prépare et que le réel est fragile.
Les situations les plus sûres en apparence ne sont pas nécessairement les plus durables. L’histoire du peuple juif et sa confrontation avec les quatre empires en est la manifestation la plus évidente : la puissance matérielle d’un jour peut être balayée le lendemain et, surtout, ne prédit en rien la résilience de la nation face aux changements du monde.
Joseph et les rêves
Tout le bonheur des hommes est dans leur imagination.
Donatien Aldonse François de Sade
La vie de Joseph est bercée par les rêves. Les siens comme ceux des autres. Elle est aussi vécue au rythme des emprisonnements et des libérations.
Au-delà des rêves, on peut dire que Joseph vit en prise directe avec l’imaginaire. Car au-delà des songes, il est également influencé par les fantasmes et les désirs (comme celui de la femme de Putiphar), les espoirs, les ambitions, etc. Toutes choses qui, dans la physique antique, sont regroupées sous le terme général de simulacres : les choses constituées non de matière, mais de pensée, d’apparence et de perception. Joseph est celui qui se confronte aux simulacres. Il en est d’abord victime, avant d’en devenir, au fil de sa vie, le maître. Dans la première partie de sa vie, les simulacres ne lui apportent que le malheur : ses rêves lui valent l’animosité de ses frères ; les fantasmes de la femme de Putiphar lui valent la prison. Dans les deux cas, il est emprisonné (la citerne d’abord, la geôle égyptienne ensuite) à cause d’imaginaires et de l’interprétation qu’on leur donne : dans un cas, on l’accuse de vouloir réaliser ces simulacres, dans le second, on lui reproche de ne pas l’avoir fait. Dans tous les cas, il est prisonnier de l’image que les autres se font de lui et de ce qu’il devrait être, dire ou faire, et il est victime de sa propre asynchronie avec cette image.
Dans la deuxième partie de sa vie, Joseph fait montre non seulement de son talent d’oniromancien, mais également d’une grande habileté à manier les apparences, notamment dans le rapport avec ses frères. Là encore, il s’agit de simulacres. Joseph a compris la puissance des représentations, des symboles et des apparences, et a réussi à s’en faire l’interprète et le maître. Et il devient véritablement un prophète, en cela qu’il transforme les simulacres, qui ne sont que des potentiels ou des réalités en devenir, en faits et en réalités. Ici, l’imaginaire influence encore le réel, mais cette fois pour le bien : la prévoyance (et donc l’imagination du malheur) permet d’éviter la famine, la comédie de Joseph permet d’amener sa famille auprès de lui.
Mikets nous dit donc que, quoi qu’il arrive, l’imaginaire dicte toujours les actes de l’Homme. Mais que nous pouvons choisir. Décider s’il doit être un maître tyrannique nous entraînant vers le mal ou un serviteur efficace sur lequel nous pouvons nous appuyer pour réaliser de grandes choses.
Joseph et l’Autre
Le rapport de Joseph à l’Egypte est des plus révélateurs et préfigure à lui seul nombre de futures relations entre le peuple juif en Diaspora et les nations au sein desquelles il résidera.
Joseph, on l’a vu, a réussi à interpréter le rêve de Pharaon en partie parce qu’il se place d’un point de vue qui est légèrement différent de celui des Egyptiens. A ce titre, il préfigure le Juif en tant qu’étranger proche dans les sociétés occidentales et musulmanes : celui qui est assez intégré à la nation pour la comprendre et en connaître usages et imaginaire mais qui, en même temps, est juste assez éloigné, juste assez en marge, pour être capable d’émettre des idées originales, de penser out of the box.
Mais il est également une figure de l’intégration réussie : Joseph réussit à être à la fois parfaitement hébreux et parfaitement égyptien, sans que les deux identités entrent en contradiction. Les devoirs qu’il supporte et les charges qu’il exerce en tant que vizir ne sont pas en concurrence avec ses impératifs à l’égard de sa famille.
Un détail de l’histoire est à ce titre révélateur : Asnath, l’épouse de Joseph (et mère d’Ephraïm et de Manassé). Le Pirke de Rabbi Eliezer affirme que l’épouse de Joseph n’est autre que la fille de sa sœur Dinah (celle qui avait été violée par Sichem) mais il s’agit selon toute vraisemblance d’une tradition tardive, exprimant surtout l’embarras des commentateurs face au fait que Joseph épouse une païenne. Car la Torah, elle, nous affirme qu’Asnath (dont le nom est bien égyptien ; il s’agit même d’un théonyme, évoquant la déesse Neith) est bien la fille de Putiphar. Joseph rompt donc avec la tradition incestueuse de ses pères et épouse une étrangère, qui plus est païenne. Et de cette union ne nait pas une, mais deux des tribus d’Israël. Deux fois plus, donc, que pour chacun de ses frères qui, eux, sont restés dans la tradition.
Ce que nous dit cette histoire, c’est que l’identité juive n’a rien à craindre à se mêler à celle d’autres nations : elle ne s’y perd pas ; au contraire, elle s’y enrichit, tout comme elle enrichit sa culture d’accueil, et ces unions sont fécondes. La parasha comprend d’ailleurs un autre élément qui peut encourager à la lire en ce sens. Il ne faut pas oublier, en effet, que si c’est Joseph qui interprète les rêves de Pharaon, c’est bien Pharaon qui rêve. Pharaon, par conséquent, qui reçoit le message divin. Il y a donc rappel de l’aspect fondamentalement universel de la conception juive du monde : s’il revient à Israël de porter le message divin et de se faire son interprète, ce message s’adresse bien à tout le genre humain. D.ieu parle à tous, et à chacun en sa langue et dans son propre système symbolique. Et nous sommes tous encouragés, comme Joseph, à chercher y compris dans les systèmes qui nous sont étrangers des traces et des messages de l’Unique.
Mikets : une leçon de fraternité
Un dernier point qui a également son importance : la famine révèle, in fine, le sens de l’un des rêves d’adolescence de Joseph. Car le songe des gerbes de blé n’est pas l’annonce d’une domination future mais celle d’une fraternité. La possibilité, pour Joseph, dont la gerbe est droite et puissante, de venir en aide à ses frères courbés par la famine. Eux avaient pris pour de l’autorité ce qui était en réalité de la Tzedaka. C’est qu’il est, bien souvent, plus facile et confortable de faire preuve de charité que de la recevoir. Et qui la reçoit peut en venir à haïr qui la donne, justement parce qu’il le renvoie à son propre état. Là encore, Mikets ne se trompe pas quant à la nature humaine.
Illustrations : Adrian Dascal – Unsplash / Javardh – Unsplash
2021
Vayéchev : La sagesse du mouvement
Par Bonnie Buckner, membre de Kehilat Kedem
« Et Jacob s’installa dans le pays où son père avait séjourné, dans le pays de Canaan. »
Notre parasha commence par ce qui ressemble à une fin. Après toutes les épreuves au pays de la tromperie, le long service rendu à Laban à Paddan-Aram pour l’acquisition de ses femmes, et après toutes les épreuves du voyage de retour – la rencontre effrayante avec son frère, la débâcle avec Dinah à Shechem, la perte de Rachel et la naissance douce-amère de Benjamin, et la mort de son père Isaac – Jacob s’installe enfin. Le sentiment de soulagement après les défis déchirants de la parasha précédente est palpable. Nous, le lecteur, soufflons avec lui.
Cela ressemble à une fin, mais cela devrait être un début. Dans le style classique de la Torah, la parasha précédente se termine par la généalogie de la lignée d’Ésaü après la mort d’Isaac. Ce qui devrait venir ensuite, c’est l’irruption sur la scène d’une nouvelle lignée – pas simplement un récit d’enfants, mais une nouvelle ligne de pensée, d’être, d’agir de Jacob, l’autre fils. Parce que la généalogie dans la Torah n’est pas simplement un document historique, elle est un présage. D’un maillon de la chaîne de l’histoire à l’autre, par la généalogie, la Torah trie et discerne entre énergies et impulsions, faux départs et vrais chemins, désherbe, sème et cultive le jardin de l’humanité.
Que veut dire s’installer ?
Le premier exemple se trouve dans Bereshit, qui clôt les événements décevants de l’expulsion du jardin, et celui des frères meurtriers Caïn et Abel, en concluant d’abord l’histoire de Caïn avec sa brève généalogie qui est ensuite rapidement suivie d’un récit de la lignée d’Adam, à travers Sheth, qui nous amène à Noach, la graine d’un nouveau commencement de l’humanité. Dans la parasha Noach, la « fin » de cette histoire est la généalogie de Shem qui nous mène à Avram (Abraham), la semence et le début du peuple juif. La parasha Haye Sarah se termine par la généalogie de Ismaël, fermant cette lignée, de sorte que la parasha suivante, Toledot, commence par une nouvelle généalogie, celle d’Isaac, à travers Abraham, qui est le début de la lignée.
Pas Caïn et Abel, mais Sheth, créé à « l’image » d’Adam (Genèse 5,3). Non pas l’humanité qui a mal tourné, mais Noach, la relève, celui qui a marché avec Dieu. Pas Yishmael, qui s’est rebellé contre la voie d’Abraham, mais Isaac qui s’est sacrifié pour elle. Pas Esaü, qui a ignoré les enseignements, mais Jacob qui est venu des tentes de l’apprentissage (Genèse 25,27).
Et maintenant, avec la mort d’Isaac dans la parasha de la semaine dernière Vayishlach et la généalogie finale d’Ésaü, nous devrions arriver au début de la lignée suivante : Jacob. Jacob, le troisième patriarche, qui a travaillé si dur contre vents et marées avec Laban pour générer (et qu’est-ce que la généalogie sinon la génération), et qui est sur le point de récolter les fruits de son travail. Et pourtant, Jacob s’installe.
Qu’est-ce que ça veut dire quand on s’installe ? Le Sanhédrin (106a) nous dit que le terme vayeishev, « installé », “préfigure toujours le deuil/le chagrin”. Partout où l’on trouve l’établissement et la tranquillité, Satan accuse. Le commentaire de Rachi rappelle le midrash qui dit, lorsque les justes attendent avec impatience la tranquillité du Saint-Béni soit-Il : « Les justes ne sont-ils pas satisfaits de ce qui leur est réservé dans le monde à venir et s’attendent à vivre à l’aise dans ce monde, également !’
Quelque chose ne va pas dans l’installation de Jacob. La phrase est encore plus curieuse : on nous dit que Jacob s’installe alors que son père avait séjourné. S’installer, c’est s’arrêter; séjourner, c’est se déplacer. S’arrêter apporte du chagrin, un potentiel de mal, voire une riposte de Dieu. Le séjour, le mouvement, cependant, est inscrit dans le plan de notre peuple. Notre premier patriarche, Abraham, a reçu l’ordre de quitter tout ce qui lui était familier – sa patrie, son lieu de naissance et la maison de son père. Sa vie est une vie de voyage, vers le pays et à travers le pays, jusqu’en Égypte et retour. Isaac, lui aussi, doit partir à Gerar pendant la famine ; Dieu lui dit « séjourne dans ce pays et je serai avec toi (Gen 26,3) ». La valeur du mouvement est implicite.
Mais quelle valeur ? Le mouvement est semé d’embûches. Abraham risque sa vie pour faire la guerre aux rois dans le nouveau pays et manque de perdre Sarah aux mains de Pharaon et Avimelek en Égypte et à Gerar. Isaac s’affronte à Avimélek au sujet de Rebecca puis des puits. C’est peut-être cet aspect même qui rend le mouvement si important. C’est à travers ces mouvements que les Patriarches rencontrent des épreuves. Les épreuves nous poussent à nous développer, éliminant le doute et l’arrogance, l’hésitation et la surenchère. Comme la pierre à aiguiser, les mouvements dans le monde extérieur, et toutes les rencontres qu’ils engendrent, évoquent des mouvements dans notre « moi » intérieur, aiguisant et affinant notre caractère.
Joseph, un rêveur qui bouge
Jacob, dont le voyage depuis son lieu de naissance, la maison parentale, les bras de sa mère et la portée du père est appelé par les sages un « deuxième Lekh-Lekha », s’est déplacé. Mais il s’est ensuite installé/fixé. Contrairement à son père et son grand-père, il s’est arrêté avant d’aller jusqu’au bout, s’installant avant de générer le fruit de ces voyages laborieux. Aller jusqu’au bout est essentiel. Abraham est littéralement celui qui franchit les frontières. Son fruit, Isaac, se pose sur le bois de l’autel, prêt à aller jusqu’au bout en sacrifice. Aller jusqu’au bout génère quelque chose de nouveau. S’arrêter avant d’y arriver est un voyage incomplet. Rien de nouveau ne se crée, rien ne continue. Peut-être même que quelque chose meurt (le deuil mentionné dans la parasha).
« Ce sont les descendants de Jacob: Joseph (Genèse 37,2). » Dans une brève déclaration qui laisse perplexe, juste après celle de l’installation de Jacob, il nous est dit que Jacob a des descendants. Mais un seul est mentionné : Joseph. Joseph, le fils préféré, le fils que Jacob aime, le fils de sa vieillesse (Genèse 37,3). Nous entendons dans cette description, l’écho de la manière dont Dieu a décrit Isaac à Abraham quand il lui a ordonné de l’emmener au mont Moriah pour le sacrifier. Nos oreilles se tournent vers le rôle de Joseph: Joseph doit être sacrifié, abandonné, renvoyé (Genèse 37,13). Grâce à Joseph, Jacob sera arraché à son confort établi. Comme dans un film d’ombres chinoises, nous voyons, sur fond de ressentiment grandissant de la part des frères, Jacob appeler Yossef et lui dire : «Vas-y ! Je t’enverrai vers eux (Genèse 37,13) ». Dans un pathos poétique et dramatique, nous lisons le cri de Jacob lorsqu’il apporta le manteau ruisselant de sang : « Une bête sauvage l’a mangé ! Joseph a été déchiré ! Déchiré! Et Jacob déchira ses vêtements (Genèse 37,33- 34) ». Déchiré, déchiré, déchiré. Arraché à son étreinte par les dents tranchantes d’un animal sauvage (1).
Qui est Joseph sinon un rêveur ? Et un rêve, qu’est-ce que c’est sinon les imaginations à l’état brut de la plus grande passion de notre cœur, ce que nous osons réaliser, au-delà des limites que nous nous fixons ?
« La famille de Jacob sera un feu et la famille de Joseph sera une flamme. (Ovadiah 1,18). » Les braises, qui brulent lentement et qui ont coutume de s’installer et de mourir en Jacob, comme du charbon, lorsqu’elles sont agitées par le rêveur, s’allument à nouveau dans une flamme et bondissent dans le monde. Prêt à partir, même quand cela signifie affronter la sauvagerie – à la fois les terreurs extérieures et les énergies sauvages des possibles qui nous arrachent à la complaisance.
Jacob s’installe, mais Joseph s’en va. Le rêveur avance, s’élançant dans le monde pour nous amener, nous qui sommes en retard, pour nous mettre en face de nos destinées, même si nous sommes réticents à les affronter. Par Joseph, Jacob ira enfin en Egypte, où la graine d’un destin national germera, celle d’une lignée familiale, tribale. Et où, parce que tout est cyclique, nous nous retrouverons à nouveau bloqués, attendant qu’une autre semence, Moïse, nous libère.
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Avivah Gottlieb Zornberg met l’accent sur le terme « déchiré » dans l’histoire de Joseph dans son commentaire sur la Genèse. Genesis: The Beginning of Desire (1995). Jewish Publication Society.
English version
“And Jacob settled in the land where his father had sojourned, in the land of Canaan.”
Our parasha begins with what sounds like an ending. After all the travails in the land of deceit, the long service to Laban in Paddan-Aram for the acquisition of his wives, and after all the travails of the journey home – the fearful meeting with his brother, the debacle with Dinah at Shechem, the loss of Rachel and the bittersweet birth of Benyamin, and the death of his father Isaac – Jacob finally settles. The sense of relief after the heart-wrenching challenges of the previous parasha is palpable. We, the reader, exhale with him.
It sounds like an ending, but it should be a beginning. In classic Torah style the previous parasha ends with the genealogy of the line of Esau following the death of Isaac. What should come next is the bursting onto the scene of a new line – not simply a recounting of children, but a new line of thinking, being, acting, vis-à-vis Jacob, the other son. Because genealogy in the Torah is not simply historic record, it is portend. From one link in the chain of history to another, through genealogy the Torah sorts and discerns between energies and impulses, false starts and true paths, weeding and sowing and cultivating the garden of humanity.
The first example we find in Beresheit, which closes the disappointing events of the expulsion from the garden, and that of the murderous brothers Cayin and Hevel, by first concluding the story of Cayin with his brief genealogy which is then quickly followed with a recounting the line of Adam, through Sheth, that takes us to Noach, the seed for a new beginning of humanity. In parasha Noach, the ‘end’ of that story is the genealogy of Shem bringing us to Avram (Abraham), seed and beginning of the Jewish people. Parasha Chaye Sarah ends with the genealogy of Yishmael, closing that line, so that the next parasha, Toledot, begins with a new genealogy, of Isaac, through Abraham, which is the beginning of lineage.
To settle is to stop, to sojourn is to move
Not Cayin and Hevel, but Sheth, made in the ‘image’ of Adam (Gen. 5:3). Not humanity gone awry, but Noach, the relief, the one who walked with God. Not Yishmael, who rebelled against Abraham’s way, but Isaac who sacrificed himself to it. Not Esau, who disregarded the teachings, but Jacob who came from the tents of learning (Gen. 25:27).
And now, with the death of Isaac in last week’s parasha, Vayishlach, and the concluding genealogy of Esau, we should come to the beginning of the next line: Jacob. Jacob, the third patriarch, who worked so hard against so many odds with Laban to generate (and what is genealogy but generation), and who is at the very point of fruiting from such work. And yet, Jacob settles.
What does it mean when one settles? The Sanhedrin (106a) tells us that the term vayeishev, settled, ‘always foreshadows grief’ – wherever one finds settling and tranquility the Satan accuses. Rashi’s commentary includes the midrash that when the righteous look forward to tranquility the Holy One, Blessed be He says ‘Are the righteous not satisfied with what is stored up for them in the World to come that they expect to live at ease in this world, too!’
Something is amiss in Jacob’s settling. The sentence is even more curious: we are told that Jacob settles while his father had sojourned. To settle is to stop; to sojourn is to move. Stopping brings grief, the potential for evil, even a retort from God. Sojourning, movement, however, is written into the blueprint of our people. Our first patriarch, Abraham, is told to leave everything familiar – out of homeland, birthplace, and house of the father. His is a life of journeying, to the land and through the land, down to Egypt and back. Isaac, too, has to leave to Gerar during famine; God tells him “sojourn in this land and I will be with you (Gen. 26:3)”. Value is implied in movement.
But what value? Movement is fraught with danger. Abraham risks life to war with the Kings in the new land, and nearly loses Sarah to both Pharaoh and Avimelech in Egypt and Gerar. Isaac skirmishes with Avimelech over Rebecca and then the wells. Perhaps it is this very aspect that makes movement so important. It is through these movements that the Patriarchs encounter trials. Trials cause us to develop, chiseling away doubt and arrogance, hesitancy and over-reaching. Like stone sharpening stone, movements in the outside world, and all the encounters they engender, evoke movements in our inner self, sharpening and honing our character.
Jacob settles, but Joseph goes
Jacob, whose journey from his birthplace, parental home, mother’s arms and father’s reach is called by the sages a “second Lekh-Lekha”, did move. But then he settled. Unlike his father and grandfather, he stopped before going all the way, settling before generating the fruit of these laborious journeys. Going all the way is critical. Abraham is the literal boundary crosser. His fruit, Isaac, sets himself on the wood of the altar, ready to go all the way as sacrifice. Going all the way generates something new. Stopping before you get there is an incomplete journey. Nothing new is created, nothing continues. Perhaps, even, something dies (the grief mentioned in the parasha).
“These are the descendants of Jacob: Yosef (Gen. 37:2).” In a brief, perplexing statement following just after the one of Jacob settling we hear that Jacob has descendants. But, only one is mentioned: Yosef. Yosef the favored son, the son Jacob loves, the son of his old age (Gen 37:3). We hear in this description echo of how God described Isaac to Abraham in his call to take him to Mount Moriah to sacrifice. Our ears tune to the role of Yosef: Yosef must be sacrificed, let go of, sent away (Gen. 37:13). Through Yosef Jacob will be torn from his settled comfort. Like a shadowed movie we see, against the backdrop of building resentment by the brothers, Jacob calling Yosef and telling him to “Go! I will send you to them (Gen. 37:13)”. In dramatic poetic pathos we read Jacob’s cry when brought the coat dripping in blood: “A wild beast has eaten him! Yosef has been torn! Torn! And Yaakov tore his garments (Gen. 37:33-34)”. Torn, torn, tear. Ripped from his grasp by the cutting teeth of a wild animal (1).
Who is Yosef, but a dreamer? And a dream, what is it if not the wild imaginings of our greatest heart passion, what we dare to achieve, beyond the limits we set for ourselves?
“The family of Jacob will be a fire and the family of Joseph will be a flame.. (Ovadiah 1:18).” The slow burning embers that have wont to settle and die down in Jacob, like coal, when stirred by the dreamer spark again into a flame and leap forward into the world. Ready to go, even when it means facing the savage – both the terrors without and the wild energies of possibility that rip us from complacency.
Jacob settles, but Joseph goes. The dreamer advances, flaming forth into the world to bring us who lag behind into our destinies, however reluctant we are to face them. Through Joseph, Jacob will finally go to Egypt, where the seed of a national destiny will sprout from that of a family, tribal lineage. And where, because everything is cyclical, we will again get stuck, waiting for another seed, Moses, to pull us free.
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Avivah Gottlieb Zornberg emphasizes the wording of ‘torn’ in the Joseph story in her commentary on Genesis. Genesis: The Beginning of Desire (1995). Jewish Publication Society.