2022
Berechit ou l’éloge du travail – par Valérie Stessin
La parasha Berechit ouvre la Torah par la création du monde. D.ieu ordonne la création du monde et des créatures qui le peuplent en six jours. Le sixième jour, il crée un couple d’êtres humains et parachève l’oeuvre par l’instauration du shabbat. L’être humain est installé en Eden, où il reçoit une seule consigne : ne pas toucher aux fruits de l’arbre de la science du bien et du mal. Après une discussion avec le Serpent, Isha y goûte cependant et partage le fruit avec son époux. Expulsée d’Eden, l’humanité fait l’expérience de la souffrance. Du couple originel naissent deux fils : Qayn le cultivateur et Hevel l’éleveur. Lors du premier rituel religieux exécuté par les deux frères, l’offrande de Qayn n’est pas agréée, tandis que celle d’Hevel l’est. D.ieu invite Qayn à s’améliorer, mais au lieu de cela il tue son cadet et cherche à dissimuler son crime. Il est condamné à l’errance et engendre une descendance, jusqu’à Lemekh. Le couple originel a d’autres enfants, dont Seth, dont la descendance peuple la terre, bien que chaque génération, un peu plus éloignée d’Eden que la précédente, se trouve également un peu plus dégénérée. D.ieu s’afflige de Sa création et se décide à la détruire. Seul Noé trouve grâce à Ses yeux.
Illustration : Gravure Flammarion
2021
Berechit : le Serpent a-t-il menti ?
La figure du serpent, présente dans Berechit, est à la fois familière et très mystérieuse. Un grand nombre de mythologies de la Méditerranée orientale et du Croissant fertile présentent une opposition entre le dieu céleste et bon et une incarnation du mal ou, à tout le moins, de l’opposition, sous la forme d’un serpent : Ra et Apophis, Enki et Enlil, Mardouk et Tiamat, Apollon et Python … l’Eternel et le Serpent. Pour autant, dans la Bible, si le reptile en question semble présenté sous un jour négatif, il n’en demeure pas moins une figure prométhéenne, en cela qu’il guide l’humanité vers le savoir et en paie lui-même le prix. On pense généralement qu’il trompe Eve et l’amène à la faute. Mais est-ce vraiment le cas ? A-t-elle réellement fauté ? Et le serpent a-t-il réellement trompé la mère de l’humanité ?
Les transformations d’Adam
Si le mythe de la création du premier couple humain a, bien souvent au cours de l’histoire, servi à justifier une place secondaire accordée aux femmes dans les sociétés humaines, ce passage, comme du reste toute la Bible, est avant tout ce que l’on décide d’en faire et peut être lu de bien des manières. Ainsi, par exemple, il est à noter que, contrairement à ce que l’on croit souvent, ce n’est pas Eve (Hawa), mais bien Isha qui croque le Fruit. A l’instar de nombreux personnages de la Torah, en effet, la mère de l’humanité change de nom après un événement marquant, pour indiquer qu’elle vient de vivre une initiation ou une conversion : tout comme Abram devient Abraham, Saraï devient Sarah ou Jacob devient Israël, Isha devient Hawa après l’épisode du Fruit.
Ce changement de nom n’a rien d’anodin : il indique, très clairement, que l’absorption du Fruit marque une transformation profonde de son être. Et ces transformations, chez les patriarches et les matriarches, sont toujours positives : elles indiquent un rapprochement avec la dimension spirituelle et verticale, jamais un abaissement. Mais remontons un peu plus haut et demandons-nous qui, au juste, est Isha.
Aux origines, D.ieu crée un être humain « à Son image » : Adam Ha Rishon (« l’Adam des Commencements »), lui-même reflet d’une vision céleste antérieure à la Genèse : l’Adam Kadmon (Homme Primordial), qui constitue en quelque sorte le schéma directeur de la Création. Cet Adam Ha Rishon, dont un midrash nous assure qu’il dispose de deux visages opposés, un peu à la manière de Janus, est ensuite coupé en deux quand D.ieu prélève un côté (et non une côte !) pour former Ish et Isha. Il faut donc voir cet épisode comme une séparation de l’androgyne originel, et surtout pas comme la création d’un être inférieur à partir d’un os surnuméraire. Isha est donc une moitié d’Adam Ha Rishon : la moitié de l’image divine, la moitié du plan céleste; et elle porte en elle le devenir de toute l’humanité.
Devenir semblable à D.ieu : la promesse du Serpent
Le Serpent promet (Genese 3 :4-5) qu’après l’ingestion du Fruit, Ish et Isha seront « semblables à l’Eternel », car connaissant le Bien et le Mal. Et il semble, d’après le texte, que cette promesse emporte la décision et encourage Isha à goûter au Fruit. On peut donc supposer qu’elle portait en elle un désir de se rapprocher de l’état divin. Et sans doute son erreur se trouve-t-elle précisément ici : dans le fait de rechercher une solution extérieure à son désir de similitude avec l’Eternel. Car pour se rapprocher réellement de l’état divin, elle dispose d’un moyen, et ça n’est pas la transgression de l’interdit du Fruit. Pour devenir semblables à D.ieu, il suffit aux humains de se rapprocher l’un de l’autre : l’image divine, ça n’est ni le mâle, ni la femelle de l’espèce, mais bien cet androgyne formé par le couple mêlé dans l’étreinte. Ce qui, en ce monde de matière, ressemble le plus à D.ieu, ce n’est pas la soif de connaissance, mais bien l’amour conjugal.

Si faute d’Isha il y a, elle se trouve ici : dans le fait d’avoir cru que l’on peut se rapprocher seul du divin, que l’on peut avoir une connaissance intime de la Transcendance sans s’embarrasser des autres, ni de l’Autre. Et que l’on peut acquérir cette proximité avec le Sacré uniquement par le savoir, sans se soucier d’empathie ni d’amour. Et pourtant, les humains, après avoir goûté au Fruit, vont bel et bien se rapprocher de l’état divin…
Une étrange punition
On cherchera en vain, dans les propos de l’Eternel au moment où Il apprend que les humains ont goûté au Fruit, la moindre trace de colère : si la plupart des lecteurs partent du principe que ce qu’Il prédit comme destin à l’Homme et à la Femme est une punition, en réalité, rien dans le texte biblique ne l’indique. Et on peut ne lire tout cela que comme une simple énumération des conséquences des actes d’Ish et d’Isha : la mortalité, la douleur, la souffrance, tout cela découle de leurs propres actes. S’agit-il d’une punition divine ? Pas nécessairement. Seulement de ce qui arrive quand on choisit la connaissance, au détriment de l’obéissance. On acquiert le savoir, et avec lui une forme de pouvoir, et donc de responsabilité. Tant qu’on ignore la différence entre le bien et le mal, tant qu’on demeure dénué de toute forme de moralité, on n’est responsable de rien. Mais dès que l’on prend conscience du bien et du mal (c’est-à-dire du fait que les actes ont des conséquences), tout change.
L’humanité avait le choix : elle pouvait opter pour une bienheureuse ignorance, une éternelle enfance, une sorte de béatitude semi-animale. Mais elle a préféré choisir la connaissance, la compréhension de l’éthique et de la morale, et ce qui en découle logiquement : la responsabilité et les souffrances.
Et à travers ces souffrances, à travers ces douleurs, aussi paradoxal que cela puisse sembler, l’humanité se rapproche du Divin. Car dès l’exil à l’est d’Eden, les humains héritent du monde, et en cela ils sont bel et bien semblables à D.ieu. Ils L’ont même, en quelque sorte, chassé du monde, car désormais ce sont eux, et non plus Lui, qui sont responsables de la Création. Commence alors la longue et lente marche vers la réparation du Cosmos, ce Tikkun Olam qui est la charge et le fardeau du genre humain et qui consiste non pas à réparer un péché originel qui n’a pas nécessairement eu lieu, mais bien à rendre vivable une Création imparfaite.
Et le Serpent, alors ?
On peut donc s’interroger sur cette figure du Serpent. Est-il réellement un vil tentateur ? N’est-il pas plutôt une figure émancipatrice ? Ne devrait-on pas le considérer comme une figure certes mystérieuse, mais au fond pas si négative que cela ? Car après tout, il pousse Isha à préférer la compréhension à l’obéissance. Et ceci est, au fond, un acte authentiquement philosophique, et surtout profondément humain. A ce titre, il parachève l’œuvre créatrice en poussant les humains à acquérir une morale et un libre arbitre véritable; peut-être, dès lors, doit-il être vu comme une figure démiurgique, sans doute plus maladroite ou pragmatique que réellement maléfique.
Photos :
Jan Kopřiva – Unsplash
Dainis Graveris – Unsplash
2021
La haftarah de Bereshit
Par Georges-Elia Sarfati
Les Sages ont choisi un passage d’Isaïe (42,5-43,10) en guise d’ouverture prophétique de la section inaugurale de la Torah. La critique historique distingue dans ces versets un propos du Deutéro-Isaïe, qui aurait prophétisé entre -586 et -538, à l’époque de l’exil de Babylone, peut-être même au sortir de cet exil. La formule du messager fait directement lien avec le récit de la création (Ber.1), en même temps qu’elle en suppose les étapes ultérieures (Ber. 1, 20-25) :
« (42, 5) –Ainsi parle le Tout-Puissant, l’Eternel qui a créé les cieux et les a déployés, qui a étalé la terre avec ses productions, qui donne la vie aux hommes qui l’habitent et le souffle à ceux qui la foulent (…) »
La création du monde matériel et celle des espèces vivantes marque la première manifestation de la révélation de l’Eternel. Ses phases sont ici inversées : le propos d’Isaïe donne la préséance aux hommes – tandis que, dans le Sefer Bereshit, ils viennent après les autres vivants (Ber.1, 26-27 ; Ber.2, 5-7) – comme pour suggérer qu’une fois sorti du règne naturel, l’humanité devient responsable des autres créatures, puisque le fait d’habiter en ayant sous son regard ‘’ceux qui foulent la terre’’, signifie peut-être une forme de non-indifférence.
Dépositaire privilégié de la Révélation, le prophète prend également soin de rappeler qu’aux lois physiques de la création de la nature, l’Eternel a ajouté, à l’intention de l’humanité, la divulgation d’une instruction – la Torah – destinée à orienter la conduite humaine dans l’univers créé :
« (42, 21)- L’Eternel s’est complu, pour le triomphe de sa justice, à rendre sa doctrine grande et glorieuse. »
Cette précision revêt ici toute son importance. Elle nous enseigne à discerner qu’à la création d’un univers doté de lois naturelles coïncide celle d’une intelligence (nechama) accessible à la compréhension de lois spirituelles.
La proclamation d’Isaïe offre la version la plus épurée de la théologie hébraïque, celle de l’unicité et de la singularité inaliénable du Créateur. Cette conception fait valoir l’une des innombrables réfutations de l’idolâtrie si caractéristiques de la Bible :
« (42, 8) – Je suis l’Eternel, c’est mon nom ! Je ne prête ma majesté à aucun autre, ni ma gloire à des idoles sculptées. »
Nous comprenons chemin faisant que Son action en appelle à la puissance du don gratuit (la création procède d’une décision libre et volontaire qui s’exprime comme surgissement de la vie), et simultanément à une force spécifique de limitation de toute-puissance qui ne serait pas celle de l’Eternel (la justice). A ce point, la prédication prophétique voit dans Israël la possibilité même de l’introduction d’un sens dans l’histoire :
«(42,6)- Moi, l’Eternel, je t’ai appelé pour la justice et je te prends par la main ; je te protège et je t’établis pour la fédération des peuples et la lumière des nations ; pour dessiller les yeux frappés de cécité, pour tirer le captif de la prison, du cachot ceux qui vivent dans les ténèbres. »
La vocation morale d’Israel
Ce verset forme le cœur de la prophétie, il détermine la vocation d’Israël, en tant qu’’’appelé’’. S’il est une essence historique d’Israël, celle-ci consiste à véhiculer et instituer la justice dans le monde. La forme même de cette vocation s’affirme sous le signe du mandat providentiel (« je te protège et je t’établis »). Ce mandat comporte sa finalité propre : il est de l’ordre de la transmission universelle, dont la finalité s’incarne dans le rassemblement des différentes fractions de l’humanité (« la fédération des peuples »). Une longue tradition exégétique, autant que culturelle, souvent marquée du sceau du lieu commun, a fréquemment associé à l’idée d’Israël l’expression d’Isaïe : « pour la lumière des nations ». Celle-ci traduit une intention autant qu’une direction : il ne saurait s’agir d’une hégémonie politique, mais davantage d’une destination morale, intéressant de proche en proche les entités politiques (les ‘’nations’’). Précisons ici que la « lumière » d’Israël irradie celle qui a présidé à la création (Ber. 1, 3). L’alternance lexicale peuple (am)/nation (goy) indique bien que la « justice » comprise par Israël est appelée à informer les cultures populaires, antérieurement à leur affirmation politique. Cela nous enseigne que le musar /l’éthique juive constitue la véritable assiette des peuples, antérieurement à leur constitution en nations.
Isaïe institue une véritable synonymie entre la présence au monde d’Israël et l’instauration universelle de la justice (tsédèk), dont l’esprit, y compris reçu et réinterprété par les peuples – constituées en nations ou pas – sera susceptible de dissiper l’iniquité et d’éveiller à une autre possibilité de l’histoire, émancipée de l’ignorance (« ténèbres »), comme de la tyrannie (« cachot ») et de l’oppression (« prison »), que celles-ci résultent de l’excès des passions ou de la malignité des pouvoirs.
Mais la vocation d’Israël – qui est obligation morale – ne va pas sans risque, car le Serviteur de l’Eternel lui-même peut aussi bien refuser d’assumer sa mission. A la fois obligé et témoin, Israël – du fait de sa diversité même – diversité qui l’expose aux tentations autant qu’aux écueils d’une histoire éclatée – est susceptible de s’insurger contre la « lumière » – c’est-à-dire l’Instruction – dont il a la charge :
« (42, 19) – Qui est aveugle, sinon mon serviteur, sourd, sinon le messager que j’envoie ? Qui est aveugle comme le favori (du Seigneur), aveugle comme le serviteur de l’Eternel ? Tu as vu de grandes choses et tu n’as pas fait attention; tu avais les oreilles ouvertes sans rien entendre ! »
La profération d’Isaïe retentit d’une tonalité renouvelée, depuis la renaissance d’Israël, puisque la conscience de sa vocation, et la congruence avec l’intelligence de sa tradition demeurent des enjeux toujours actuels. Aux uns, elle rappelle que la moralité ne saurait s’abstraire de l’histoire, aux autres que l’histoire ne saurait se dérouler au mépris de la moralité. Et à tous, que le souci de l’unité et la conscience de la fidélité conditionne la possibilité d’une histoire sensée :
« (43, 10) – Vous, vous êtes mes témoins, dit l’Eternel, et le serviteur choisi par moi pour reconnaître, pour croire en moi et être convaincu que moi JE SUIS : qu’avant moi, nul Dieu n’a existé, et qu’après moi, il n’y en aura point. »
2020
Bereshit: commencer, re-commencer
Par Bonnie Buckner
Il y a peu, nous étions sur le point d’entrer en Terre promise. Maintenant, nous faisons rouler le parchemin pour commencer. A nouveau.
Il me semble que nous sommes un peuple créateur. Notre Torah – notre Guide – ne s’intéresse pas à ce qui se passe en Terre promise, mais au cheminement qui a créé un peuple digne d’elle. Avant d’arriver, on recommence. Peut-être que le cadeau n’est pas le paradis, mais la capacité de recréer. Nous les personnes qui sommes issues de notre ancêtre Abraham, le centenaire qui a donné naissance à un fils – recommencer, à la fin.
Le cadeau n’est pas le paradis mais la capacité de recréer
Dans Bereshit, nous ouvrons dans le drame du chaos et du vide. Elohim, planant au-dessus des profondeurs des possibles. Cela pourrait être n’importe quoi. Ou rien. La création commence par la déclaration du choix. Elohim, choisissant la lumière, la concrétisant avec la voix, en parlant : « Que la lumière soit !’ Et il y eut de la lumière » (Genèse 1:3).
Tout au long du premier chapitre de la Genèse, la création est parlée dans l’existence. Séparer – hivdil – une possibilité d’une autre. Choisir et dire, et c’était ainsi. Au chapitre deux, notre Créateur prend Adam, le premier humain, et le place devant les êtres oiseaux et les êtres animaux pour « voir comment il les appellerait » (Genèse 2:19). Enseigner à nous, humains, le pouvoir créateur de distinguer, de déclarer, de faire naître quelque chose. « … tout ce que l’homme, en tant que personnalité vivante, l’appelle, c’est son nom (Genèse 2:19). » L’humain, organisant et créant le monde dans lequel il est placé. En choisissant, l’homme découvre à nouveau la possibilité – « il n’a trouvé aucune aide appropriée pour un homme (Genèse 2:20). » Être capable de distinguer « pas ceux-là » crée un espace pour « ceux-ci ».
Choisir et parler. Appeler – qui consiste à nous rapprocher de quelque chose (1). Comme l’Adam, nous mettons de l’ordre dans le chaos de nos propres vies, créant nos mondes personnels en choisissant, en nommant, en appelant. « Ce sont ceux que j’aime » crée un Partenaire, les Enfants, la Famille. Ma communauté.
Entre ces deux événements – la création du monde et la nomination et la création par Adam du sien – se trouve l’instruction de l’Arbre « l’Arbre de Vie au milieu du jardin et aussi un Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal (Genèse 2 :9). » De toute la multiplicité du Jardin – « toute espèce d’arbre à pousser du sol, agréable à voir et bon à manger (Genèse 2:9) » – il nous est dit de choisir judicieusement. Choisir crée un monde – soit se reposer dans un jardin, soit se sentir exilé ; le bien ou le mal, ou la vie.
A l’autre bout du rouleau – ce long cercle du serpent mangeant sa queue, les commencements devenant les fins devenant les commencements –, on nous dit la même chose. Debout à ce bord de la Terre promise, Moïse nous rappelle : « J’ai mis la vie et la mort devant vous, la bénédiction et la malédiction. Choisissez la vie, afin que vous puissiez vivre – vous et vos descendants (Deutéronome 30 :19). »
Choisir crée un monde
Nous connaissons tous le pouvoir créateur de la parole. Avec un mot, nous pouvons créer un ami. Avec un autre, un ennemi. Une seule phrase peut diviser une communauté ; un autre peut en créer une. Les mots créent des mondes et les détruisent. Abondance ou manque ? Bénédiction ou malédiction ? Lequel choisissons-nous ? Je suis. Je suis quoi? Je suis épouse, père, professeur, ami ? Je suis paisible. Je suis capable. Je suis courageuse. Que pouvons-nous nous déclarer ?
Le Talmud (Berakhot 55b) nous dit comment transformer un cauchemar (hatavat chalom) : Nous devrions amener trois personnes et leur dire « J’ai vu un bon rêve. Ils répondent : C’est bon, et que ce soit bon, que Dieu le rende bon. Puissent-ils décréter sept fois sur vous du haut du ciel que ce sera bien, et ce sera bien. » Après, récitez trois versets de la transformation du mal en bien, trois versets de rédemption et trois versets qui mentionnent la paix.
Ne déclarez pas un cauchemar, mais un bon rêve. Le dire ainsi, et le faire ainsi.
Et le rêve de nos vies ? En choisissant, en parlant, pouvons-nous recréer, transformer nos cauchemars personnels en rêves de paix ? Comme Abraham, recommencer juste au moment où nous pensons que quelque chose est fini ?
Notre liturgie du matin nous dit que Dieu, chaque jour, dans sa bonté, renouvelle les œuvres de la création. Rashi, dans son commentaire de Bereshit 1:1, nous dit que « le texte n’enseigne rien sur la séquence antérieure ou postérieure des actes de la Création ». Rashi, cite Rabbi Isaac : « La Torah, qui est le livre de la Loi d’Israël, aurait dû commencer par le verset ‘Ce mois sera pour toi le premier des mois’ (Exode 12:2) qui est le premier commandement donné à Israël . « Pourquoi, alors, commencer la Torah avec Bereshit ?
Je trouve en Bereshit le fondement de toute vie – pas seulement la création profonde de La Création, mais le potentiel créatif d’une vie humaine individuelle. En choisissant « ceci, pour moi », mais pas « cela », en traçant le chemin à travers une succession de déclarations. En peuplant chaque vie de ce que nous appelons près de nous – cet amour, ce bonheur, cette communauté. Par le don de création continuelle – la capacité de recréer lorsque le chemin devient étroit ou sombre, de transformer les cauchemars en bien. En choisissant la vie, en créant la vie.
-
Hirsch, dans son commentaire à Bereshit 2:19 : la racine qof-reish-aleph « appeler » « appeler un autre à venir à nous, à nous rencontrer… d'où, aussi, « nommer ». En nommant une personne ou une chose, ou en l'appelant par son nom, je me l'appelle ou l'évoque dans mon esprit… La traduction du Pentateuque commentée, Samson Raphael Hirsch, traduite en anglais par Gertrude Hirschler, Judaica Press.
Version anglophone
Begin, again.
Moments ago we stood on the edge of entering the Promised Land. Now we roll the scroll to begin. Again.
It strikes me that we are a people of creating. Our Torah – our Guide – is interested not in what happens in the Promised Land, but in the journey that created a people worthy of it. Before we arrive, we start over. Perhaps the gift is not paradise, but the ability to re-create. We people who spring from our ancestor Abraham, the centenarian who gave birth – starting over, at the end.
The gift is not paradise, but the ability to re-create
In Bereshit we open in the drama of chaos and void. Eloheim, hovering over the depths of possibility. It could be anything. Or nothing. Creation begins with declaring choice. Eloheim, choosing light, speaking it into being: “’Let there be light!’ And there was light (Genesis 1:3).”
Throughout the first chapter of Genesis creation is spoken into existence. Separating – hivdil – one possibility from another. Choosing and saying, and so it was. In chapter two, our Creator takes the Adam, the first human, and sets him before the bird and animal beings to “see what he would call them” (Genesis 2:19). Teaching us, humans, the creative power of distinguishing, declaring, speaking something into being. “…everything that man, as a living personality, calls it, that is its name (Genesis 2:19).” The human, organizing and creating the world that he is placed in. By choosing, man discovers again possibility – “he found no helper fitting for a man (Genesis 2:20).” Being able to distinguish ‘not those’ creates a space for ‘this’.
Choosing and speaking. Calling – which is to bring something near to us (1). Like the Adam, we bring the chaos of our own lives into order, making our personal worlds by choosing, naming, calling. “These are the ones I love” creates Partner, Children, Family. My community.
Between these two events – the creation of the world, and the Adam’s naming and creating of his – lies the instruction of the Tree “the Tree of Life in the middle of the garden and also a Tree of Knowledge of Good and Evil (Genesis 2:9).” Of all the multiplicity of the Garden – “every kind of tree to grow from the soil, delightful to the sight and good for food (Genesis 2:9)” – we are told to choose wisely. Choosing creates a world – either resting in a garden, or feeling exiled from it; good or evil, or life.
At the other end of the scroll – this long circle of the snake eating its tail, beginnings becoming endings becoming beginnings – we are told the same thing. Standing at this edge to the Promised Land Moses reminds us: “I have set life and death before you, blessing and curse. Choose life, so that you may live – you, and your descendants (Deuteronomy 30:19).”
Choosing creates a world
All of us know the creative power of speech. With one word we can create a friend. With another, an enemy. A single sentence can split a community; another can create one. Words create worlds and destroy them. Abundance, or lack? Blessing or curse? Which do we choose? I am. I am – what? I am wife, father, teacher, friend? I am peaceful. I am capable. I am courageous. What can we declare ourselves to be?
The Talmud (Berakhot 55b) tells us how to transform a nightmare (hatavat chalom): We should bring three people and say to them “I saw a good dream.” They reply: It is good, and let it be good, may Gd make it good. May they decree upon you from heaven seven times that it will be good, and it will be good.” After, recite three versus of transformation from bad to good, three verses of redemption, and three verses which mention peace.
Declare not a nightmare, but a good dream. Saying it so, and making it so.
What about the dream of our lives? Through choosing, speaking can we re-create, transforming our personal nightmares to dreams of peace? Like Abraham, beginning again just when we think something is at an end?
Our morning liturgy tells us that Gd, everyday, in His goodness, renews the works of creation. Rashi, in his commentary to Bereshit 1:1, tells us the “text teaches nothing about the earlier or later sequence of the acts of Creation.” Rashi, qotes Rabbi Isaac: “The Torah, which is the Law book of Israel should have commenced with the verse ‘This month shall be unto you the first of the months’ (Exodus 12:2) which is the first commandment given to Israel.” Why, then, begin the Torah with Bereshit?
I find in Bereshit the foundation for all life – not just the profound creation of Creation, but the creative potential of an individual human life. By choosing ‘this, for me’, but not ‘that’ – drawing the path through a succession of declarations. By populating each life with what we call near to us – this love, this happiness, this community. By the gift of continual creation – the ability to re-create when the path becomes narrow or dark, to transform nightmares to good. By choosing life, creating life.
-
Hirsch, in his commentary to Bereshit 2:19: the root qof-reish-aleph ‘to call’ “to summon another to come to us, to meet… hence, also, ‘to name’. By naming a person or thing, or by calling it by its name, I call it to myself or evoke it in my mind … The Pentateuch translation with commentary, Samson Raphael Hirsch, translated into English by Gertrude Hirschler, Judaica Press.