2023
Am Israel Hai
La guerre, une fois encore, frappe Israël.
Nous voyons les images, et elles sont terribles. A l’instant où j’écris ces lignes, le décompte macabre se monte à plus de 700 morts. Des civils pour leur très grande majorité. Des personnes massacrées non parce qu’elles représentaient une quelconque menace, ni protégeaient un objectif militaire, mais uniquement parce qu’elles étaient là et qu’elles étaient Israéliennes.
Si ces actes abjects ont fait l’objet de condamnations, partagées par une très grande partie de la communauté internationale, il s’est pourtant trouvé, en France ou ailleurs, certains pour minimiser les faits, laisser entendre qu’« ils l’ont bien cherché« ou même s’en réjouir. Ceux qui, d’une manière ou d’une autre, justifient ou relativisent de tels actes estiment donc qu’il est loisible, pour qui s’aligne avec leurs convictions, de tuer des civils, de mitrailler des personnes âgées, de disloquer des enfants à la roquette, d’assassiner des ambulanciers, des pompiers, des infirmières. Ce n’est pas une simple prise de position : si les mots ont un sens, il s’agit de crimes de guerre, et les justifier revient à en faire l’apologie.
Dans le cadre de cette nouvelle guerre, la victoire militaire d’Israël ne fait guère de doute à terme, au regard des forces effectives en présence. Mais on ignore encore quel sera le prix de cette victoire. Combien de sang versé, combien de larmes, combien de familles brisées, de part et d’autre des lignes ? Combien d’enfants qui grandiront dans le ressentiment et la haine ?
Face au cycle sans cesse renouvelé de la violence, face au mal et à la cruauté manifestes dont nous sommes les témoins ici, il est difficile de ne pas céder à la colère, à la peur ou au désespoir. Il n’est pourtant pas dit que la noirceur triomphe. C’est alors qu’il vivait dans la clandestinité, après l’arrestation et la déportation de toute sa famille, que Jules Isaac a commencé la rédaction de Jésus et Israël, ouvrage lumineux de réconciliation et de compréhension mutuelle entre judaïsme et christianisme. Que cet homme, qui venait de perdre tous les siens, ait été capable d’une telle chose, plutôt que de céder à la haine, est à mon sens admirable, et la marque d’un authentique tzadik. En ces heures de choc, de larmes et de sang, je souhaite que son exemple nous inspire. Ce que nous pouvons faire de là où nous nous trouvons est mineur. C’est une goutte d’eau. Mais les océans ne sont composés que de gouttes d’eau.
Nous pouvons œuvrer pour la paix à notre niveau, humblement et dans la fidélité à nos principes. Principes qui, dans l’immédiat, nous appellent auprès des nôtres. Demain lundi 9 octobre, à 18h00, rendez-vous, à l’appel du CRIF, Place de la Comédie pour une manifestation statique en faveur d’Israël et une dénonciation des actes terroristes du Hamas. Pour ceux qui sont à Paris, une manifestation similaire se déroulera à partir de 18h30, Place d’Israël, dans le 17ème arrondissement.
Lors de notre office de vendredi prochain, nous rappellerons les noms des victimes. Plusieurs dizaines de ces noms ont déjà été publiés par la presse israélienne. D’autres suivront très certainement, hélas. Nous n’aurons pas une liste complète, bien entendu, mais peu importe : nous rappellerons ceux que nous pourrons rappeler. Si vous avez des amis ou des proches parmi les victimes, n’hésitez pas à me les signaler pour les ajouter à la liste.
Am Israel Haï !
Julien
2023
Les Kuki : une communauté juive menacée au Nord-Est de l’Inde
Au Manipur, Etat de l’Inde frontalier avec la Birmanie, une communauté juive comprenant plusieurs milliers de personnes appartenant à la tribu des Kuki est aujourd’hui prise au milieu de violences inter-ethniques qui sévissent depuis plusieurs mois dans la région.
Qui sont les Kuki ?
Les Kuki constituent un groupe tribal parlant une langue tibéto-birmane qui réside de part et d’autre des frontières entre l’Inde, la Birmanie et le Bangladesh. Parmi ce groupe, qui a été converti au christianisme introduit par des missionnaires protestants à la fin du XIXe siècle, des revendications d’une origine israélite émergent à partir des années 1950. Les Kuki convertis tissent des liens entre des récits bibliques et leur littérature orale et établissent
des parallèles entre des pratiques rituelles décrites dans l’Ancien Testament et celles qu’ils observaient avant leur conversion au christianisme. Persuadés d’être les descendants de Menashe, une tribu perdue d’Israël, certains Kuki se mettent à observer shabbat et à célébrer les fêtes juives à partir des années 1970. Ils entrent également en contact avec d’autres communautés juives en Inde et en Israël.
Une tribu pratiquant le judaïsme entre Inde et Israël
En 1975, le rabbin israélien Eliyahu Avichail fonde une organisation nommée Amishav (« notre peuple » en hébreu) qui se donne pour mission de retrouver les descendants des tribus perdues d’Israël. Il se rend plusieurs fois en Asie pour rencontrer des communautés juives « perdues » dont il accueille par la suite des représentants en Israël. C’est ainsi qu’en 1981, deux hommes appartenant à des groupes tribaux du nord-est de l’Inde (les Kuki et les Mizo) sont invités à séjourner en Israël pour approfondir leurs connaissances du judaïsme dans des centres d’études de la Torah et du Talmud (yeshivot) et diffuser ensuite ce savoir auprès de leurs communautés respectives en Inde.
Depuis la fin des années 1980, près de 5000 Kuki et Mizo qui s’autodésignent par l’expression « Bnei Menashe » (les « descendants de Menashe »), se sont installés en Israël avec l’aide d’ONG dont la mission est de faciliter l’aliyah de juifs « perdus » disséminés à travers le monde. En Inde, environ le même nombre de Bnei Menashe attendent avec impatience de les rejoindre. Au Manipur comme au Mizoram, ils pratiquent le judaïsme orthodoxe dans leurs synagogues et certains d’entre eux apprennent l’hébreu.
Des synagogues brûlées et des milliers de personnes déplacées
Mais au Manipur, l’existence de cette communauté juive est aujourd’hui menacée. A la suite d’une manifestation organisée en mai dernier par les populations tribales de la région, des violences interethniques ont éclaté entre les Kuki et les Meitei, groupe majoritaire numériquement et dominant politiquement au Manipur. Des villages entiers ont été brûlés et de nombreux lieux de culte – églises et synagogues – n’ont pas été épargnés. Sajal, village kuki de 350 habitants dont la majorité pratiquent le judaïsme, a ainsi été entièrement rasé. La synagogue et la Torah de la communauté ont été réduites en cendres. Les villageois ont été contraints de fuir dans la jungle avant de trouver refuge dans un camp militaire.
Depuis le début du conflit, de nombreuses personnes ont été tuées, mutilées, ou violées, et on compte actuellement près de 60.000 personnes déplacées. Certaines ont trouvé refuge dans des camps sous protection militaire, d’autres ont fui dans les Etats voisins. Plus de 10.000 Kuki ont trouvé refuge au Mizoram, Etat dominé par l’ethnie des Mizo qui accueille également de nombreux réfugiés politiques des tribus Chin et Kuki fuyant les violences exercées à leur encontre en Birmanie et au Bangladesh. Des Mizo pratiquant le judaïsme ont ainsi accueilli de nombreux Kuki ces derniers mois.
Au Manipur comme au Mizoram, ces personnes déplacées vivent dans des conditions très précaires, et ont besoin d’une aide d’urgence, incluant en particulier des distributions de nourriture et des soins médicaux. Si vous souhaitez agir, vous pouvez adresser vos dons à Degel Menashe, une ONG israélienne fondée par des Kuki juifs en 2019, qui vient en aide aux familles kuki du Manipur touchées par les violences interethniques.
Mayan Kahn
2023
Shana tova !
Shana tova !
L’été s’est achevé, et une nouvelle année liturgique débute. Nous venons de célébrer ensemble Roch haShana et Yom Kippur et, avant d’aller plus loin, je tiens tout d’abord, à renouveler mes remerciements à l’égard de tous ceux qui ont permis le succès de ces journées si particulières. Les rabbins Ann-Gaëlle Attias et Haïm Cipriani, bien entendu, mais aussi toutes les personnes qui se sont mobilisées et nous ont permis de faire en sorte que tout se déroule au mieux. Merci aussi, tout simplement, à tous ceux qui ont été présents pour partager ces moments avec nous et ont témoigné, par le simple fait d’être là, et d’être là en nombre, de la vigueur de notre communauté et, plus généralement, du judaïsme libéral en Occitanie.
Nous avons repris le rythme hebdomadaire des offices et nous nous préparons à la célébration de Sukkot et de Simhat Torah. Pour ne pas oublier ceux de nos membres qui vivent isolés, sont trop loin ou pour qui il est trop difficile de se déplacer chaque semaine, nous reprendrons aussi dans les semaines qui viennent les occasionnels offices en ligne, à raison d’une fois par mois environ. Les dates seront publiées prochainement sur le site.
Nos autres activités et enseignements ont repris ou vont reprendre peu à peu : certains rapidement, d’autres après la fin des fêtes de Tishri Même pour les activités n’ayant pas encore commencé, j’encourage chacun à s’inscrire ou, a minima, à faire connaître son intérêt : cela nous permet de constituer les groupes et de nous organiser les choses.
Yom Kippur n’est pas seulement une date, pas seulement une fête comme les autres. C’est une confrontation à soi-même difficile, profonde, parfois douloureuse mais également fertile et annonciatrice de renouveau. C’est un moment où, en tant qu’individu comme en tant que communauté, on s’interroge, entre autres choses, sur son identité et son devenir : corps vivant, Kehilat Kedem ne se construit qu’avec ce que nous lui apportons, tous et chacun. Chaque année qui passe voit notre communauté évoluer, mûrir, grandir. Elle a besoin de présence, d’énergie, de bonnes idées, de bonnes volontés et de toutes les formes de contribution. Ce moment-charnière me semble donc approprié pour encourager chacun à réfléchir au rôle qu’il entend tenir au sein de la synagogue Kehilat Kedem. Il n’y a pas de mauvaise réponse à cette question, ni, d’ailleurs, de réponse définitive; mais l’an prochain, et dans les années qui suivront, notre communauté ressemblera très exactement à ce que nous en auront fait. C’est donc à chaque membre de proposer et de porter les évolutions qu’il souhaiterait voir advenir.
Il n’y a pas de contribution mineure à la vie de la communauté : pour ceux qui n’ont la possibilité d’être présents qu’à petites touches, il y a bien des manières d’être impliqué néanmoins : préparer les hallot avant un office, héberger une personne pour les fêtes, faire l’effort de venir un jour où on n’en avait pas spécialement envie pour permettre qu’un minian soit réuni, participer à l’accueil et à l’intégration des nouveaux membres, assurer du lien social … tous ces petits gestes qui contribuent à tisser nos liens et à renforcer notre synagogue, et tous sont précieux. C’est ce type d’implication qui nous a permis de maintenir et de faire croître notre communauté au cours de la dernière décennie ; et je sais pouvoir compter sur vous, sur nous tous, pour que cet engagement se poursuive (et, je l’espère, s’amplifie), dans cette nouvelle année 5784.
Après tout cela, me reste encore à vous dire le plaisir que j’ai à tous vous retrouver en cette fin d’été. C’est chaque année pour moi une joie très profonde que de retrouver notre synagogue pour une nouvelle année liturgique. Non seulement pour les fêtes, mais aussi pour reprendre et recommencer ensemble les cycles de lecture, interroger ensemble, questionner ensemble, jeter un œil nouveau sur les textes et sur le monde. Non pas uniquement dans le cadre, riche mais parfois aride, de l’étude personnelle, mais aussi dans celui du partage et de la multiplicité des visions singulières. Lorsque j’ai rejoint notre communauté, il y a de cela près de dix ans, je ne me doutais pas de tout ce qu’elle m’apporterait, ni de la place qu’elle serait amenée à occuper dans mon existence. La servir aujourd’hui, c’est tenter de lui rendre un peu de ce qu’elle m’a donné. Malgré l’aspect prenant, fatigant, parfois stressant de la tâche, c’est un honneur et un plaisir.
Merci à vous, donc, d’être là ou d’arriver, de constituer ce « nous » qui est et fait Kehilat Kedem et que, d’année en année, nous continuons à construire et à découvrir.
Julien Taillandier
Président de Kehilat Kedem
2023