2023
Trois ans de présidence à Kehilat Kedem
Le 4 février 2020, Kehilat Kedem venait tout juste de fêter ses 7 ans, et je me proposais comme candidate à la présidence. Un mois plus tard, le premier confinement est décrété. La crise sanitaire officielle perdurera jusqu’à en mi 2022.
La septième année de Kehilat Kedem, relayée par les deux années suivantes, sera à quelques égards un tournant dans la jeune histoire de notre communauté :
- Inauguration d’une présidence qui n’est plus plus assurée par les fondateurs de notre communauté, Claude Bismut et Sophie Bismut, quoique leur présence et leur vigilance discrètes demeurent. Chaque jour, nous avons cherché à honorer leur travail, dont je découvre toujours la sagesse, le discernement et la prudence.
- Concomitance avec la pandémie qui nous a obligé à revisiter le fonctionnement de nos activités, tout en en assurant la continuité. Bienheureux les juifs qui, dans de telles périodes tumultueuses, disposent d’un calendrier propre, véritable socle et abri, avec ses shabbatot hebdomadaires et ses fêtes quasi-mensuelles ! Il nous a permis de résister et de continuer sans faille le rythme soutenu et imperturbable de nos rendez-vous qui ont rassemblé les fidèles de notre communauté.
- La crise sanitaire, éprouvante certes, n’a pas été qu’une épreuve difficile. Il nous a fallu composer avec l’incertitude, qui, parfois, peut aussi se présenter comme une invitation à ouvrir de nouvelles portes. Kehilat Kedem a spontanément choisi de profiter de l’imprévisible pour rebondir et exprimer sa vitalité et son dynamisme : augmentation de l’offre de ses activités et élargissement de sa diffusion, multiplication de liens, échanges et partage avec d’autres communautés d’ici et d’ailleurs), nouveaux partenariats avec la communauté juive montpelliéraine, ouverture encore timide sur la société civile, etc.
Rappelez-vous, cette période qui s’étale entre 7 et 10 ans (l’approche de la dizaine !), nous avions appris à lire, à compter et à raconter, nous partions à la rencontre du monde, courageux voire téméraires, poussés par le désir de découvertes et de nouvelles expériences ! Notre réponse, du haut de nos jeunes années, face à une situation inédite fut un formidable élan de créativité, et ce, grâce à l’ardeur enthousiaste des responsables (CA et bureau), eux-mêmes soutenus par tous les membres de la communauté elle-même. Ce soutien mutuel et solidaire s’est peut-être aussi avéré, pour chacun d’entre nous, être un pilier sur lequel s’ancrer, par lequel résister, autour duquel réunir nos solitudes et tirer la force d’affronter les difficultés.
- Kehilat Kedem a rejoint Judaïsme en Mouvement. Au-delà de différents soutiens et bénéfices (rabbiniques, études, transmission auprès des plus jeunes, logistiques, etc.), c’est le sentiment d’appartenir à une grande communauté en mouvement avec laquelle nous partageons les mêmes valeurs qui nous rend plus fort. En rejoignant JEM, nous nous engageons à faire connaître et reconnaître un Judaïsme inclusif, ouvert et sensible aux questions existentielles actuelles, un judaïsme acteur dans la Cité, nous rejoignons le combat pour une reconnaissance auprès des Institutions qui nous gouvernent, auprès de la société française dans son ensemble, afin que la voix du Judaïsme libéral compte et soit entendue.
Quelle belle aventure que ces trois années intenses : joie partagée, travail d’équipe, échanges, rencontres, difficultés -parfois- à surmonter, de bonne fatigue !
Alors, je formule le souhait que Kehilat Kedem continue à se développer et à s’épanouir grâce à une implication croissante de chacun de ses membres, chacun selon son rythme et sa conscience. Kehilat Kedem tout en s’enracinant dans son origine regarde l’avenir, du côté du soleil levant, ainsi que le proclame son nom. Un futur gros de promesses et d’ouvertures dont nous sommes chacun et chaque jour responsables.
Un grand Mazel Tov à Julien Taillandier, nouveau président de notre chère et précieuse communauté auquel je suis heureuse de laisser la place en toute confiance, Un grand Mazel Tov aussi à toute l’équipe qui compose le nouveau CA !
Margot Levine
Photo : Sixteen Miles Out – Unsplash
2023
Appel commun ERA/EUPJ/Arzenu/IMPJ : Choose democracy!
(Texte original en anglais, traduction ci-dessous)
Version en anglais
Show your support by adding your name below.
We are Jews who care about Israel, whose identities are bound up with Israel.
We want Israel to flourish as a homeland for the Jewish people and a democratic state that seeks to “ensure complete equality of social and political rights to all its inhabitants.” – as stated in Israel’s Declaration of Independence.
Our community often finds itself defending Israel from external attacks. But now, more than ever before, the threat comes from within. We cannot be silent as Israel’s new government seeks to:
- Undermine the rule of law and curtail human rights
- Limit the freedom of the press
- Remove legal protections for minorities including LGBTQ people, migrant workers, and asylum seekers
- Claim the Jewish people have exclusive rights to all the Land of Israel and the West Bank
- Prevent the viability of a future two state solution
- Rescind the legal status of non-Orthodox conversions undertaken in Israel, meaning these conversions cannot be used to obtain Israeli citizenship.
- Deny those who have a Jewish grandparent but are not ‘halachically Jewish’ refuge in Israel
- Erode religious freedom, pluralism, and freedom of choice
- Endanger women and place restrictions on women’s role in public life
We have a choice.
We either remain silent or stand in solidarity with those across Israel fighting for democracy.
We choose to stand on the side of Israelis protesting against an extremist government.
Traduction française
Montrez votre soutien en signant cette pétition.
Nous sommes Juifs et nous soutenons Israël, notre identité juive étant inextricablement liée à Israël. Nous souhaitons qu’Israël prospère, en tant que patrie du peuple juif et en tant qu’état démocratique, cherchant à assurer une égalité sociale et politique complète à tous ses habitants. Notre communauté se trouve souvent en situation de défendre Israël face à des attaques extérieures. Mais aujourd’hui, plus que jamais auparavant, le danger vient de l’intérieur. Nous ne pouvons demeurer silencieux, alors que le nouveau gouvernement israélien :
- Menace l’état de droit et met en péril le respect des droits humains;
- Limite la liberté de la presse;
- Réduit les protections juridiques sont bénéficient les minorités, notamment les minorités sexuelles, les travailleurs immigrés et les demandeurs d’asile;
- Déclare que le peuple juif jouit de droits exclusifs sur toute la Terre d’Israël, y compris l’ensemble de la Judée-Samarie;
- Empêche la mise en place d’une future solution à deux états viable;
- Revient sur le statut des conversions juives non-orthodoxes réalisées en Israël, ce qui signifie que ces conversions ne peuvent pas justifier l’obtention d’une citoyenneté israélienne;
- Refuse à ceux qui ont un grand-parent juif mais ne sont pas «halakhiquement juifs» un refuge en Israël;
- Met en danger la liberté religieuse, le pluralisme et la liberté de choix;
- Met en danger les femmes et prétend limiter leur rôle dans la vie publique.
Nous avons le choix.
Nous pouvons rester silencieux. Ou nous pouvons nous déclarer solidaires de ceux qui, en Israël, se battent pour la démocratie.
Nous choisissons de soutenir les Israéliens qui s’opposent à ce gouvernement extrémiste.
Photo de Taylor Brandon sur Unsplash
2023
Enquête européenne sur l’antisémitisme
L’enquête la plus complète qui existe sur les perceptions et expériences des Juifs de l’antisémitisme dans l’Union Européenne est aujourd’hui ouverte à la participation sur www.eujews.eu
Nous vous encourageons vivement à participer à cette enquête qui est ouverte à toutes les personnes de 16 ans et plus qui se considèrent juives.
L’enquête de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) collectera des données dans 13 États membres de l’Union Européenne. Les conclusions aideront les autorités nationales et les institutions européennes dans leurs efforts pour mieux protéger les droits fondamentaux de Juifs, combattre l’antisémitisme et favoriser la vie juive en Europe.
Rendez-vous sur www.eujews.eu dès maintenant pour en savoir plus sur l’enquête et y participer. L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et ses partenaires garantissent le respect des règles de protection de toutes les données durant la collecte et l’analyse.
Merci de partager le lien de cette enquête avec votre famille et vos connaissances – en particulier avec les personnes qui n’appartiennent à aucune organisation juive afin de garantir la participation la plus large possible.
2023
Le coeur pensant – discours de David Grossman
Le Prix Erasme 2022 a été remis à l’écrivain israélien David Grossman. Son discours de réception du prix, intitulé Mending a torn world («Réparer un monde brisé») n’est pas sans évoquer le thème, typiquement juif, du Tiqqun Olam. En voici une traduction libre.
Vos majestés, vos altesses royales, vos excellences, mes chers amis, ma famille bien-aimée, mesdames et messieurs :
Il y a soixante et un ans, alors que j’étais un petit garçon de huit ans, j’ai eu une petite révélation. Cela s’est passé dans le bus numéro 18, à Jérusalem, alors que j’étais sur le chemin de l’école tôt un matin. La radio était allumée, et elle diffusait une interview du pianiste Arthur Rubinstein. L’interviewer a demandé : «M. Rubinstein, à l’occasion de votre 75e anniversaire, pourriez-vous résumer votre vie en une phrase ?» Sans hésiter, Rubinstein a répondu : «L’art a fait de moi un homme heureux. Grâce à l’art, j’ai connu le bonheur.»
Je me souviens avoir été étonné et même un peu gêné : dans les années 1950, avec l’ombre lourde du passé qui planait encore au-dessus de nous, le mot «heureux» n’était pas quelque chose que l’on était censé dire en public. Je ne pense pas connaître une seule personne – parmi les cercles d’amis de mes parents – qui aurait osé affirmer, à haute voix, qu’elle était heureuse. Les passagers du bus ce jour-là, des gens fatigués qui vivaient dans mon quartier ouvrier, ne partageaient certainement pas le droit des Américains à «la poursuite du bonheur», que j’allais lire des années plus tard dans la Déclaration d’indépendance des États-Unis.
Ce mot incroyable, bonheur (en hébreu : osher), roulait dans le bus comme une pièce d’or, et moi – avec les yeux d’un enfant – je regardais la pièce imaginaire et je savais : je veux cette chose dont parle M. Rubinstein. Je veux ce bonheur particulier. Je veux être un artiste.
Plus de six décennies se sont écoulées depuis ce jour, et l’art – l’écriture – m’a apporté un grand bonheur, un peu comme le bonheur que je ressens ici aujourd’hui, avec vous. Le bonheur d’être reconnu, et plus encore, d’être compris. Même lorsque l’écriture me causait de la douleur et de la souffrance, c’était une douleur qui avait un sens, une souffrance qui vient en touchant les matériaux authentiques et primaires de la vie. La littérature – l’écriture – m’a appris le plaisir de faire quelque chose de délicat et de précis dans un monde grossier et trouble.
Je suis un homme absolument laïque. Je ne peux pas croire en un Dieu qui m’aiderait à affronter le chaos de l’existence. Et pourtant, l’écriture m’a montré la voie – je l’appellerai la voie laïque – qui consiste à éprouver un horrible sentiment de néant, à plonger dans la perte et la négation totale de la vie, tout en éprouvant simultanément un vif sentiment de vitalité, de plénitude et de positivité de la vie. Même après la tragédie qui a frappé ma famille lorsque nous avons perdu notre fils, Uri, à la guerre, j’ai appris que ce qui me permet de résister à cette dualité d’absence et de présence – qui est pour moi l’essence de l’existence humaine – c’est d’être immergé dans l’acte de création, dans l’art.
Mesdames et Messieurs, chers amis : le thème du prix Erasmus cette année est «Réparer un monde déchiré». Ce terme trouve son origine dans une ancienne notion juive conçue il y a plus de 2 000 ans. Réparer le monde» (en hébreu : tikkun olam) décrit une composante fondamentale de l’identité juive : une aspiration et une obligation d’améliorer notre monde ; un sens de la responsabilité morale envers tous les peuples, qu’ils soient juifs ou non ; et une préoccupation pour la justice sociale et même l’environnement.
Si seulement je pouvais dire que les résultats des récentes élections israéliennes expriment ce genre de positions humanistes, égalitaires et morales. Ce n’est pas le cas. Néanmoins, je me rappelle sans cesse qu’il y a encore beaucoup de gens en Israël pour qui le désespoir n’est pas une option. Pour qui l’apathie ou l’évasion sont des luxes qu’ils ne peuvent pas se permettre et qu’ils ne veulent pas. Nous sommes encore là. Nos partis ont peut-être perdu, mais nos valeurs et nos convictions n’ont pas été vaincues, et elles sont plus cruciales que jamais.
La vie au Moyen-Orient m’a appris à me contenter de peu lorsqu’il s’agit de mes propres souhaits, également. Peut-être connaissez-vous l’anecdote de ce citoyen américain qui, pendant la guerre du Viêt Nam, avait l’habitude de rester devant la Maison Blanche pendant des heures tous les vendredis, en tenant une pancarte de protestation contre la guerre. Un jour, un journaliste s’est approché de lui et lui a demandé, avec un sourire sardonique : «Pensez-vous vraiment que vous allez changer le monde si vous continuez à vous tenir ici ?». «Changer le monde ?» répondit l’homme avec surprise, «Je n’ai pas l’intention de changer le monde. Je m’assure simplement que le monde ne me change pas.»
En tant que personne ayant passé toute sa vie dans une zone sinistrée – encore une fois, le Moyen-Orient – je sais combien il est facile de céder au «monde», c’est-à-dire au cynisme, à l’apathie, au désespoir. Et de là, le chemin est court vers le fanatisme religieux, le nationalisme, le fascisme.
Lorsque je cherche un esprit vraiment libre, une personne qui pourrait me servir de modèle dans ma lutte contre le désespoir, je pense à cette juive hollandaise courageuse et courageuse qui a vécu ici à Amsterdam pendant la Seconde Guerre mondiale et l’Holocauste : Etty Hillesum est entrée de son plein gré dans le camp de concentration de Westerbork, avant d’être assassinée à Auschwitz.
Hillesum, comme vous le savez, a réussi à rester une femme libre même sous le plus dur esclavage, et tout son être était un mouvement de l’âme contre la force gravitationnelle du désespoir. Voici ce qu’elle a écrit dans son journal :
«La nuit, alors que j’étais allongée dans le camp sur mon lit de planches, entourée de femmes et de jeunes filles qui ronflaient doucement, rêvaient à voix haute, sanglotaient doucement et se tournaient et se retournaient, des femmes et des jeunes filles qui me disaient souvent pendant la journée : ‘Nous ne voulons pas penser, nous ne voulons pas sentir, sinon nous sommes sûres de perdre la tête’, j’étais parfois remplie d’une infinie tendresse… et je priais : ‘Laissez-moi être le cœur pensant de ces baraquements’. … Le cœur pensant de tout un camp de concentration. » (extrait de Etty Hillesum : An Interrupted Life, traduit par Eva Hoffman, Picador, 1996)
Nous tous, chacun d’entre vous assis ici dans cet auditorium, vivons dans des conditions bien meilleures que celles dans lesquelles Etty Hillesum a écrit ces lignes. Pourtant, nous savons tous qu’à tout moment, nous pouvons constater que notre liberté nous est retirée et que nous sommes entourés d’arbitraire et de tyrannie, des maux du racisme, du nationalisme, du fanatisme, de comportements barbares et voyous, comme le comportement de la Russie envers l’Ukraine – une belligérance qui met actuellement en danger la sécurité du monde.
Si un tel moment arrive, si – dans des circonstances que nous avons peut-être du mal à imaginer maintenant – le monde se retourne contre nous, comme il l’a fait pour des millions d’Ukrainiens pas très loin d’ici, nous souviendrons-nous, persisterons-nous dans cette rébellion privée et héroïque – pour ne pas cesser d’être le cœur sensible, le cœur ouvert et mis à nu ? Et de ne pas cesser de penser ?
D’être le cœur qui pense. Encore et encore, le cœur pensant.
Merci.