Les Kuki : une communauté juive menacée au Nord-Est de l’Inde
Au Manipur, Etat de l’Inde frontalier avec la Birmanie, une communauté juive comprenant plusieurs milliers de personnes appartenant à la tribu des Kuki est aujourd’hui prise au milieu de violences inter-ethniques qui sévissent depuis plusieurs mois dans la région.
Qui sont les Kuki ?
Les Kuki constituent un groupe tribal parlant une langue tibéto-birmane qui réside de part et d’autre des frontières entre l’Inde, la Birmanie et le Bangladesh. Parmi ce groupe, qui a été converti au christianisme introduit par des missionnaires protestants à la fin du XIXe siècle, des revendications d’une origine israélite émergent à partir des années 1950. Les Kuki convertis tissent des liens entre des récits bibliques et leur littérature orale et établissent
des parallèles entre des pratiques rituelles décrites dans l’Ancien Testament et celles qu’ils observaient avant leur conversion au christianisme. Persuadés d’être les descendants de Menashe, une tribu perdue d’Israël, certains Kuki se mettent à observer shabbat et à célébrer les fêtes juives à partir des années 1970. Ils entrent également en contact avec d’autres communautés juives en Inde et en Israël.
Une tribu pratiquant le judaïsme entre Inde et Israël
En 1975, le rabbin israélien Eliyahu Avichail fonde une organisation nommée Amishav (« notre peuple » en hébreu) qui se donne pour mission de retrouver les descendants des tribus perdues d’Israël. Il se rend plusieurs fois en Asie pour rencontrer des communautés juives « perdues » dont il accueille par la suite des représentants en Israël. C’est ainsi qu’en 1981, deux hommes appartenant à des groupes tribaux du nord-est de l’Inde (les Kuki et les Mizo) sont invités à séjourner en Israël pour approfondir leurs connaissances du judaïsme dans des centres d’études de la Torah et du Talmud (yeshivot) et diffuser ensuite ce savoir auprès de leurs communautés respectives en Inde.
Depuis la fin des années 1980, près de 5000 Kuki et Mizo qui s’autodésignent par l’expression « Bnei Menashe » (les « descendants de Menashe »), se sont installés en Israël avec l’aide d’ONG dont la mission est de faciliter l’aliyah de juifs « perdus » disséminés à travers le monde. En Inde, environ le même nombre de Bnei Menashe attendent avec impatience de les rejoindre. Au Manipur comme au Mizoram, ils pratiquent le judaïsme orthodoxe dans leurs synagogues et certains d’entre eux apprennent l’hébreu.
Des synagogues brûlées et des milliers de personnes déplacées
Mais au Manipur, l’existence de cette communauté juive est aujourd’hui menacée. A la suite d’une manifestation organisée en mai dernier par les populations tribales de la région, des violences interethniques ont éclaté entre les Kuki et les Meitei, groupe majoritaire numériquement et dominant politiquement au Manipur. Des villages entiers ont été brûlés et de nombreux lieux de culte – églises et synagogues – n’ont pas été épargnés. Sajal, village kuki de 350 habitants dont la majorité pratiquent le judaïsme, a ainsi été entièrement rasé. La synagogue et la Torah de la communauté ont été réduites en cendres. Les villageois ont été contraints de fuir dans la jungle avant de trouver refuge dans un camp militaire.
Depuis le début du conflit, de nombreuses personnes ont été tuées, mutilées, ou violées, et on compte actuellement près de 60.000 personnes déplacées. Certaines ont trouvé refuge dans des camps sous protection militaire, d’autres ont fui dans les Etats voisins. Plus de 10.000 Kuki ont trouvé refuge au Mizoram, Etat dominé par l’ethnie des Mizo qui accueille également de nombreux réfugiés politiques des tribus Chin et Kuki fuyant les violences exercées à leur encontre en Birmanie et au Bangladesh. Des Mizo pratiquant le judaïsme ont ainsi accueilli de nombreux Kuki ces derniers mois.
Au Manipur comme au Mizoram, ces personnes déplacées vivent dans des conditions très précaires, et ont besoin d’une aide d’urgence, incluant en particulier des distributions de nourriture et des soins médicaux. Si vous souhaitez agir, vous pouvez adresser vos dons à Degel Menashe, une ONG israélienne fondée par des Kuki juifs en 2019, qui vient en aide aux familles kuki du Manipur touchées par les violences interethniques.
Mayan Kahn