60 ans après les accords d’Evian : récits d’enfances algériennes
L’identité Pied-noir fait partie intégrante de la mosaïque d’identités croisées qui composent les communautés juives françaises, et plus encore dans le sud de la France. Témoignages croisés d’enfances en Algérie, à l’occasion de l’anniversaire des 60 ans de la signature des accords d’Evian.
Illustration : nasro azaizia / Unsplash
2022
Parasha Tsav : le pouvoir d’une oreille, d’un pouce et d’un orteil
La Parachat Tsav poursuit la discussion des sacrifices que nous avons commencé à étudier dans les premiers chapitres du Lévitique. La paracha peut se diviser en deux parties. La première détaille différentes offrandes tandis que la deuxième montre comment Aaron et ses fils sont introduits dans leur fonction de prêtre.
En lisant la parachat Tsav, on peut constater que la cérémonie actuelle d’ordination rabbinique est fort heureusement éloignée de ce que nous dit la Torah de l’investiture de Aaron et ses fils. Cette dernière est un rituel compliqué qui comprend une purification par l’eau, le revêtement des vêtements sacerdotaux, l’onction par l’huile, le sacrifice d’un taureau et de deux béliers et l’aspersion de sang (chapitre 8 du Lévitique). Cette cérémonie a lieu devant toute la communauté d’Israël.
Dans la partie de la paracha qui décrit cette cérémonie, on trouve un shalshelet, un taam (signe de cantillation) très rare, avec seulement quatre occurrences dans toute la Torah. Ce signe de cantillation est posé sur le mot « Vayichhat » [il égorgea] dans le verset suivant (Lv 8:23):
« Il égorgea [le deuxième bélier], Moïse prit de son sang, il mit sur le lobe de l’oreille droite d’Aaron, et sur le pouce de sa main droite et sur le gros orteil de son pied droit ». La même procédure est ensuite appliquée aux fils d’Aaron.
Le shalshelet attire notre attention : alors attardons-nous sur ce verset, sur cet élément précis d’un rituel complexe.
Le texte nous dit que Moïse doit asperger du sang sur trois parties du corps : l’oreille droite, le pouce droit et le gros orteil du pied droit sur lesquels Moïse dépose du sang du bélier égorgé. Le sang est le symbole même de la vie. La droite symbolise la générosité, l’amour (alors que la gauche symbolise la rigueur, la justice). Mais que peuvent représenter ces trois parties du corps?
L’oreille pour entendre, pour écouter. Un texte fondamental de nos prières est ce verset du Deutéronome : « Chema Israël : Ecoute Israël, l’Éternel est notre Dieu, l’Éternel est un » (Dt 6:4). Cette affirmation de notre monothéisme et de notre lien particulier à Dieu, commence par « Chema » : écoute. On ne dit pas : je crois. On dit : écoute. Comme un appel à faire attention, à entendre ce que l’autre dit et pas seulement ce que je crois qu’il dit.
Puis nous avons le pouce. Le pouce permet à la main de saisir et de tenir. Il représente aussi notre capacité d’agir.
Enfin, le gros orteil du pied. Tout comme le pouce, on n’a pas forcément conscience de l’importance fonctionnelle du doigt de pied. C’est celui qui est le premier à avancer et qui permet l’équilibre dans la marche.
Le rituel de consécration d’Aaron et ses fils nous rappelle ainsi les fondamentaux d’une vie humaine, et plus particulièrement les fondamentaux du pouvoir : savoir écouter, agir et avancer.
On retrouve ce même rituel avec le sang dans un autre passage du Lévitique, qui concerne le metsora, la personne atteinte de tsara’at, une maladie de peau, et qui est alors mise en quarantaine. La Torah décrit un rituel complexe de purification : dans une partie de ce rituel, le prêtre dépose du sang d’un animal sacrifié sur le bord de l’oreille droite, le pouce droit et le gros orteil du pied droit de la personne (Lv. 14:14)
On a ainsi une connexion entre le rite d’intronisation d’Aaron et de ses fils, appelés à jouer un rôle de leadership sacerdotal dans la communauté, et un rite pour le metsora, la personne en marge de la communauté. Cette connexion peut se voir comme un lien entre l’autorité associée à la fonction de prêtre et les parties les plus faibles de la communauté. La pouvoir du leader est associé à sa capacité à être en relation avec les plus vulnérables.
En posant un shalshelet sur le premier mot de ce verset, la tradition massorétique aurait-elle posé un signal de rappel? Ce verset peut sonner comme un rappel à nous tous, dès lors que nous sommes en capacité de pouvoir dans nos communautés, ou dans la société : il nous faut entendre, agir et avancer avec et pour tous, y compris les plus vulnérables, y compris ceux qui sont en marge.
Shabbat shalom
2022
Paracha Vayiqra
La haftarah de la paracha Vayiqra souligne son enjeu : «Ce peuple que j’ai formé pour moi, ils me feront monter, ils raconteront» ( עַם-זוּ יָצַרְתִּי לִי, תְּהִלָּתִי יְסַפֵּרוּ – Ishaï – Isaïe 43,21). Le prophète inspiré le proclame : Ha Shem veut oublier les fautes passées. Il veut élever Israël à le servir ; Il veut en faire un peuple de prêtres qui saura le faire connaître de l’humanité toute entière. C’est bien pourquoi le premier sacrifice dont il est question est appelé « עֹלה » (olah). Ce terme est communément traduit par holocauste, mais il signifie : montée, élévation. C’est d’ailleurs bien parce qu’il s’agit d’élévation que notre tradition considère que le livre de Vayiqra est la première chose à enseigner aux enfants dans leur scolarité. Il s’agit ici d’amour de ha Shem pour son peuple, et c’est aussi pourquoi le seul récepteur des sacrifices est le tétragramme (יהוה). Ce Nom assure la fonction compassionnelle de la Transcendance.
Pourquoi des sacrifices ?
Certes, la pratique des sacrifices n’était pas, en elle-même, spécifiquement hébraïque. Maïmonide (Guide des égarés C.III Livre 32 – Ed. Verdier cité par Elie Munk – La voie de la Torah) note que le contexte culturel de l’époque, favorisait leur usage. Il donnait au peuple hébreu un moyen universellement connu d’exprimer concrètement son attachement à ha Shem.
Pourtant les pratiques sacrificielles des Hébreux se différenciaient qualitativement des pratiques païennes. Pour commencer, nos anciens ne sacrifiaient pas d’humains, pas même des enfants. Quelle rupture avec le monde environnant ! Même les ingrédients les plus usuels se différenciaient, y compris dans certains détails qui avaient leur symbolique : les Hébreux utilisaient le sel (issu de la rencontre du feu et de l’eau) alors que les païens l’ignorait. Par contre, ces derniers se servaient du levain et du miel.
Les païens sacrifiaient pour obtenir des faveurs de leurs dieux ou l’apaisement de leurs colères. Les Hébreux cherchaient à mettre en œuvre un enseignement. Ce n’est pas pour rien que le Livre « vayiqra » dans son ensemble compte 247 mitsvot sur les 613 (voir A. Chouraqui – La Bible).
C’est d’ailleurs pourquoi Maïmonide ne considérait pas les sacrifices forclos. Ils reprendront, écrivait-il, à l’ère messianique, quand le 3ème Temple sera (re)construit. Ils feront alors toujours partie des mitsvot, même si leur sens restait pour lui mystérieux.
Aujourd’hui les moyens institutionnels de nous rapprocher de ha Shem sont les lieux d’étude, de prière, et aussi la terre et l’Etat d’Israël. C’est dans notre fidélité à ces lieux que réside notre capacité à rester nous-mêmes et à « faire revenir ceux qui se sont éloignés ». ( Jonathan Sandler « Pour plus de lumière – p.172»).
Celui-ci relève, à ce propos, que le mot qorban (קרבּן – sacrifice ) a pour racine qarov (קרב ) qui signifie : « être proche ». Quel objectif alors pour les mitsvot ? Se rapprocher. Le mot hébreux « qorban » le dit explicitement. Mais se rapprocher de qui ?
Rabbi Jonathan Sandler cite à ce propos Rabbi ‘Haïm ben Moché iben Atar (Salé, Maroc 1696 – Jérusalem 1743) dans le « Ohr Ha’Haïm » publié pour la première fois à Venise en 1741. Ce dernier considère le v. 2 du c.1 de Vayiqra : אָדָם כִּי-יַקְרִיב מִכֶּם קָרְבָּן, לַיהוָה . On peut le traduire littéralement par : « un homme, de parmi vous qui approchera un sacrifice pour ha Shem ». Rabbi ben Atar interprète ce verset de manière très intéressante. Pour ce Sage cela signifie : l’homme se rapprochera de son prochain.
Le Sefer ha Bahir (livre de la Cabbale de la fin du XIIe siècle de l’ère courante – parag.78) cité par Elie Munk (« La voix de la Torah » volume « Vayiqra » –p.12) élargit le propos. Il s’agit d’un rapprochement entre la sphère supérieure (céleste) et la sphère inférieure (matérielle, terrestre).
Les sacrifices aidaient donc les Hébreux à se rapprocher les uns des autres, mais aussi à rapprocher toute la communauté de ha Shem.
On peut souligner que ce rapprochement ne concerne pas seulement les enfants d’Israël mais l’humain en général puisqu’on a trouvé le mot Adam (אדם) en 1,2. Certes les enfants d’Israël sont choisis et formés par ha Shem pour servir (מכם אדם – un homme de parmi vous). Mais les hommes qui voudraient se joindre à leur action sont, naturellement, les bienvenus. Tout homme, même non Juif, pouvait sacrifier au Temple.
La référence à Adam signifie aussi que celui qui sacrifie, doit sacrifier ses biens propres. Adam ayant été seul au monde, il n’avait à offrir que ce qui lui revenait.
Transfert ?
Mais Elie Munk expose encore une autre opinion. Ibn Ezra, cité par Nahmanide émet l’idée selon laquelle les sacrifices permettent de transférer les fautes des hommes sur les animaux. « Puisque les actes des hommes sont composés de la pensée, de la parole et des actes, la Tora a ordonné d’appuyer les mains sur la tête du sacrifice ce qui correspond à l’acte, elle a exigé la confession des péchés ce qui correspond au facteur de la parole, puis la combustion des parties internes où se situe le siège de la pensée et des instincts ».
On pourrait rapprocher ces trois manières d’agir des trois principales fautes existantes dans la langue hébraïque :
– חטא (‘hata) – la faute commise par mégarde ou acte manqué (actes sans parole ni pensée). Le sacrifice expiatoire peut alors la réparer.
– עון (avon) – la faute commise par préméditation – (pensée et acte) – C’est l’holocauste (« עֹלה » (olah) qui doit en rendre compte.
– אשם ( ashem) ou faute commise par un crime de sacrilège, rébellion ou faux serment (parole et acte) Le sacrifice délictif y répond.
La définition des termes peut varier selon les interprétations, mais l’essentiel est là : il faut un sacré niveau de moralité et de spiritualité pour être capable d’une telle introspection !!!
Hypothèse moderne : l’animal jouerait ainsi le rôle du psychanalyste dans sa fonction réparatrice. Le taureau permettrait ainsi de se débarrasser d’une trop grande volonté de pouvoir, le mouton de sa passivité…
Les sacrifices d’animaux ne sont pas un besoin pour ha Shem, c’est évident. Le prophète Ishaï le rapporte nettement « Qu’ai-Je à faire de la multitude de vos sacrifices ? » dit-Il par sa bouche. On le perçoit aussi très bien avec la discussion suscitée par le verset 9 du c.1 ,11 : ריח־ניחוח ליהוה » ( trad. :une odeur agréable pour ha Shem). Cette expression revient à maintes reprises. Elle pourrait faire croire que la Transcendance se délecte des odeurs émises par les sacrifices. Ce n’est pas du tout le sujet. « L’odeur agréable » fait en réalité référence au sensible dans sa relation à la Transcendance. Elle n’a aucune valeur en lui-même, sauf s’il exprime une intention : la volonté d’être agréable à ha Shem en réparant ses fautes et en s’améliorant.
Pour la « techouva » et le pardon des fautes
Pour un peuple vivant, en pleine ascension, le tabernacle ne pouvait rester vide de vie. N’est-ce pas l’absence de Moshe, et le vide matériel qui s’ensuivit, qui fut la cause immédiate du veau d’or ?
Dans « Shemot » (L’Exode), ha Shem avait donné une carté d’identité à Israël avec les 10 paroles (paracha Yitro). Puis Il lui a donné un cadre avec le tabernacle. Avec le livre « Vayiqra » dans son ensemble Il s’attache à donne un contenu à ces paroles et à ce cadre. Ha Shem se donne un peuple vivant pour incarner Son Alliance. Et c’est bien parce que ce peuple est vivant, qu’il est toujours amené à fauter. Les sacrifices forment le processus qui conduit à la « techouva », ce retour vers le bien. C’est la condition même du pardon qui sera développée beaucoup plus tard, au plan philosophique par V. Jankelevitch (1903-1985) au regard de l’extermination des Juifs d’Europe. Cela n’est possible que pour un peuple qui a atteint ce très haut niveau de conscience et qui veut sans cesse se perfectionner. Le peuple hébreu ne peut exister que par une Ethique et par un Etat. Sans Etat l’Ethique meurt, sans Ethique l’Etat ne peut survivre. Vayiqra n’est qu’un début…
Illustration : Vlad Kiselov / Unsplash
.
2022
Purim : le livre des sorts et des destins
A l’approche de Purim, une réflexion quant à cette fête. Car Purim est une fête étrange : à certains égards, il s’agit d’une déclinaison juive d’une Feralia ou d’une Fête des Fols. Mais, comme souvent, tout cela a également un sens plus profond et plus vaste. Claude Birman, professeur de philosophie, revient sur plusieurs aspects de Purim, qui vont bien au-delà du carnaval.
2022
Appel de JEM : « Soutenons les Juifs d’Ukraine ! »
La guerre est déclarée en Ukraine, sa démocratie et son indépendance sont en péril face à l’invasion russe. Pour venir en aide à la communauté juive ukrainienne, JEM a mis en place un système de don via son formulaire. Mobilisons-nous !
Jeudi 24 février, Vladimir Poutine annonçait à la télévision russe qu’une opération militaire allait être lancée en Ukraine. Peu après son intervention, des explosions se faisaient entendre dans plusieurs villes de l’Est ukrainien. Depuis Jeudi matin, la Russie envahit le territoire et le bombarde pour assouvir l’envie du chef du Kremlin de reconstruire un nouvel empire russe. La centrale de Tchernobyl et un aéroport militaire situé à 25 kilomètres de Kiev ont déjà été annexés par les troupes russes. Cette agression est une menace pour la démocratie de l’Ukraine, mais aussi pour la stabilité de l’Europe et de la communauté internationale. Quelque 100 000 personnes ont déjà été déplacées et 50 000 ont quitté le territoire ukrainien, a déploré l’ONU, qui a réclamé un « accès sans entrave » pour l’aide humanitaire.
Kiev, le vendredi 25 février : Message de la rabbanit Eina Makovitch
« Chalom ,
Mon mari a été officier dans l’armée de l’air israélienne pendant douze ans. Après cela, nous avons pris la décision de partir en mission à Kiev avec nos sept enfants. Aujourd’hui mon mari est le rav de Kiev et cela fait 21 ans que nous sommes installés ici. Jusqu’à il y a encore un mois, nous étions à la tête d’une communauté florissante. Et depuis, on sent comme une odeur de guerre. La plupart des familles aisées de Kiev ont quitté la ville. Ceux qui sont restés sont essentiellement les personnes âgées (la pension de retraite en Ukraine s’élève à 70 dollars par mois), les malades, les rescapés de la Shoah et des personnes défavorisées.
Nous distribuons des repas chauds, des colis alimentaires et nous nous chargeons de l’école, du jardin d’enfants et de l’institution pour autistes (la première du pays) de la communauté. Dans cette situation, il ne nous était tout simplement pas possible de tout quitter et de rentrer en Israël. Nous avons décidé de rester et de ne pas laisser tous ces malheureux livrés à eux-mêmes. Ce matin, quand les bombardements ont débuté, les juifs se sont rassemblés dans le bâtiment communautaire. Il n’y a aucun abri à Kiev et aucune instruction sur la façon d’agir en cas d’urgence n’a été donnée à la population.
Pour le moment nous disposons encore d’assez de matelas et de nourriture dans notre réserve pour tous, mais nous ne savons pas pendant combien de temps cela pourra suffire. Nous avons recruté un agent de sécurité armé pour nous prémunir du vol et du pillage, car il n’y a tout simplement pas de service de police. Nous avons lancé une campagne de dons, et pendant que les alarmes et les explosions se font entendre, nous essayons de renforcer et de prendre soin de tous ceux qui continuent d’affluer vers le centre communautaire.
Ce sera dans quelques heures l’entrée du Chabbat. Nous aurions souhaité célébrer « Chabbat mevahim » qui célèbre le mois « Adar cheni » autrement. Comme on sait, lorsqu’on approche du mois de Adar on doit redoubler de joie.
Le moment de l’allumage des bougies du Chabbat a un pouvoir spécial. Je demande donc à toutes les femmes qui liront ces mots de bien vouloir penser à nous et à prier pour nous ce Chabbat.
Chabbat Chalom de Kiev »
Comment aider ?
JEM a mis en place sur son formulaire de don une case à cocher « Crise ukrainienne » pour que l’intégralité de la somme récoltée soit reversée à la World Union For Progressive Judaism qui a de suite lancé un appel à toutes les communautés juives libérales du monde pour venir en aide aux populations juives ukrainiennes : « Si le conflit s’intensifie, votre argent deviendra une aide cruciale et nécessaire pour de nombreuses personnes. Si la tension s’apaise, le fonds sera consacré au développement de la communauté juive progressiste d’Ukraine. »
2022
La religion : facteur d’émancipation pour les femmes ?
Quatre femmes nommées dans leur religion respective à des postes à responsabilité débattent et exposent leur point de vue, détaillant comment elles ont, chacune, trouvé dans leur texte sacré et dans leur pratique religieuse la légitimité de leur fonction et un facteur d’émancipation.
Avec: Kahina BAHLOUL, première femme imame en France, Floriane CHINSKY, troisième femme rabbin en France, Marie-Reine MEZZAROBBA, théologienne catholique et Emmanuelle SEYBOLDT, pasteure et première femme présidente du Conseil Nationale de L‘EPUdF.
Illustration : Karl Magnuson / Unsplash
2022
2022
Parasha Ki Tissa : beauté et sainteté
Nous lisons dans le Décalogue: « Tu ne feras pour toi ni sculpture ni toute image de ce qui est dans les ciels en haut, sur la terre en bas, et dans les eaux sous terre. » [Ex. 20 :4] Mais pendant que la Transcendance communique à Moshé ces lois, les Israélites construisent le veau d’or. Généralement cet objet est considéré comme idolâtre car il est perçu comme objet de culte et d’adoration. Mais l’impulsion qui anime les Juifs n’est probablement pas d’ordre cultuel et religieux uniquement. Il y a aussi un désir de beauté. Les Israélites viennent de sortir d’Égypte, lieu où la beauté artistique est recherchée et soignée. Aujourd’hui encore, les ornithologues peuvent savoir quels types d’oiseaux il y avait en Égypte à l’époque, grâce à la qualité artistique des détails de leurs représentations. Les Juifs, peut-être inspirés par la beauté des paysages désertiques, veulent eux aussi pouvoir créer quelque chose d’artistique. Mais nous savons que la beauté peut parfois comporter des risques.
Matthew Arnold, poète et écrivain britannique du XIXe siècle, a écrit que les Grecs adoraient la sainteté de la beauté, les Juifs recherchaient la beauté de la sainteté. C’est une définition peut-être simpliste mais fascinante. Les Grecs, cependant, étaient conscients des dangers de l’expression artistique. Platon dans la République critique l’art parce qu’il exerce son charme sur la partie irrationnelle, enchante l’âme, l’exalte et la confond, enflammant les passions, et nous savons que cela est susceptible de se produire véritablement.
Le Judaïsme n’a pas toujours été très orienté vers l’art, mais l’art en a toujours fait partie. La Torah consacre quelques versets à la création du monde, mais des centaines de versets à la construction du Tabernacle. Il existe aussi un concept de Hiddour Mitsvah, beauté de la Mitsvah, selon lequel nous devrions accomplir les mitsvot de la manière la plus somptueuse et la plus élégante possible. Nous remarquerons que dans le Décalogue, il est dit : «Tu ne feras pour toi ni sculpture ni toute image … ». Je pense que l’expression « pour toi » est centrale. Si l’objet est fait « pour toi », pour nourrir l’ego et pour flatter la vanité de ceux qui le réalisent, nous sommes dans l’idolâtrie. S’il est conçu pour transcender ceux qui le réalisent et canaliser l’attention vers autre chose, c’est autre chose. L’idée juive selon laquelle il faudrait imiter la Transcendance dans ses qualités de générosité et de sollicitude pourrait et devrait aussi s’étendre à la faculté de créer la beauté. Ce n’est pas un hasard si dans la prochaine Sidra nous rencontrerons le personnage de Betsalel, qui aura les qualités artistiques qui manquent à Moshè pour créer le Tabernacle. Cela signifie que déjà à partir de l’époque biblique les artistes et l’arts ont un rôle, et que même le culte peut et doit s’exercer dans la beauté et par la beauté, sans toutefois que la beauté elle-même devienne un objet de culte. La beauté créée par l’humain doit être une force qui conduit à aller au-delà de l’humain, quelque chose qui va engendrer l’admiration pour la création divine. Ce n’est pas un hasard si le même or utilisé dans cette Sidra pour le veau sera utilisé dans la prochaine pour le Tabernacle. Symboliquement, cela signifie que les mêmes impulsions que nous pouvons utiliser pour nous glorifier et nous auto-célébrer peuvent être utilisées pour ressentir et exprimer qu’il y a quelque chose de plus grand que nous et qui nous transcende. Cela peut être réalisé avec des vertus comme la générosité, ou des valeurs comme la justice, mais aussi avec la beauté, une beauté qui ne sera pas seulement extérieure, mais qui touchera quelque chose de profond et d’intérieur dans l’être humain et dans le monde que la Transcendance a créé. C’est en prenant soin de cette beauté dans ce que nous faisons et dans la manière dont nous le faisons que nous montrerons à nous-mêmes, aux autres et à la Transcendence elle-même l’amour pour ce monde et la gratitude pour la beauté qui nous a été donnée. Le souhait pour nous tous est donc celui de pouvoir reconnaître et imiter cette beauté dans nos vies, avec l’aide de HaChem.
Liens : Etz Haim / H. F. Cipriani / H.F.Cipriani (page Facebook)
Photo de KoolShooters provenant de Pexels
2022
Atelier Musar : Le statut et la signification existentielle du rêve dans le Talmud de Babylone
NOUVEAU THÈME DE L’ATELIER MUSAR AVEC GEORGES-ELIA SARFATI
Un dimanche sur deux, de 18h à 20h
La Sagesse d’Israël, au même titre que les autres civilisations du Proche Orient Ancien, accorde un statut privilégié au rêve. Ce dernier est indissociable d’un questionnement éthique, qui touche au devenir de la personne. Au demeurant, la loi orale fait une constante référence à la loi écrite, qui consigne les épisodes du narratifs où des songes sont vécus par d’importants personnages (Joseph, Pharaon, etc.).
Le Talmud aborde la question du rêve sous différents rapports : il consigne d’abord les divers enseignements des sages, leurs controverses, mais dans toutes les situations abordées, la compréhension comme les clefs d’interprétation du rêve renvoient en dernière analyse au sens que celui-ci peut avoir dans l’existence du rêveur. Aux dires de certains critiques, les enseignements du Talmud touchant à cette question préfigurent bien des aspects de l’exploration psychanalytique.
L’étude du Musar – c’est-à-dire de la tradition éthique du judaïsme- se poursuit ici à partir de l’examen de la thématique onirique, à travers une série de rencontres au cours desquelles le dialogue personnel préside à l’étude collective de ce patrimoine commun.
Chers amis, nous continuons avec joie le cursus d’études initié l’an dernier avec notre ami le professeur Georges-Elia Sarfati*. Pour plus d’informations sur le 1er cursus, nous vous engageons à cliquer sur ce lien.
L’Atelier Musar/Éthique du judaïsme propose des cycles indépendants les uns des autres. Cette année (2021-2022), il prend la forme d’une lecture musarique/éthique du Talmud, travaillée en binôme avec un thème par trimestre.
Comme il est de règle, le Musar prend appui sur les ressources de la tradition pour proposer des motifs de réflexion pratique. Notre étude partira de la lecture de certains textes du Talmud Babylone, pour aborder leurs enjeux individuels et collectifs, de manière également à en expérimenter la signification.
Les perspectives pratiques de ces enseignements seront directement appelées par le principe du dialogue et du partage des implications personnelles entre participants – par le travail en binôme -, puisque la fréquentation de ces textes fait apparaître leur portée existentielle toujours actuelle.
Un cycle de 6 cours bimensuel en ligne qui aura lieu le dimanche tous les 15 jours de 18h à 20h, à partir du 30 janvier.
Dates
30 janvier, 13 et 27 février, 20 mars, 3 et 17 avril
Tarifs
Adhérent : 75 euros le cycle de 6 cours – 15 euros la séance.
Non adhérent : 100 euros – 20 euros la séance.
Inscription
Dans un premier temps, pour vous inscrire, merci de cliquer sur le lien
Lors de votre règlement, il vous sera proposé d’effectuer un don à HelloAsso, qui propose ses services gratuitement aux associations comme KEHILAT KEDEM. Ce don est facultatif et vous avez la possibilité de le refuser en cliquant sur « modifier » et « je ne souhaite pas soutenir.”.
Un mail de confirmation vous sera immédiatement envoyé.
Dans un second temps, peu avant le jour de la conférence, vous recevrez le lien ZOOM de connexion.
* Philosophe, linguiste, traducteur, diplômé de l’institut rabbinique Schechter de Jérusalem, docteur en études juives de l’université de Strasbourg, psychanalyste existentiel.